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Richard Miller : « En quoi Di Rupo favorise-t-il la lutte des classes ? »

Richard Miller (MR) agite le chiffon rouge sous les yeux du Premier ministre socialiste. Le député wallon et sénateur montois fustige le PS des… « richards », renvoie avec pertes et fracas le socialisme et la lutte des classes aux oubliettes de l’Histoire Et appelle le MR à investir dans un syndicalisme… responsable. Interview

Le Vif/L’Express : Le MR « light », sans le FDF, a-t-il bonifié ?

Richard Miller : On peut continuer à regretter la décision du président du FDF Olivier Maingain de quitter le MR. Mais on ne peut pas nier le fait que le Mouvement réformateur a trouvé sa vitesse de croisière. Il développe sans complexes et avec des résultats positifs des propositions sur l’économie, la sécurité, les PME, l’institutionnel. Le MR se porte mieux. Avec le recul, je dirais oui, le départ du FDF s’avère salutaire.

Faut-il y voir « la touche magique » du président Charles Michel ?

En tout cas, Charles Michel a fait une démonstration dont je connais peu d’exemples. Il a eu ce courage politique de participer jusqu’au bout à la négociation institutionnelle, au risque de voir le FDF sortir du MR. Ce qui s’est produit. Mais aujourd’hui, l’unité est présente au sein du parti, après les moments difficiles que l’on a connus.

Charles Michel a donc non seulement réussi son baptême du feu, mais il l’a extrêmement bien réussi, et dans des circonstances très difficiles.

La « croisade » antisyndicale d’un député comme Olivier Destrebecq (le service minimum et le droit du travail contre le droit de grève, place des syndicats sur les campus universitaires, comme dispensateurs d’allocations de chômage, etc.) n’a-t-elle pas montré le vrai visage du MR?

Libre à certains d’interpréter les sorties d’Olivier Destrebecq sur les syndicats comme la manifestation d’un excès de droite… Chacun a sa manière de s’exprimer. Connaissant bien Olivier, je sais que sa façon de parler n’était en rien une attaque contre le monde du travail. Sa réflexion s’inscrit au contraire à un moment où le syndicalisme doit absolument évoluer.

Et ce n’est pas Richard Miller qui le dit aussi. Je prends acte des résultats des dernières élections sociales. Ils traduisent un indiscutable tassement du syndicalisme traditionnel de gauche incarné par les deux principales organisations syndicales, et la montée d’un syndicalisme libéral en tant que réponse aux besoins sociaux du nouveau modèle de société.

Cela, c’est le résultat d’un choix des travailleurs eux-mêmes : ce sont eux qui optent pour un syndicalisme plus responsable.

Que reprochez-vous au juste à ce « syndicalisme traditionnel de gauche » ?

De pousser les travailleurs dans des combats souvent dérisoires, impossibles à justifier auprès de la population et qui se retournent in fine contre les intérêts des travailleurs eux-mêmes.

Se battre pour le maintien de l’index, pour la sauvegarde des droits à la pension, ce sont des combats dérisoires ?

Non. Le MR n’a d’ailleurs jamais exprimé la moindre volonté de toucher à l’index. Par contre, les grèves aux TEC ou dans nombre de services publics sont devenues anachroniques. Elles évitent de poser la vraie question à propos des services publics : ils sont à repenser, totalement.

Le seul syndicalisme qui trouve grâce au MR n’est-il pas en réalité celui qui serait « à la botte » du patron ?

Nos adversaires peuvent nous reprocher ce qu’ils veulent, mais personne ne peut aller à l’encontre du mouvement de l’Histoire, qui va vers une plus grande autonomisation et individualisation du travail.

N’est-ce pas la lutte des classes qui est plutôt à réinventer, au lieu d’être bonne à jeter ?

Le socialisme est complètement dépassé, c’est un courant idéologico-politique qui n’a pas su se ressourcer. Constater que l’article 1 des statuts du PS proclame toujours la volonté de favoriser la lutte des classes me fait chaque fois sourire. Franchement, en quoi Elio Di Rupo favorise-t-il la lutte des classes ? En quoi peut-il encore estimer qu’une politique socialiste est mise en oeuvre ? Tout cela est devenu totalement anachronique.

Le PS est LE problème en Wallonie ?

C’est l’esprit socialiste, l’appareil socialiste, la façon socialiste de travailler qui sont le vrai problème. Avec en prime, cette espèce de bonne conscience qui permet d’affirmer que l’on travaille pour la justice sociale…

Il est tout de même hallucinant, inexplicable, de voir à la tête des grandes entreprises publiques des personnes qui se disent socialistes et dont le salaire équivaut à celui de vingt ou trente familles. Même le gouverneur de la Banque nationale (NDLR : Guy Quaden) était socialiste. Vous imaginez ? Dans ma région, très, très souvent, une belle maison est habitée par un socialiste.

Et le 1er mai, ces gens-là, rose au poing, vont chanter l’Internationale parmi les camarades. Faut qu’on m’explique.

La famille socialiste serait-elle devenue ce facteur d’immobilisme que l’on faisait endosser à la famille sociale-chrétienne quand elle a été éjectée du pouvoir en 1999 ?

Je ne suis certainement pas un admirateur du CDH, et sa volonté d’usurper l’humanisme m’a toujours horripilé. Mais, mais… je dois bien reconnaître que les sociaux-chrétiens ont procédé à une réflexion sur leur identité, leur programme, leur projet. Eux, ils se sont remis en question. Et ils tiennent un discours beaucoup plus actuel.

Notez bien : la N-VA, ce parti malfaisant, a l’indépendance de la Flandre inscrite à l’article 1 de ses statuts. Au PS, c’est la lutte des classes….

Et le FDF, en quittant le MR, n’est-il pas parti en emportant le libéralisme social ?

Les libéraux n’ont jamais attendu le FDF pour initier le libéralisme social. Quand on est comme moi, conseiller communal MR en Hainaut et député de Mons/Borinage, on n’a pas de leçons à recevoir d’Olivier Maingain, bourgmestre à Woluwe-Saint-Lambert.
Son discours, fabriqué pour tenter d’implanter le FDF en Wallonie, est une tricherie, une imposture indigne d’un esprit comme Olivier Maingain. Je suis heureux de voir que les Wallons ne mordent pas à l’hameçon.

Entretien : Pierre Havaux

L’interview complète est dans Le Vif/L’Express de ce 3 août 2012. En vente en librairie dès ce jeudi 2 août.

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