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« Si l’on prône le confédéralisme, on doit accorder aux francophones un statut de parfaite égalité »

Le Vif

Né à Bonn, arrivé chez nous en 1995, Christian Behrendt est fasciné par la Belgique, dont la capacité à dépasser les conflits est « unique au monde ». La réforme de l’Etat ne sera jamais totalement finie, dit le constitutionnaliste.

Propos recueillis par Olivier Mouton Le Vif/L’Express : Vous rendez lisible un modèle qui n’est pas simple à comprendre.

Christian Behrendt : Il n’y a jamais eu de master plan pour la Belgique. Sauf peut-être une fois, en 1977-78 avec le pacte d’Egmont. Pour moi, c’est le seul moment où l’on a défini ce que devrait être la Belgique dans le futur. Cela n’a pas marché. Il y a eu un accord, qui allait quand même de la Volksunie au FDF, mais deux événements marquants ont conduit à son échec : un avis critique du Conseil d’Etat et une attitude complètement irresponsable du Premier ministre Leo Tindemans (CVP) qui a démissionné à la stupéfaction générale.

Le seul master plan, dites-vous. Cela signifie que l’on avance à petits pas ?

On pourrait le dire si l’on avançait toujours dans la même direction. Mais la direction change sans cesse, au rythme des aspirations des uns et des autres. C’est normal aussi. Si l’on se place au niveau international, en quarante-trois ans, nous avons connu une évolution institutionnelle extrêmement rapide, même si la N-VA affirme que l’on avance trop lentement. Aux Etats-Unis, on amende un article de la Constitution tous les trente ans : la dernière fois, c’était en 1992.

Attend-on encore ce master plan ?

Non. Il aurait été possible d’en avoir un à cette époque-là parce que l’on avait encore l’impression de pouvoir en faire un. C’était encore le cas lors de la quatrième réforme de l’Etat, en 1993, quand on a voté une loi « achevant » la réforme de l’Etat. Avec vingt ans de recul, on se dit que c’était quand même naïf.

Le processus de réforme de l’Etat n’est pas fini ?

Non. Dès lors que le dernier parti unitaire – le PS en 1978 – s’est scindé, il y a eu des aspirations de plus en plus différentes au nord et au sud ainsi qu’une perte de contact. En soi, cela n’est pas très grave. Mais je rejoins ceux qui disent qu’il ne faudrait quand même pas que chaque scrutin dans ce pays soit marqué de façon prépondérante par les questions institutionnelles. Si on fait cela, je crains pour la compétitivité, pour les emplois, pour ce que les Américains appellent joliment dans leur Constitution la « poursuite du bonheur » collectif.

De ce point de vue, la crise des 541 jours a peut-être eu quelque chose de salvateur : on s’est rendu compte qu’à force de ne plus se parler, on promettait monts et merveilles à son électorat, ce qui rendait de plus en plus difficile la période de conciliation. J’ai l’impression que cela conduit les responsables politiques de part et d’autre à modérer leur discours. On a aussi pris conscience qu’à force de se consacrer au communautaire, il y a plein de choses que l’on ne fait plus, avec les conséquences que cela engendre : les taux d’intérêt de notre dette s’envolent.

La N-VA défend pourtant le confédéralisme dès 2014, ce qui sera potentiellement la prochaine demande tranchée.

Académiquement, si vous prônez la loi du nombre à la Chambre, en affirmant que celle-ci prime, que les Flamands peuvent voter contre les francophones, c’est une attitude terriblement unitariste. C’est la Belgique de papa parce que c’est considérer la Chambre comme la représentation d’un pays unitaire. Si vous êtes de vrais confédéralistes, vous avez d’autant plus besoin de l’accord de l’autre parce que vous ne pouvez rien décider tout seul. L’organe qui est peut-être le plus confédéral en Belgique, c’est le Conseil des ministres avec la parité et le consensus. Les autres organes tout aussi confédéraux, ce sont la Région bruxelloise et la Commission communautaire commune : là aussi, il faut un accord sur tout.

Ce que la N-VA va devoir dire à ses électeurs, c’est que si l’on prône le confédéralisme ou l’indépendance, on doit accorder aux francophones un statut de parfaite égalité. Les Etats sont juridiquement égaux sur la scène internationale.

L’intégralité de l’entretien dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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