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« Si vous voulez que les gens travaillent plus longtemps, il faut que tout le monde en soit capable »

Le Vif

« Travailler jusqu’à 67 ans? Très bien, mais il faut que le travail soit faisable ». C’est probablement la phrase la plus répétée lors des débats sur la retraite.

Au fil des ans, le travail faisable est devenu une notion fourre-tout : chacun lui donne une interprétation différente. Le président de la FGTB ne cache pas que pour lui « travail faisable » revient à moins travailler. Il plaide donc en faveur d’une semaine de travail de 32 heures. Pour les spécialistes du marché du travail et des RH, il ne s’agit pas de moins travailler, mais surtout d’une autre façon de travailler. Le travail doit offrir suffisamment de chances d’apprentissage, il ne peut pas générer trop de stress, et il faut un équilibre entre le travail et la vie privée. Si ces conditions sont remplies, les gens éprouvent plus de plaisir à faire leur travail, ils apprennent davantage, ils travaillent plus longtemps et sont moins souvent malades. Et donc les entreprises testent de nouvelles formes de travail : les équipes autogérantes où les employés établissent eux-mêmes leur planning de travail ou le jobcrafting, qui permet aux travailleurs de décider comment ils font leur boulot. Les pratiques telles que la rémunération flexible, la possibilité offerte aux employés de composer eux-mêmes leur package salarial, le télétravail et les horaires flexibles cadrent dans la recherche de travail faisable.

À l’opposé de la question de travail faisable, Bart Buysse, directeur général de Fédération des Entreprises de Belgique, a été le premier à poser la question du travail « maniable ». « Le débat autour du ‘travail faisable’ donne erronément l’impression que le travail n’est pas faisable en Belgique. Rien n’est moins vrai », déclare la Fédération.  » Les activités des entreprises changent. Tout comme les besoins des employés. Les jobs et les processus de travail évoluent aussi. Certains disparaissent et d’autres se créent. Nous devons pouvoir y répondre. Pour garder nos entreprises maniables et compétitives, mais aussi pour que les employés restent ‘maniables’, disponibles et qu’ils travaillent plus longtemps. » Les employeurs ont donné une nouvelle tournure à la discussion. Pour eux, notre droit du travail et notre organisation forment un carcan qui empêche la société changeante et les entreprises de s’adapter à la nouvelle réalité économique.

Qui ?

Bien entendu, le ministre du Travail Kris Peeters (CD&V) n’a pas inventé les termes « faisable » et « agile », mais il les a mis sur l’agenda. Il essaie de concilier les notions parfois contradictoires dans son plan de réforme pour le marché du travail. Ce plan est lié à la réforme de pensions du gouvernement Michel qui a décidé de relever graduellement l’âge de la pension à 67 ans, car si vous voulez faire travailler les gens plus longtemps, il faut que chacun en soit capable. C’est pourquoi ils ont d’abord braqué les projecteurs sur le travail faisable. Rapidement, les employeurs ont craint que ce soit traduit en travailler moins et en nouveaux systèmes pour les interruptions de carrière. Du coup, ils ont surtout mis l’accent sur les jobs maniables.

Aussi le résultat de tout cela, la loi de réformes de Kris Peeters, comprend-il des mesures diverses. La réforme de la semaine de 38 heures est l’une des plus frappantes. Celle-ci n’est pas abolie, mais les calculs peuvent se faire sur base annuelle, à condition que les syndicats des entreprises soient d’accord. Un producteur de glaces par exemple peut demander qu’en été ses employés travaillent plus de 38 heures par semaine, et moins en hiver. Par ailleurs, la loi de réforme comprend une extension des heures supplémentaires, du télétravail et du travail à temps partiel : des interventions qui conviennent plutôt au travail maniable. Or, il faut instaurer le travail faisable grâce à des mesures telles que l’épargne-carrière qui permettent aux travailleurs d’épargner leurs jours de congé, le don de jours de congé, un dispositif pour les horaires flexibles, et l’extension des congés palliatifs et du crédit-temps pour soins.

Pourquoi?

La réforme de l’organisation du travail dans notre pays est indispensable. Même si l’âge de la pension a été relevé, peu d’employés se sont faits à cette idée. Ainsi, 56% des employés belges souhaitent arrêter à 60 ans, 24% à 65 ans et seuls 5% sont prêts à travailler au-delà. Les chiffres de l’Institut de recherche HIVA (KULeuven) démontrent qu’il y a encore beaucoup de pain sur la planche pour convaincre tout le monde de gagner plus. Et ce n’est pas étonnant. Selon l’INAMI, un peu de 9000 Belges sont restés chez eux avec un burn-out en 2015.

Les entreprises aussi sont sous pression. Elles doivent lutter contre des concurrents du monde entier, alors qu’internet bouleverse leur modèle d’entreprise classique. Et entre-temps, la technologie se développe à toute allure: avant que les entreprises aient trouvé une réponse à l’innovation, la prochaine s’annonce. Et les clients sont plus exigeants que jamais. L’e-commerce en est le parfait exemple : les colis doivent être livrés à domicile le plus rapidement possible. Éventuellement demain, mais de préférence aujourd’hui. Toutes ces évolutions demandent une flexibilité inédite de la part de toutes les personnes concernées.

Sven Vonck

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