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Renouveau charismatique : Esprit-Saint, es-tu là ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Les adeptes du Renouveau charismatique se sont rassemblés à Bruxelles. Reportage sur ce mouvement spirituel dont Mgr Léonard et la plupart des membres de la famille royale sont d’ardents supporters.

La basilique de Koekelberg a accueilli, fin juillet, la session annuelle du Renouveau charismatique de Belgique. Pendant cinq jours, adeptes et sympathisants de ce courant spirituel catholique apparu il y a quarante ans dans notre pays ont participé aux eucharisties, aux veillées, aux ateliers de formation à l’évangélisation. Entre les temps de louanges, de témoignages et d’adoration du Saint-Sacrement, ils ont reçu les enseignements du père Leroy, « berger » (leader) de la session.

Pendant un quart de siècle, le rendez-vous annuel des charismatiques s’est tenu à Beauraing, plus rarement à Banneux, hauts lieux de dévotion mariale. Toutefois, depuis l’an dernier, Bruxelles prend le relais, au grand dam de certains adeptes, qui ont lancé une pétition pour protester contre cette « délocalisation ». Arguments des anti-Koekelberg : Beauraing dispose de structures d’accueil et d’hébergement mieux adaptés et est situé dans un cadre rural plus « propice au recueillement ». Mgr Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles et fervent supporter du Renouveau, a lui-même qualifié la décision d' »étonnante » et de « peu réaliste ». « Les organisateurs de la session ont choisi la capitale pour répondre à l’appel de l’Eglise à porter le message d’amour du Christ au coeur des villes, là on en a le plus besoin », justifie un responsable.

« La pape François l’affirme : si l’Eglise n’évangélise pas, elle n’est qu’une baby-sitter, martèle le père Leroy. Le Renouveau est la redécouverte de l’action de l’Esprit qui donne la force d’évangéliser. Hélas, nos groupes de prière ne sont souvent que des cocons chauds, des baby-sitters qui ne s’occupent que de leurs membres ! » L’accent mis sur l’évangélisation en milieu urbain traduit aussi une sombre réalité pour le mouvement charismatique : l’âge d’or des sessions de Beauraing n’est plus qu’un lointain souvenir. « Nous étions plus de 5 000 participants en 1989, pour 1 200 à peine ces dernières années », déplore un habitué du sanctuaire.

« Le Renouveau n’est plus très nouveau »

En perte de vitesse, le Renouveau ? Seul le renfort de fidèles d’origine africaine, bien visible lors de la session de Bruxelles, semble atténuer l’érosion. « La génération des premiers adhérents a pris de l’âge et le Renouveau n’est plus très  »nouveau », admet Dominique Zeegers, ancienne porte-parole du mouvement. D’autres initiatives sont plus en vogue aujourd’hui, telle la Prière des mères, qui compte des milliers de groupes dans le monde. Beaucoup de laïcs passés par le Renouveau nous ont quittés, certains pour devenir prêtres ou diacres. Nos jeunes, eux, participent volontiers aux grands rassemblements chrétiens, mais sont très peu représentés dans nos groupes de prières qui se réunissent chaque semaine. »

Né dans la foulée du concile Vatican II, le mouvement charismatique a connu une croissance exceptionnelle, à l’instar de celle de son pendant protestant, le pentecôtisme, apparu dès le début du XXe siècle. Des communautés ont voulu monter leurs propres structures ecclésiales. Mais les dérives de certaines d’entre-elles ont été dénoncées par d’anciens membres. En 2007, les plaintes en justice se multiplient contre la communauté des Béatitudes. Des témoignages évoquent des humiliations, des manipulations mentales, du racket… L’image des « Béats » est ensuite ternie par les scandales : en décembre 2011, un ancien « frère consacré » est condamné à cinq ans de prison pour des agressions sexuelles commises sur 38 mineurs de la communauté. « Frère Ephraim », le fondateur des Béatitudes, a commis, lui, des abus sexuels sur des soeurs. Il a été relevé de son ministère diaconal en 2008. En 2011, le pape a chargé un dominicain de réorganiser la communauté et de mettre un terme à la confusion entre statuts monastique et laïc.

Le cardinal Suenens, grand protecteur du Renouveau à l’échelle belge et universelle et conseiller spirituel du roi Baudouin – depuis lors, la plupart des membres de la famille royale sont des sympathisants du mouvement charismatique ­-, assurait que la vocation du courant était de disparaître. « Il est vrai que le mouvement spirituel est en passe de devenir ecclésial », remarque Gildo Gorza, actuel responsable francophone du Renouveau. Les communautés charismatiques sont désormais intégrées dans les diocèses, elles se voient même confier des paroisses en Wallonie et à Bruxelles et plusieurs se sont engagées dans le dialogue interreligieux.

« L’Eglise catholique est trop contente de pouvoir compter sur nous pour certaines missions, poursuit Gildo Gorza. Mgr Léonard n’est pas le dernier à faire appel à nos services, comme lors de la rencontre internationale  »Ensemble pour l’Europe », qui a réuni, en mai 2012 à Bruxelles, plus de 200 communautés nouvelles de confessions catholique, anglicane, orthodoxe, évangélique. » Le père Leroy s’enflamme : « Le Renouveau pourra disparaître lorsqu’il sera devenu la lame de fond qui rappelle à l’Eglise que chacun reçoit des dons de l’Esprit-Saint. Nous devons tous devenir charismatiques ! »

Le reportage dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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