Thierry Fiorilli

Soweto et Stockholm : les clameurs inutiles

Thierry Fiorilli Journaliste

Deux événements captent aujourd’hui toute l’attention médiatique : l’adieu à Mandela, en Afrique du Sud, et la remise du Nobel de Physique à François Englert, en Suède. Deux événements qui drainent louanges et affluence de hautes personnalités du monde entier.

Fort bien. Pour autant, et sans gâcher la fête ici ni le recueillement là-bas, Stockholm et Soweto ne seront que deux places to be, éphémères donc, inutiles par conséquent, si ceux qui s’y pressent, qui y applaudissent ou qui y « honorent » de leur présence le défunt géant et son peuple n’en tirent aucun enseignement. Et se limitent à tenter d’en tirer un intérêt tout personnel, puisque, campagne électorale ou non, la visibilité d’un dirigeant pèse désormais davantage que ses convictions, son travail ou sa gestion des défis auxquels « sa » société est confrontée.

On peut douter que ces deux événements changeront quoi que ce soit. Ainsi la prouesse d’Englert (couronnée trente ans après…) démontre que, pour avancer, il faut du temps, il faut choisir de prendre le temps, il faut accepter qu’un chercheur, dans ce cas-ci, prenne le temps, pour un objectif bien déterminé, considéré comme capital ; il faut donc résister au « tout, tout de suite », et considérer que financer la science, dans son enseignement et sa recherche, n’est pas un luxe. Mais une nécessité. Puisque c’est des découvertes qui en découlent que naissent les progrès qui président à l’évolution, a priori positive, de notre espèce. Ainsi aussi, la légende de Mandela s’est bâtie autour du temps : celui qu’il a passé en prison (un tiers de sa vie), celui qu’il a passé à poursuivre un même objectif, celui de l’établissement de la justice, de l’égalité dans son pays, en réussissant au moins la réconciliation nationale, à défaut de la prospérité générale.

Or, tous les indicateurs démontrent que la recherche scientifique est sous-financée et que l’enseignement des sciences souffre d’un manque d’effectifs. Et on assiste, effaré, au fait que pour aller se recueillir sur les terres du symbole du rapprochement (des peuples et des individus), on voit un président français et son prédécesseur voler dans deux avions différents, parce qu’ils « ne se supportent pas ». Constats relevés depuis un pays dont la partie la plus riche, la plus puissante, la plus importante en nombre, montre sans trop de vergogne qu’elle considère l’autre partie comme au mieux un frein à son bonheur, au pire un clou de son cercueil. Le tout dans une atmosphère générale de rejet des uns et des autres toujours plus limpide.

De quoi donc douter, non pas de la sincérité de ceux qui se réjouissent d’un sacre à Stockholm ou qui pleurent la mort d’une légende à Soweto, mais de l’impact que ces deux événements auront sur le fonctionnement de nos sociétés dès les cérémonies clôturées.

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