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Sabotées, les écotaxes volent à la poubelle

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Un des plus beaux exemples d’arnaque politique est sur le point de disparaître. Di Rupo Ier a signé l’arrêt de mort des écotaxes pour ce 1er janvier. Il enterre par la même occasion le vieux combat emblématique d’Ecolo qui a viré au fiasco.

C’est plus qu’une mesure technique, c’est une belle arnaque politique qui passe à la trappe. Di Rupo Ier a programmé la mort des écotaxes pour ce 1er janvier. Sans le crier sur tous les toits. En noyant sa décision parmi les mesures budgétaires d’une loi-programme un peu fourre-tout.

Geste délicat et peut-être pas désintéressé : cette discrétion épargne aux Verts le réveil sur la place publique de pénibles souvenirs. Ecolo, qui prête au gouvernement fédéral son concours à la réforme de l’Etat, lui en saura gré.

Vieille histoire, ces écotaxes. Elle remonte à 1993. Mais elle fait alors couler pas mal d’encre. Ecolo, dans l’opposition, en fait son cheval de bataille, la pièce maîtresse de sa croisade environnementale. Au point d’exiger et d’obtenir du gouvernement Dehaene Ier (socialiste – chrétien démocrate) leur adoption, en échange du soutien écologiste à la réforme de l’Etat dite de la Saint-Michel. Marché conclu, quoiqu’avec des pieds de plomb.
Un signal fort est ainsi adressé au consommateur : il est invité à se détourner de piles, appareils photos jetables ou autres récipients plus lourdement taxés pour leurs effets polluants.

Les écotaxes ne franchiront donc pas le cap des vingt printemps. Le gouvernement fédéral arrête les frais. En invoquant le bon sens : certains produits écotaxés ont tout bonnement fait leur temps. C’est le cas des appareils photos jetables : 1.757.347 exemplaires encore mis sur le marché belge en 2000, 185.084 dix ans plus tard. A quoi bon ?

Mais d’autres arguments avancés sont moins glorieux. Ils sous-entendent un naufrage en partie délibéré. Passe encore sur le report répété de l’entrée en vigueur de la loi, pour cause de problèmes pratiques d’application.

Il y a aussi cet aveu, écrit noir sur blanc dans la note justificative du gouvernement fédéral : « Pour ce qui a trait à la satisfaction des taux de collecte imposés, il revenait aux régions de communiquer chaque année un rapport en la matière. Cependant, aucune donnée à ce sujet ne fut jamais communiquée. » Ainsi les Régions, associées à l’expérience, n’ont jamais joué correctement le jeu. Leur passivité a mis à mal le système d’exonérations offertes au contribuable, sous condition de collecte et de recyclage des produits polluants.

On aurait voulu vider le système des écotaxes de sa substance par une bonne dose de mauvaise volonté qu’on ne s’y serait pas pris autrement.

Possibilités de contrôle limitées, rentabilité insuffisante : Di Rupo Ier enfonce les derniers clous dans le cercueil des écotaxes. « Les recettes provenant des écotaxes ne s’élèvent qu’à 2.408.627,07 € pour 2011, et leur perception génère des formalités qui revêtent un caractère disproportionné compte tenu du faible montant desdites recettes. »

Cette façon de présenter les choses n’a pas convaincu les magistrats du Conseil d’Etat : ils invitent Di Rupo Ier à justifier autrement que par des motifs bassement budgétaires l’abrogation de « la seule fiscalité à laquelle on peut se soustraire en toute légalité », pour peu que l’on change de comportement.

Exit les écotaxes, ce pari fou mais perdu sur la loyauté politique. C’est l’Ecolo à l’ancienne qui s’efface par la même occasion. Les Verts n’ont d’ailleurs plus trop envie de crier au scandale. Il a suffisamment tourné à leur confusion. Loin d’eux l’idée de mettre dans la balance le soutien qu’ils ont à nouveau promis d’apporter de l’extérieur à la sixième réforme de l’Etat.

Ecolo a tourné la page des écotaxes. Il en est sorti plus dégrossi, moins tendre, plus cynique aussi. On ne les y reprendra plus.

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