Olivier Mouton

Réforme bancaire : le dernier quitte ou double de Di Rupo n’est pas gagné

Olivier Mouton Journaliste

Avant d’entrer en campagne électorale, le gouvernement peine à s’entendre sur la réforme bancaire. Chaque parti se positionne sur les questions socio-économiques. Ce sera le nerf de la guerre en 2014.

C’est le dernier obstacle, mais pas le moindre. En terme d’image, à tout le moins. Les partis de la majorité peinent à s’accorder sur la réforme du système bancaire proposée par le ministre CD&V des Finances, Koen Geens. Dans le même temps, et ce n’est pas un hasard, chaque parti, MR en tête, se positionne sur les thèmes socio-économiques, le nerf de la guerre pour la campagne de 2014.

C’est sûr : le Premier ministre socialiste Elio Di Rupo, qui est déjà venu à bout des montagnes de la réforme de l’État et des contraintes budgétaires, ne pourrait accepter un échec désastreux à cinq mois des élections. Mais dans les rapports de force qui sont à l’oeuvre se dessine peut-être le paysage politique de demain.

Réformer le système bancaire? Ce devait être une évidence après la crise financière de 2007-2008, source de la récession qui a suivi avec son lot de conséquences sociales. Ce l’est moins dès lors que cela réveille de la ligne de fracture la plus palpable entre les trois grandes familles politiques du pays à quelques encablures de leur heure de vérité.

Les socialistes, titillés sur leur gauche du côté francophone par des partis comme le PTB, doivent prouver leur capacité à lutter contre le grand capital. L’objectif initial, obtenir une scission claire et définitive entre les banques d’épargne et les banques d’affaires est hors de vue. La faute à des partis libéraux et chrétiens-démocrates qui scrutent déjà la perspective de majorités plus cohérentes, à droite toute, après les élections. Koen Geens l’a déjà martelé : ce serait en outre contre-productif dans un contexte de concurrente internationale. Pour décrocher une victoire honorifique, les socialistes espèrent désormais limiter les rémunérations et obtenir une protection élargie de dépôts bancaires au-delà des 100.000 euros actuels. Ce seraient des plumes à leur chapeau, mais pas la grande révolution structurelle attendue.

Les libéraux, eux, font flèche de tout bois pour éviter que l’on ne touche à la fiscalité de l’épargne. Le ministre des Finances propose d’étendre l’exonération du précompte immobilier, effective aujourd’hui pour les premiers 1880 euros d’intérêts sur les comptes d’épargne, à d’autres formes de placements. Une réponse à l’Union européenne, qui juge la situation actuelle discriminatoire. Mais en échange, Geens réclame un cadastre pour mettre fin aux pratiques frauduleuses consistant, par exemple, à avoir plusieurs comptes d’épargne auprès de différentes banques pour échapper à la réglementation. « Pas le moment d’en parler », a balayé Gwendolyn Rutten, présidente d’un Open VLD aux abois.

Le MR, lui, ratisse plus large. Il a organisé ce week-end un congrès à Louvain-La-Neuve sur la fiscalité, LA grande priorité de l’après-2014. Son président, Charles Michel, a rappelé son souhait de diminuer de cinq milliards la pression fiscale sur les travailleurs et les entreprises. Tout en se présentant comme le « bouclier de la classe moyenne », proposition à l’appui : un impôt à taux zéro jusqu’à 13.000 euros de revenus annuels. Leitmotiv : être de toutes les majorités après mai 2014, au fédéral et dans les Régions.

Toutes ces gesticulations illustrent l’importance pour les partis de la majorité de se distinguer sur ce terrain socio-économique dans les dernières semaines utiles d’une courte législature. En janvier de l’année prochaine, le gouvernement entrera peu ou prou en affaires courantes. Tandis que l’ombre de la N-VA se fera plus insistante que jamais avec l’organisation d’un congrès, fin janvier, sur ses propositions confédérales et de révolution socio-économique.

Le dernier quitte ou double de Di Rupo est cependant loin d’être gagné d’avance. Accord, il y aura sans doute. Le tout sera de voir sa portée et sa lisibilité. Au vu de l’attelage hétéroclite au pouvoir, le risque est grand de voir la majorité accoucher d’une souris. Et cette fois, même l’intelligence communicationnelle d’Elio Di Rupo ne suffira pas à témoigner de la capacité de son équipe à donner un cap clair au pays.

La « recette belge » dont il se fait le héros serait alors malmenée face aux discours appelant à une coalition plus homogène sur le plan idéologique lors de la prochaine législature, pour poursuivre les réformes de façon plus tranchée. Pour le Premier ministre, qui va bientôt retrouver ses accents socialistes, c’est l’épreuve de vérité.

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