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Révolution sur le marché matrimonial: les femmes choisissent des hommes moins diplômés qu’elles

Terminé les médecins qui sortent avec leur infirmière. Aujourd’hui, les rôles sont inversés : pour la première fois, les femmes choisissent un homme moins qualifié et qui gagne moins d’argent. On peut parler d’une véritable révolution. « Et ça en une génération! »

Jan Van Bavel , professeur à la KuLeuven et auteur principal d’une étude européenne sur le choix du partenaire, estime qu’on assiste à une révolution sur le marché matrimonial. « D’accord, ce sont surtout les personnes de qualification équivalente qui se marient. Mais quand il y a une différence de formation, c’est généralement la femme qui possède un diplôme supérieur à celui de l’homme ! Autrefois, c’était toujours l’inverse. Autrement dit : les femmes s’engagent de plus en plus avec des hommes moins qualifiés : souvent la femme devient le principal soutien de la famille. »

Pendant très longtemps, l’homme était plus qualifié que sa femme, et il avait plus de chance de décrocher un poste bien payé. Les scientifiques qualifient cet équilibre d’hypergamie. Jan Van Bavel , professeur à la KuLeuven et auteur principal d’une étude européenne sur le choix du partenaire, explique pourquoi. « Après la Seconde Guerre mondiale, dans la plupart des familles l’homme était le soutien de la famille et la femme était mère au foyer. »

Cette situation a évolué lentement. Ce n’est qu’à partir des années 1960 et 1970 que les femmes ont commencé à combiner le rôle de mère et d’employée. Souvent, elles travaillaient quelque temps, puis elles mettaient des enfants au monde et une fois qu’ils étaient assez grands elles retournaient travailler. Il a fallu attendre les années 1980 avant que le nombre de mères de petits enfants n’augmente sur le marché du travail. Mais à cette période, c’était toujours l’homme qui était le plus qualifié et qui apportait la contribution la plus importante au budget familial.

« Pendant longtemps, l’hypergamie était la règle », explique Van Bavel. C’était d’ailleurs difficile pour les hommes plus qualifiés de trouver une femme avec un diplôme équivalent. Il n’y avait pas encore beaucoup de femmes qui étudiaient la médecine par exemple, et encore moins qui faisaient des études ingénieur civil. En conséquence, le médecin épousait une infirmière, le manager une secrétaire, le pilote une hôtesse de l’air. Ce sont des clichés, mais à l’époque, ils étaient fréquents.

« La situation a changé quand l’enseignement supérieur s’est démocratisé et quand plus de femmes se sont inscrites à l’université », déclare Van Bavel. Il cite les statistiques de la KuLeuven : fin des années 1960, les jeunes filles ne représentaient qu’un quart de la population d’étudiants. Ce n’est qu’en 1995 que le nombre d’inscriptions s’est équilibré, et depuis le nombre d’étudiantes augmente continuellement, ce qui n’empêche pas certaines facultés de compter une majorité de garçons : ils représentent même 80% de la population d’ingénieurs. En revanche, les facultés de psychologie et pédagogie comptent 80% de filles.

Le marché matrimonial a été bouleversé par le succès grandissant des femmes à l’université: l’hypergamie a fait place à l’homogamie: les deux partenaires possèdent un diplôme équivalent. Le médecin n’épouse plus une infirmière, mais une consoeur médecin. On pourrait dire « Qui se ressemble, s’assemble ». Ce n’est pas étonnant : on se rencontre aux cours (et au café), et on a déjà ses études comme intérêt commun.

Aujourd’hui, les universitaires sortent avec des universitaires, les ouvriers avec des ouvriers. C’est ce que révèlent également les chiffres de Joël Girès, sociologue à l’Université libre de Bruxelles (ULB). L’année passée, il a publié un article sur l’homogamie dans notre pays. 66% des personnes diplômées de l’enseignement supérieur entament une relation avec quelqu’un de qualification équivalente. Seul 1% d’entre eux forment un couple avec quelqu’un qui possède uniquement un diplôme de l’enseignement primaire.

Ségrégation sociale

Ce phénomène est lourd de conséquences. Le professeur Mark Elchardus (VUB) évoque même « un processus de ségrégation sociale » : les groupes s’isolent et ne sont presque plus en contact, ils vivent dans des mondes séparés. Une nouvelle rupture est apparue dans notre société. En outre, les inégalités augmentent : les personnes hautement qualifiées qui épousent d’autres personnes hautement qualifiées peuvent donner un sérieux boost au salaire familial. Elchardus : « Il est surprenant de voir à quel point l’enseignement détermine les inégalités : la répartition des moyens matériaux, les opportunités de travail, la santé, l’espérance de vie, mais aussi les idées, le mode de vie, les préférences politiques, la participation à la vie associative, etc. »

On entend parfois que les femmes hautement qualifiées trouvent difficilement un homme et restent souvent célibataires. Van Bavel met fin à ce mythe là aussi : « À l’époque, c’était peut-être le cas, mais aujourd’hui, un diplôme de l’enseignement supérieur semble davantage un atout qu’un obstacle. Au lieu de rester célibataires, ces femmes choisissent un homme moins qualifié. »

Van Bavel souligne que l’origine sociale des parents joue toujours un rôle important lors du choix du partenaire. « Une femme issue d’une famille d’ouvrier qui possède un diplôme universitaire entamera plus vite une relation avec un homme moins qualifié qu’une femme issue de la bourgeoisie. Le milieu dont on vient est lié aux films qu’on aime, les livres qu’on lit, si on va à l’opéra, quelle « langue » on parle, etc. Et évidemment, il faut un bon contact avec son partenaire, il faut pouvoir parler. »

De toute façon, le diplôme de la femme, sa carrière, et l’importance de son salaire jouent un rôle beaucoup plus important pour le choix du partenaire qu’il y a dix ans, explique Van Bavel. « En moins d’une génération, le rôle économique de la femme dans une famille a fort changé. C’est souvent elle et non l’homme qui est le principal soutien de la famille. Et vu le succès des étudiantes à l’université et l’intérêt croissant de secteur de services dans notre économie, il est fort probable que cette tendance se poursuive. »

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