Christine Laurent

Sacré coup de com’

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

IL PARAÎT QU’IL TRAÎNE LES PIEDS. C’EST DU MOINS CE QUE prétendent le CD&V, le SP.A et l’Open VLD. De fait, alors que l’on fête tristement notre 515e jour sans gouvernement, point de fumée blanche à l’horizon, pas la moindre esquisse de budget.

Le formateur s’enliserait-il dans les sables mouvants des négociations ? Pour combler ce vide politique et économique abyssal, c’est tout juste si nous avons droit à quelques fuites ripolinées en bonnes nouvelles : on aurait trouvé (déjà ?) 5,2 milliards d’euros, près de la moitié du montant nécessaire pour ramener le déficit à 2,8 % du PIB ! Baisse du taux de référence des intérêts notionnels et de la croissance des dépenses de santé, taxes nucléaire et bancaire, lutte contre la fraude fiscale et sociale… on connaît le refrain, toujours le même, que l’on serine depuis des semaines aux médias pour les occuper. « Di Rupo doit passer à la vitesse supérieure », réclament mezza voce les mêmes partis flamands. Ils ont raison. Tournicoter autour de réunions qui s’empilent ne suffit plus. Il va bien falloir trancher, et pour le 15 novembre au plus tard, sous peine de se faire tacler par l’Europe si notre pays atteint la fin de l’année les mains vides.

Certes, l’opération est ultrasensible, tant les clivages gauche-droite se creusent au fil des jours. Pas simple d’aligner socialistes et libéraux autour d’un programme commun. Les pommes de discorde se multiplient, il y a de la friture sur la ligne, de la bouderie dans l’air, un zeste de musculation de part et d’autre. Sans oublier la sempiternelle passe d’armes entre Didier Reynders et Philippe Moureaux, si usée, si archaïque qu’elle ne prête même plus à commentaire. Tout lasse.

De fait, le chantier socio-économique peut être explosif. On sent la gauche fiévreuse. Nul doute que la crise de l’Etat providence ne l’aide pas. Ni le déficit vertigineux du pays. Le parti socialiste osera-t-il affronter la colère de la FGTB et de ses affiliés s’il fallait toucher aux sacro-saints droits sociaux ? « Pourquoi le PS s’embarque dans cette galère »… La publication d’une carte blanche signée par 94 parlementaires socialistes dans Le Soir de ce 7 novembre tentait une explication. Un sacré coup de com’ dont les experts du Boulevard de l’Empereur ont le secret. Une opération marketing subtile pour préparer l’électorat socialiste aux futurs sacrifices sur le ton de la responsabilisation et conforter au passage l’image d’un PS « protecteur » ? Une stratégie qui en dit long, en tous les cas, sur les craintes de ces élus devant les mesures d’austérité qui s’annoncent. D’autant que le prochain gouvernement ne pourra se satisfaire de saupoudrage light, tant les changements structurels, les politiques nouvelles s’imposent. Et elles devraient bousculer bien des tabous.

Au dernier G 20 à Cannes, la chancelière Angela Merkel n’a pas mâché ses mots : il faudra pas moins de dix ans à l’Europe pour s’en sortir. Dix ans de galère et de sacrifices, dix ans de croissance zéro, dix ans de rigueur. Nul doute que tous les partis, de gauche comme de droite, devront oser, prendre des risques pour trouver des solutions à notre fol endettement de vieux riches. La crise sonne, en effet, la mobilisation… pour tous.

Christine Laurent

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