Carte blanche

Réponse citoyenne au collectif de femmes musulmanes européennes

Dans une tribune libre parue dans La Libre Belgique du 2 août 2018, un collectif de femmes musulmanes appelle à un modèle d’inclusion en affirmant que l’interdiction de signes ou vêtements religieux dans l’emploi ou le secteur public constitue une discrimination.

L’argumentaire utilisé s’inscrit dans la droite ligne de la rhétorique classique de l’islam politique. C’est en prônant les principes d’égalité et de liberté que l’on défend les pires des inégalités. La sournoiserie qui consiste à évoquer dans ce texte « les tenues vestimentaires de femmes musulmanes » et « L’argument de la « neutralité » est souvent utilisé afin de discriminer de manière légale les femmes musulmanes » vise à mettre en oeuvre deux stratégies chères aux penseurs et dirigeants de l’islam politique.

Stratégie n°1 : toutes les femmes musulmanes doivent être voilées, à défaut de quoi, elles ne sont pas musulmanes. Cette stratégie est particulièrement redoutable, car elle prend en otage la foi des personnes qu’elle vise et empêche tout individu de rechercher librement son équilibre et son bonheur spirituels. Face à cette pression, bien des femmes sont amenées à porter le voile en dehors de tout contexte spirituel, mais en conséquence inéluctable d’une pression politico-culturelle. Cette approche politique de la religion impose un modèle strict basé sur la seule apparence vestimentaire et ôte à tout croyant le droit au travail intérieur que toute spiritualité incarne.

L’objectif n’est évidemment pas de favoriser une spiritualité ou une quelconque liberté, mais de coloniser les identités à travers un dogmatisme et une rhétorique bien rodée dans un dessein purement politique. Dans ce contexte, il n’ y a aucune exagération à qualifier le voile des femmes d’uniforme idéologique ou de porte-drapeau d’un mouvement politique.

Les promoteurs du voile des femmes ont bel et bien des revendications politiques. Ils souhaitent exercer une influence sur les lois et règlements et imposer des exceptions aux principes de liberté et d’égalité ; ce ne sont pas les cas concrets et exemples qui manquent : interdiction de fréquenter les piscines scolaires pour les filles musulmanes, interdiction aux étudiantes de participer à des voyages scolaires, interdiction aux femmes de se faire ausculter par des hommes, interdictions aux femmes de choisir librement leurs tenues vestimentaires, inégalités entre hommes et femmes en matière d’héritage… Il ne faut pas un grand effort pour identifier le sexisme et la volonté d’exercer une véritable domination sur les femmes dans cette stratégie. J’invite tout lecteur à s’intéresser aux témoignages de femmes algériennes, égyptiennes, iraniennes, marocaines et bien d’autres à ce sujet.

C’est en prônant les principes d’égalité et de liberté que l’on défend les pires des inégalités.

Stratégie n° 2 : vous êtes discriminées parce que vous êtes musulmanes. Ici, c’est la culture de la victimisation et du complexe qui est poursuivie. C’est une technique particulièrement dévastatrice en terme sociologique, car elle pousse au repli sur soi et au développement de sentiments haineux et racistes par l’exaspération des complexes. C’est ainsi que les victimes de cette idéologie finissent par ne plus prendre part aux évènements collectifs professionnels, car elles doivent partager un moment de détente avec des mécréants.

En premier lieu, il convient de souligner que si discrimination il y a, elle ne vise pas les musulmanes, mais des individus portant le voile qui symbolise aux yeux des démocrates une inégalité abjecte entre hommes et femmes. Le fait de parler ici de « femmes musulmanes » au lieu de femmes voilées établit un rapport évident avec la stratégie n°1.

Par ailleurs, cette stratégie vise également à mettre en péril un fondamental de la démocratie qui est la neutralité puisqu’elle fait un lien de cause à effet entre la neutralité et la discrimination que subiraient les femmes musulmanes. Ainsi un socle important garantissant l’égalité entre individus face à toute forme d’autorité, indépendamment de leur croyance, est attaqué au nom du soi-disant idéal égalitaire.

L’islam politique et ses lieutenants subissent depuis peu des défaites significatives qui décrédibilisent leurs discours. Mais les démocrates feront preuve de naïveté s’ils croient que le combat est achevé. Cette idéologie totalitaire a la dent dure. En témoigne, le texte de ce collectif de femmes à qui je rappellerais que nul n’est besoin d’afficher sa foi lorsqu’on veut peser dans un débat démocratique et que parler d’égalité et de discrimination est une chose, l’honnêteté intellectuelle que l’on adopte dans un tel exercice en est une autre.

En lisant votre texte, Mesdames, il me vient à l’esprit cette phrase prononcée par le Prophète Mohamed sur le lit de sa mort « La Ahlama Lakoum » (vous n’avez pas de rêves) ; il s’adressait à Omar qui sera son 2e calife et qui venait de faire preuve de sa misogynie légendaire en agressant une des femmes du Prophète « tais-toi, tu n’as pas de cerveau ! » alors qu’elle demandait juste que l’on respecte la volonté du Prophète de lui permettre d’écrire son testament.

Alors Mesdames, je vous invite à adopter un rêve : celui de l’égalité entre tout individu indépendamment de son sexe, de ses croyances, de sa sexualité, de sa couleur et de son nom, celui de promouvoir une spiritualité profonde qui ne s’arrête pas à l’apparence vestimentaire, celui d’inviter à l’amour contre toute forme de domination, de complexe, de racisme et de haine, celui condamnant toute forme de misogynie et celui de militer en honorant l’héritage légué par des femmes qui se sont battues pour les droits des femmes (les vrais) : Olympe de Gouges, Louise Michel, Simone de Beauvoir, Simone Veil…

Abdel Serghini, citoyen de Bruxelles

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