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S’il y a un gagnant après le refus du cdH, c’est bien De Wever

Annelies Van Erp

« Je ne crois pas que De Wever ait consciemment travaillé à ce scénario » estime le politologue Dave Sinardet (VUB) après le refus du cdH à la note de Bart De Wever. Son collègue Carl Devos (Université de Gand) trouve quant à lui que « De Wever s’est montré un homme d’État très ouvert au compromis ».

La note de De Wever était acceptable pour de nombreux partis : pas de septième réforme de l’état, pas de saut d’index et pas de limitation des allocations de chômage dans le temps. Le cdH dit donc non à une note exempte de nombreux points de rupture de la N-VA. Une stratégie consciente de l’informateur Bart De Wever : placer la barre très bas, sachant que le cdH dirait non et se tirerait une balle dans le pied ?

Carl Devos : « Il est impossible de regarder dans la tête de De Wever, ce qui transforme souvent ce genre de spéculations en procès d’intention. Cependant, d’après les signaux qu’on a pu entendre au sein de la N-VA ces derniers jours, le parti ne comptait pas sur un ‘non’ du cdH, mais sur un ‘oui, mais’. Ils voulaient vraiment poursuivre cette formule et gouverner au fédéral. Déjà pendant la campagne, ils ont répété que de nombreux leviers pour un basculement politique se trouvent au niveau fédéral. Cela démontrerait également que la N-VA ne refuse pas par principe de gouverner au niveau fédéral. La note de l’informateur était effectivement rédigée de telle façon que son refus ne pouvait être attribué à la note elle-même. Le cdH a cherché trop loin les raisons de rejeter cette note. Ils cherchent surtout l’explication dans ce qui n’y est pas mentionné ».

« S’il y a un gagnant, bien que ce qualificatif soit très relatif étant donné les circonstances, c’est bien De Wever. Il s’est montré un homme d’État très ouvert au compromis. Mais un petit parti francophone, qui a perdu les élections et vivra à présent comme une succursale du PS, torpille cette note assez prudente. S’ils ne peuvent même pas accepter une telle note, parce que la gauche francophone refuse, qu’est-ce qui pourra encore réussir ? De Wever a remporté une bataille de perception importante dès lors que l’on oublie que la méfiance est évidemment due aussi à la N-VA. »

« Cependant, l’impression dominera que la N-VA a fait de son mieux, qu’elle s’est montrée très ouverte au compromis, mais que la succursale du PS l’a torpillée : le modèle N-VA contre le modèle PS. En outre, ces mêmes francophones véhiculent l’image de véritables fossoyeurs au niveau fédéral : ce sont eux qui nous précipitent dans une crise de formation. On entendra encore souvent que le confédéralisme ne figurait pas dans la note de Bart De Wever mais dans son rejet ».

Dave Sinardet : « Je ne crois pas que De Wever ait consciemment travaillé à ce scénario, il voulait vraiment réunir les quatre partis avec cette note pour négocier un gouvernement de centre droit. Cependant, il est certain qu’il y a des membres de la N-VA qui poussent un soupir de soulagement parce que le texte n’est pas passé ».

Que se passera-t-il à présent, quelles sont vos attentes?

Devos : « Soit, nous aurons rapidement un gouvernement kamikaze (avec le MR comme seul parti francophone, NDLR), soit nous aurons une pause avant une formation longue et épuisante. Même si cela peut sembler stupide et invraisemblable à l’heure actuelle, peut-être que dans quelques mois, à coup d’usure et de virages, ce qui est exclu aujourd’hui sera à nouveau possible. Peut-être une tripartite ? Peut-être finalement ce gouvernement auquel travaillait De Wever ? Aujourd’hui, c’est effectivement hautement improbable, mais 2007 et 2010 nous ont appris que certaines choses deviennent possibles si une situation se prolonge très, très longtemps.

Sinardet : « Il est important d’analyser les problèmes. Que la N-VA et le cdH n’aient pas réussi à trouver un accord en quatre semaines n’est pas étonnant quand on connaît la genèse de la formation de gouvernement précédente ainsi que l’image négative de la N-VA du côté francophone. Il est important de souligner qu’il n’y a pas qu’un manque de confiance du cdH en la N-VA, mais aussi en le MR. Si une collaboration entre la N-VA et le cdH n’est déjà pas évidente, elle devient encore plus compliquée si ce dernier n’a pas confiance en son seul partenaire francophone. Il faut également rétablir cette confiance parmi les partis francophones. Selon moi, il faut d’abord désigner un francophone libéral, envoyer un membre du PS sur le terrain n’aurait pas beaucoup de sens. Si nous allons tout de même vers une tripartite classique ? Il est clair qu’en ce moment les esprits ne sont pas mûrs pour une telle possibilité ».

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