Christine Laurent

Ringarde, notre monarchie ?

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Notre monarchie serait-elle juste bonne à couper les rubans ? En service minimum ? Vingt ans après « l’épisode » qui avait vu Baudouin refuser de signer la loi sur l’avortement, voilà à nouveau le trône royal vacillant.

Par Christine LAURENT

Il aura suffi d’un dossier bien ficelé de La Libre Belgique et du Standaard , qui réussissent là un joli coup médiatique, pour que les esprits s’ébrouent. Jusqu’ici, rien de sulfureux. Mais une belle occasion, pour les plus audacieux, de se lâcher. Et, déjà, certains de se raidir mentalement. Alors qu’on parle de retailler un costume au roi, ils frémissent, jouent à se faire peur. Et si, en ouvrant la boîte de Pandore, on précipitait la fin du royaume, favorisant ainsi, à terme, la disparition pure et simple de la Belgique ?

De fait, la majorité de la classe politique demande une réforme du rôle politique du roi, nous dit-on. Albert II lui-même y serait favorable. Au menu, le retrait de la faculté du souverain de sanctionner et de promulguer les lois par un toilettage de la Constitution lors d’une prochaine législature. Requiem pour une fonction royale ? A peine un aria pour autant que, dans ce débat, la raison, et non l’émotion, l’emporte. Mais la question est-elle réellement à l’ordre du jour ? Et doit-elle pour autant devenir aujourd’hui problème ? Peut-être. Plusieurs observateurs évoquent avec angoisse, in petto, un futur passage de sceptre entre Albert II et le prince Philippe qui ferait tanguer l’esquif. Las, le fils, malgré de louables efforts, peine à se faire un prénom et sa popularité ne décolle guère. Or ne vient-il pas d’être promu lieutenant-général et vice-amiral, comme son père ? Gouverner, c’est prévoir. « Et ne pas prévoir, c’est déjà gémir », prétendait Léonard de Vinci. Le moment serait donc tout choisi pour réfléchir à un nouveau modèle institutionnel pour la gouvernance de notre Etat .

Une vision du moment, soumise aux intérêts du moment. Avec la régionalisation, que reste-t-il vraiment du pouvoir du Palais ? Un roi au-dessus de la mêlée, dernier rempart face au divorce communautaire qui menace, seul arbitre et garant de la loyauté fédérale ? Après lui, le déluge, la Belgique qui va à vau-l’eau ? « Si les Belges n’y croient plus, ce n’est pas le roi qui va sauver notre pays », grincent les républicains. Certes. Et puis, créerait-on encore une monarchie à notre époque ? Sur les 192 membres de l’ONU, on compte à peine une vingtaine de pays monarchiques dans lesquels la fonction de chef de l’Etat est transmise par voie héréditaire, comme nous le rappelle, cette semaine, l’un de nos fidèles lecteurs de Louvain-la-Neuve. La majorité des autres pays a choisi le mode électif de la république. « Et que dire de l’Europe qui, sur 27 pays, n’affiche plus que 7 monarchies ? Le maintien à terme du duo république-monarchie est-il encore compatible après la ratification du traité de Lisbonne et l’arrivée d’un président du Conseil ? » s’interroge-t-il encore.

Autant de questions pertinentes, autant de sujets de réflexion pour nourrir un dossier délicat. « Quand je vois de quelle manière tout cela a évolué ces dernières années, je dois bien constater que nous avons atteint une certaine limite. Le risque que nous courons aujourd’hui, c’est que le rôle politique du roi devienne impossible à remplir », affirme Jean-Luc Dehaene. Et Elio Di Rupo d’enchaîner : « Nous devons en parler car nous ne savons pas ce qui peut arriver dans le futur. » Un message qui passe très bien dans le nord du pays où, à l’exception du CD&V, les partis penchent nettement en faveur d’une évolution. Un nécessaire sur-mesure comme l’exige la complexité belge. Dans la sérénité, sans précipitation. Mais pas d’affolement pour autant : aujourd’hui, ils en sont tous aux préliminaires, l’affaire est donc loin d’être conclue.

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