Thierry Fiorilli

Reynders décrète le duel électoral sans limites

Thierry Fiorilli Journaliste

Soit c’était voulu. Et c’est taper sous la ceinture. Soit ce ne l’était pas. Et c’est prouver que lui aussi peut déraper. Dans les deux cas, la sortie de Didier Reynders, ce matin, en direct, à la radio, lui restera collée au costume trois-pièces. Pour toujours. Et dans les deux cas, elle illustre la nervosité installée dans cette campagne électorale.

La nervosité et quelque chose qui ressemble furieusement à de la haine entre certains. Au point de les pousser à attaquer l’autre sans mesure, sans vergogne, sans plus aucun respect de quoi que ce soit, de qui que ce soit. Ce matin, de façon très posée, très calme, Reynders a asséné que « pendant les dix ans [de gouvernement sans libéraux, dans les années 90], on a eu droit à des enlèvements et aux disparitions d’enfants, aux affaires, à la dioxine… Il a fallu le retour des libéraux pour remettre de l’ordre… » L’actuel ministre des Affaires étrangères visait les socialistes, au pouvoir durant ces dix années. Face à Elio Di Rupo, qui venait de répéter qu’il fallait éviter le retour d’un « gouvernement des droites », comme celui Martens-Gol au début des années quatre-vingt, « qui avait pratiqué trois sauts d’index », il a répliqué en disant donc, en substance, que l’affaire Dutroux était une émanation d’un gouvernement incluant le PS. Ce qui est faux et odieux.

On ne saura jamais si la saillie de Reynders était prévue ou pas. Mais sachant qu’on a là une authentique « bête » politique, qui maîtrise la communication parfaitement, qui a des comptes à régler avec Di Rupo, qui est habitué à cogner brutalement, surtout contre les socialistes wallons et bruxellois, dès qu’un micro lui est tendu (« La Wallonie, c’est comme la Corée du Nord », « Molenbeek, c’est à l’étranger », « Les routes afghanes ne sont pas bonnes, mais quand on vient de Wallonie, on s’habitue »…), on a du mal à ne pas penser que c’était prémédité.

Déjà, début avril, à Kigali, lors des cérémonies du 20e anniversaire du génocide rwandais, il avait rappelé, plus que perfidement, que Di Rupo était vice-Premier ministre en 1994, lorsque la Belgique avait décidé de retirer ses troupes après le massacre de nos dix paras. La campagne électorale était ouverte depuis des semaines, et on sait que beaucoup de coups sont dès lors permis, parce que la politique n’est pas le monde des Bisounours, surtout avant des élections. Mais c’était une allusion , comme celle de ce matin, qui repousse encore les limites de l’exercice. Désormais donc, parce que c’est la lutte pour le pouvoir, parce que les propos sont médiatisés, parce qu’il faut faire mal aux adversaires, parce qu’il faut l’abattre en fait, on peut tout dire.

Jusqu’à l’injure gratuite, déplacée, ordurière. C’était l’apanage de l’extrême droite et des partis les plus réactionnaires. Désormais, en ces temps de « paroles libérées » et de « discours sans tabous », c’est aussi le label de celui qui ne dirait pas non au poste de Premier ministre si on le lui demandait. De quoi salir davantage l’image que les citoyens ont, non pas de la politique, mais de ceux qui l’incarnent.

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