Carte blanche

Règlement Dublin : la réforme n’attendra pas !

 » De hervorming van Dublin is dood  » – ces mots, ce sont ceux de Theo Francken, notre Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration. Il s’agit là d’une énième défaite pour l’Europe, dans l’incapacité à se mettre d’accord sur les questions migratoires et qui apparait toujours aussi clivée.

« De hervorming van Dublin is dood » – ces mots, ce sont ceux de Theo Francken, notre Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration. Si l’on sort ces propos du contexte, pas (encore) de quoi crier au loup. Simplement, il s’agit là d’une énième défaite pour l’Europe, dans l’incapacité à se mettre d’accord sur les questions migratoires et qui apparait toujours aussi clivée. Une Europe qui abdique, toujours un peu plus, et qui se laisse rattraper par ses plus vieux démons – mais jusqu’à quand ? En Italie, le nouveau gouvernement élu promet un durcissement de sa politique d’accueil et dit vouloir mettre fin au « business » de l’immigration. En Hongrie et en Pologne, le front anti-immigration est tel, qu’il est de nature à se demander si ces membres ont bel et bien un avenir au sein de l’Union européenne. Et en Belgique, notre Secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration joue les gais lurons, enflamme la twittosphère et multiplie, à la manière d’un Prince, plusieurs polémiques bien tranchantes. Toujours en adoptant un ton incisif, percutant, et qui ne laisse pas indifférent. Mais la prudence, il n’en connait visiblement pas la signification. La dernière polémique en date, c’est celle de ce mardi, où à la suite d’un échange avec ses homologues européens, il déclara, notamment, vouloir contourner la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et réinstaurer les « push-back », ces refoulements de bateaux chargés de migrants. En tant qu’étudiants libéraux, nous nous distançons clairement de ces propos. Non, l’article 3 de la CEDH ne peut être soumis à aucune exception. Non, on ne négocie pas sur ces valeurs et sur les droits humains, Monsieur Francken.

Non, l’article 3 de la CEDH ne peut être soumis à aucune exception. Non, on ne négocie pas sur ces valeurs et sur les droits humains, Monsieur Francken.

Dublin, un sujet sensible pour l’UE

Lenteur administrative, inefficacité, inadapté aux réalités migratoires : Dublin III est constamment pointé du doigt ces dernières années, et à raison. Pourtant, il n’a pas bougé d’un iota, et fonctionne toujours selon la même logique poreuse : tout migrant est tenu de demander l’asile dans le premier pays de l’UE dans lequel il est arrivé. Dès lors, surfant sur ce système, bon nombre de pays européens renvoient les migrants vers les pays dits « de première ligne » tels que la Grèce ou l’Italie, lesquels sont – injustement – submergés par ces arrivées. Honnêtement, pour la solidarité et la cohésion entre les Etats membres de l’UE, on repassera. S’il y a bien eu des propositions de la Commission (trop timides) ou du Parlement européen (beaucoup plus en phases avec nos souhaits), l’incapacité des pays européens à se mettre d’accord est une preuve supplémentaire du « chacun pour soi » privilégié par certains Etats. Sur une matière telle que l’asile, la logique supranationale ne devrait-elle pas prendre le dessus sur des intérêts étatiques empreints d’égoïsme ? Les valeurs européennes, auxquelles nous sommes ardemment attachés, continueront-elles à être ainsi mises à mal par l’action de quelques-uns ? Le débat sur Dublin est pourtant évident : supprimons l’article 15 de la Convention (et donc le critère du pays d’entrée), et permettons que le dossier du demandeur d’asile puisse être transféré entre les pays où il se déplace. Par ailleurs, les quotas de relocalisation devraient être imposés, de sorte à permettre un réel partage de la charge au sein de l’Union européenne. S’il ne s’agit là que d’une étape pour résoudre la crise migratoire actuelle (prônée dans notre dernière campagne Humani’Blues), une réforme de Dublin en profondeur nous semble être un préalable essentiel à toute autre avancée. Après ceci, il s’agira de penser à long-terme et d’aller plus que loin que la réflexion actuelle, et ce en proposant des solutions plus audacieuses et ambitieuses. Est-ce donc ça qu’a voulu amorcer Theo Francken en faisant une énième sortie médiatique… ? Dans tous les cas, c’était hyper maladroit, déplorable et inconvenant.

Au final, nous avons un regret : le débat de fond, le seul qui devrait véritablement compter, est (trop) inexistant. A se limiter à la profusion de propos démagogiques et de repli, certains en oublient que les mots n’ont jamais sauvé des vies. Quotidiennement, des hommes, femmes et enfants sont les premières victimes de notre passivité et de l’action intolérable de passeurs. Et ça, nous ne pouvons l’accepter. Plutôt, faisons triompher les valeurs de responsabilité, de solidarité et de bon sens !

Par Antoine Dutry, Secrétaire général de la Fédération des Etudiants Libéraux

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