Ivan Van de Cloot

Simplifiez donc les choses sur le plan fiscal !

Ivan Van de Cloot Économiste en chef Itinera

Le gouvernement est fier de ses réalisations jusqu’à présent. Il a ainsi décidé d’introduire le tax shift et d’adapter l’impôt sur les sociétés. Nous pouvons affirmer qu’il tente de s’attaquer à plusieurs problèmes prioritaires.

Le travail est beaucoup trop imposé dans ce pays, comme s’il s’agissait de quelque chose toxique devant être anéanti par des mesures fiscales. Et la fiscalité dans son ensemble – certainement aussi l’impôt sur les sociétés – est beaucoup trop complexe. Ce n’est pas parce que le gouvernement a entrepris quelques démarches que le travail est terminé. Bien au contraire. La pression fiscale totale s’est légèrement infléchie. Cette inflexion reste toutefois particulièrement modeste et elle est aussi peu durable si l’on ne s’attelle pas véritablement aux dépenses en même temps. À cet égard, le palmarès réel de ce gouvernement démérite fortement à la lumière des promesses faites. Focalisons-nous sur quelques priorités en matière de fiscalité.

L’élargissement de la base d’imposition permet l’introduction de tarifs plus bas

Notre pays a besoin d’une réforme fiscale fondamentale avec une base d’imposition plus large et des tarifs plus bas qu’aujourd’hui. Nous nous contentons trop souvent de mesures symboliques comme la taxe sur la spéculation ou la taxe sur les comptes-titres, qui pourrait bien rapporter moins qu’elle n’a coûté. Nous devons aller au-delà des solutions rapides. Faites attention aux effets comportementaux sur le long terme. Évaluez donc les réformes sur la base de leur effet sur l’ensemble, et non mesure par mesure. Dans le cadre d’une redistribution, réfléchissez aussi en termes de cycle de vie complet au lieu de ne réaliser qu’un instantané. Un meilleur système fiscal est un système fiscal durable.

Poursuivez la diminution de l’impôt sur le travail

Le fonctionnement du système fiscal influence la façon dont la société et l’économie se comportent à court ou plus long terme. Si nous travaillons. L’ardeur que nous mettons dans le travail. Ce que nous consommons. Ce dans quoi nous investissons – dans le capital humain et le capital machines. La recherche et le développement. L’entrepreneuriat et le choix professionnel.

Dans ce contexte, certains impôts causent plus de dégâts que d’autres – quelle que soit l’utilisation faite de leur produit. (Il nous faut donc aussi surtout viser des améliorations à cet égard.) Ce gouvernement a déjà opéré un glissement fiscal restreint du revenu à la consommation. C’est en tous les cas la bonne direction. Afin de transformer le système fiscal en un système qui, dans son ensemble, décourage moins le travail, il faut continuer sur cette voie, de préférence avec des mesures d’ampleur beaucoup plus grande. Des réformes ciblées peuvent sortir bien des gens de l’inactivité.

La TVA, simple ? Détrompez-vous !

Simplifiez dans la mesure du possible la taxe sur la valeur ajoutée. Il existe tout au plus quelques exceptions au principe d’imposer toute consommation de la même manière. En dehors de ces quelques exceptions, il faut éviter les dérogations à des taux de TVA uniformes. Pour toute dérogation, il convient notamment d’estimer si l’avantage ainsi obtenu compense le fait de rendre le système plus complexe. Le tarif TVA de 0 % appliqué sur des biens qui apparaissent plus que la moyenne dans les dépenses de personnes à faibles revenus peut par exemple être remplacé par l’adaptation de la somme exonérée.

Au niveau du patrimoine ? Songez à la neutralité

Ce gouvernement a pris des mesures symboliques dans le cadre de la fiscalité patrimoniale – qui font essentiellement glisser inutilement des capitaux. La saga de la taxe sur la spéculation en dit long, mais la taxe sur les comptes-titres est bien partie pour tourner au même vaudeville. Le remède ? Le principe de la neutralité. La neutralité plaide pour que des revenus égaux du patrimoine soient imposés le plus égalitairement possible. Certes, la nature de certains revenus du patrimoine est souvent fondamentalement différente, et cette différence peut justifier un traitement spécifique. Dans ces catégories, il n’y a pas de raison d’imposer un produit financier autrement que l’autre.

Arrêtez la chasse aux « statuts »

La cohérence interne du système fiscal évite qu’il y ait un trop grand fossé entre le tarif combiné de l’impôt sur les sociétés et du précompte mobilier d’une part, et l’impôt des personnes physiques d’autre part. Un tel écart incite trop à une utilisation impropre des structures des sociétés.

Simplifiez donc une fois pour toutes

Quand écoutera-t-on nos supplications ? Le système fiscal reste une jungle truffée d’exceptions. La simplicité est une valeur fondamentale pour réduire la charge administrative superflue, tant pour les autorités que pour le contribuable. La complexité ne joue qu’en faveur d’acteurs spécialisés, qui ont les moyens d’en tirer un avantage comparatif. Remédiez-y donc ! (Ceci vaut d’ailleurs aussi pour la forêt de subventions qui doivent être évaluées d’urgence quant à leur opportunité.) Associez toute mesure fiscale à un ou, tout au plus, deux objectifs mesurables. Ce n’est qu’ainsi que vous pourrez évaluer la mesure quant à son efficacité et son efficience. Si le parlement avait évalué effectivement dès le début de la législature une déduction après l’autre quant à leur efficience et leur nécessité, nous aurions peut-être déjà pu effectuer un bon désherbage afin de pouvoir à nouveau faire pousser de belles plantes vigoureuses. Ces interventions auraient permis de financer une réduction en profondeur du tarif sur le travail. Aujourd’hui, nous restons à la traîne avec des tarifs faramineux sur une base d’imposition étroite.

Le défi consiste à évoluer vers des tarifs plus bas sur une base d’imposition plus large. Ce n’est qu’en visant une large réforme fiscale au lieu de mesures ad hoc qu’une plus grande stabilité fiscale et une plus grande sécurité juridique commenceront à se dessiner. La prévisibilité est le label de qualité d’un système fiscal durable. Engagez-vous à ce qu’après la réforme fiscale fondamentale, la fiscalité reste stable pendant deux législatures au moins. Ce gouvernement a-t-il encore l’ambition d’accomplir tout cela ? Il peut éventuellement encore avoir un plus grand impact en lançant une commission fiscalité à l’instar du gouvernement précédent qui avait créé une commission pensions. On hésite cependant souvent à faire appel à l’expertise en dehors du propre cercle d’amis. Mener une politique ne consiste toutefois pas à choisir purement ce qui est sympathique sans en approfondir les conséquences. Les conséquences politico-électorales sont déjà plus que largement prises en compte, mais quand va-t-on opérer le mouvement de rattrapage pour le développement des connaissances sur l’impact sur la qualité de la gouvernance ?

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