Éric Van Rompuy © Belga

« Si ce gouvernement tient 5 ans, la N-VA prouve que le confédéralisme est superflu »

Le Vif

Éric Van Rompuy (CD&V) vient d’avoir 65 ans. Un moment idéal pour faire le point et regarder vers le futur. « La sobriété doit aller de pair avec la solidarité. Le gouvernement a sous-estimé cela ». Extrait d’une interview fleuve accordé au journal de Zondag.

Votre frère quitte la scène politique ce lundi. Êtes-vous fier de lui ?

Éric Van Rompuy: « Bien sûr. À l’Europe, il a su rester lui-même malgré les périodes difficiles. Il est l’incarnation de la ténacité tranquille. Ce qui m’impressionne surtout, c’est sa résistance physique. Il semble plus en forme maintenant qu’il y a 10 ans et il a pourtant 67 ans. Cela doit beaucoup à une certaine attitude et une bonne dose de passion. Être dans l’opposition lui convenait visiblement moins bien. »

C’est davantage votre tasse de thé…

(hochement de tête). Oui, le parlement est mon biotope naturel. Je suis un combattant alors qu’Herman est un homme d’État. Mon ambition a toujours été de jouer dans la première division. Sauf que je n’ai jamais voulu être premier ministre ou chef de parti. Je suis beaucoup trop querrelleur pour cela. Quand j’étais président des jeunes CVP, j’ai quand même fait tomber deux gouvernements Martens en 1980 et en 1981. Encore aujourd’hui mon parti me considère comme un élément incontrôlable. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir de bonnes relations avec Wouter Beke. Il sait que je n’ai pas d’agenda caché et que lorsque je donne mon avis, c’est pour ouvrir le débat et le mettre à l’agenda.

Ce débat est aujourd’hui centré autour du « tax-shift » (glissement de la fiscalité du travail vers le capital) qui tient particulièrement à coeur au CD&V. Qu’en pensez-vous ?

Ceux qui demandent des efforts à la population, comme c’est le cas aujourd’hui pour le gouvernement, doivent aussi en redistribuer honnêtement les fruits. Et on en est loin. Il n’est pas possible que quelqu’un comme Marc Coucke fasse des centaines de millions de bénéfices sans payer un centime. Lorsque le gouvernement Dehaene demande des efforts dans les années 90, il fait davantage participer les hauts revenus que les familles et les travailleurs. Cela devrait aussi être le cas aujourd’hui. Les gens doivent pouvoir voir que de l’autre côté de la barrière, c’est-à-dire du côté du grand capital, on participe aussi aux efforts. Sans cela, les mesures prises par le gouvernement, et que je cautionne par ailleurs, ne seront pas soutenues par la population. Or ce soutien est absolument nécessaire. Une chose que le gouvernement a largement sous-estimée. Comme le dit mon frère : un gouvernement qui prône la sobriété doit aller de pair avec la solidarité. Les esprits sont en train de murir. Le gouvernement n’est en place que depuis 6 semaines et les dernières discussions sur le budget ne sont pas closes. Les choses ne pourront être laissées en état. La pression de société se fait de plus en plus vive.

Est-ce que vous vous sentez à l’aise dans cette coalition avec la N-VA, un parti que vous avez combattu de nombreuses années?

C’est l’électeur qui a souhaité cette coalition. On ne pouvait pas passer outre les scores monstrueux de la N-VA. Il est vrai que le CD&V se retrouve en tant que parti de centre gauche avec trois partis de droite et cela, je l’avoue, m’est très difficile. D’un autre côté, je suis soulagé que le PS ait été exclu. Avec le PS au gouvernement, il n’aurait pas été possible de prendre des mesures qui sont nécessaires pour relancer notre compétitivité et construire un budget qui tient la route. »

Avant les élections, vous disiez « si Bart De Wever gagne les élections, cela signifie la fin de la Belgique ». Cela ne semble pas être le cas…

Je remarque que la N-VA ne semble pas faire grand cas de son programme communautaire. Le confédéralisme était pourtant un point central de leur programme. Mais ils ont décidé de le mettre au frigo. Johan Van Overtveldt parle aujourd’hui un tout autre langage qu’il y a quelques mois. De même pour Jan Jambon. La N-VA prend désormais ses responsabilités dans les différents niveaux de l’état. Si ce gouvernement arrive au bout de ses ambitions d’ici 5 ans, la N-VA aura alors aidé à prouver que ce pays est gouvernable et que de facto le confédéralisme est superflu.

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