Rik Van Cauwelaert

Sharia4Belgium met Bruxelles face à ses problèmes

Rik Van Cauwelaert Rik Van Cauwelaert is directeur van Knack.

Les récents débordements à Molenbeek et les quelques échauffourées dans d’autres communes bruxelloises mettent la ville face à une cruelle réalité : elle ne peut affronter seule ses problèmes d’intégration.

Le gouvernement bruxellois semble, à l’évidence, ne pas pouvoir affronter seul ses problèmes d’intégration. Bruxelles n’est pas une région à part entière. Bruxelles, composée d’un patchwork de 19 communes, n’est pas non plus une ville. Bruxelles est un pôle administratif qui se vide, peu ou prou, le soir et où un quart de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Rien de bien neuf sous le soleil. Ces problèmes sont connus depuis des dizaines d’années et refont régulièrement surface. 28 % des jeunes bruxellois quittent l’école sans un diplôme. 30 % des jeunes bruxellois – dans certains quartiers même un sur deux – n’a pas d’emploi. Le revenu moyen des Bruxellois est environ 15 % plus bas que la moyenne nationale.

Mais durant toutes ces années, les dirigeants bruxellois ont ignoré ces aspects des choses et ont consacré leur temps au gaspillage des mannes financières, publiques ou secrètes, en provenance des coffres du fédéral.

Depuis les troubles de Molenbeek suite à l’affaire dite du niqab, les politiciens francophones et bruxellois se bousculent au portillon pour se lancer à qui mieux mieux dans des diatribes sur l’interdiction du foulard, l’instauration d’un contrat d’intégration et l’interdiction des organisations extrémistes.

Le débat qui a éclaté il y a déjà quelques années en Flandre – et qui était vu du côté francophone comme une percée d’un « racisme inquiétant » au nord du pays – a atteint aujourd’hui la Wallonie et Bruxelles.

Surtout chez les libéraux du MR qui s’affichent en figure de proue dans la lutte contre ce qui est appelé « les habitudes moyenâgeuses au sein d’une communauté ». Même le Premier ministre Elio Di Rupo n’est pas en reste et milite pour l’interdiction de Sharia4Belgium.

Le Vice-Premier ministre Didier Reynders , bientôt éligible pour le conseil communal de la commune résidentielle d’Uccle, s’est exprimé pour l’interdiction du port du foulard, tout comme son président de parti Charles Michel. Un autre membre du parti, Daniël Bacquelaine, chef de file du MR au parlement, a pour sa part dépeint le modèle multiculturel comme un échec.

Cette campagne électorale du MR (entre temps le PS s’est aussi lancé dans la danse) met surtout en exergue l’impuissance de Bruxelles.

La seule solution réalisable pour Bruxelles est celle développée, dès 1947, par le libéral liégeois Jean Rey, celui qui devint plus tard le président de la commission européenne. Jean Rey proposait de transformer la Belgique en une confédération composée d’états fédéraux, la Flandre et la Wallonie avec Bruxelles comme capitale fédérale. Celle-ci serait autonome d’un point de vue culturel et administratif. Toutes les autres compétences dépendraient de l’autorité fédérale.

Les Bruxellois, aussi bien les francophones que les néerlandophones, ne veulent en aucun cas tomber sous la coupe de la Flandre ou de la Wallonie. Parce que cela reviendrait, selon le philosophe d’UCL Philippe Van Parijs, à du colonialisme.

Entre Bruxellois, il est par ailleurs de bon ton de parler entre soi de l’indépendance de Bruxelles. L’historien Harry Van Velthoven pointait même dans les colonnes du magazine « Doorbraak » un certain nationalisme bruxellois. Cette fanfaronnade bruxelloise est encore encouragée par des déclarations comme celle de Jean-Luc Dehaene dans le Soir. Ce dernier proposait Bruxelles comme notre unique passerelle vers le niveau international.

Dans une récente interview, toujours dans le même journal, le sociologue de la VUB Eric Corijn écrit : « Les richesses que produit Bruxelles profitent à d’autres ». C’est un constat qu’on entend souvent dans les cercles bruxellois, même si cela ne repose sur rien. Car Bruxelles ne rapporte rien et certainement pas des richesses. Si c’était les cas, les allochtones paupérisés et sans emploi des communes de Molenbeek , Anderlecht, Schaarbeek, et Saint-Josse-ten-Ode l’auraient certainement remarqué.

Bruxelles est un centre d’emploi, un lieu où sont établis les services administratifs et tertiaires et où est créée une bonne partie du surplus de la balance budgétaire à cause des universitaires qui viennent y travailler quotidiennement, notamment dans les entreprises internationales et qui y ont installé leur quartier général.

L’infrastructure étendue que propose Bruxelles permet à la ville de se placer comme pôle international. Pourtant, celle-ci ne doit rien à Bruxelles puisque cette dernière est payée par le fédéral.

Que les Bruxellois le veuillent ou non : Bruxelles est déjà sous la coupe du fédéral, de la Flandre et la Wallonie. 80 % de l’activité économique bruxelloise sont liés à la Flandre. Pour assurer la construction bruxelloise le gouvernement fédéral n’a pas seulement fourni des moyens financiers supplémentaires, il a aussi, via la nouvelle loi de financement- si elle est votée un jour- , assuré un plus grand transfert d’argent entre la Flandre et Bruxelles.

Bruxelles vit depuis des années au-dessus de ses moyens, mais continue vaille que vaille à prétendre qu’elle pourrait être une région à part entière. Il faudra plus qu’une interdiction Sharia4Belgium pour faire de Bruxelles une ville, ne parlons même pas d’une région, à part entière.

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