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Référendum sur la fin de la Belgique, la fausse bonne idée

Demander aux Belges s’ils veulent, ou non, continuer à vivre ensemble : l’idée est séduisante, mais elle risquerait fort de ne rien résoudre aux blocages actuels.

Souhaitez-vous que la Belgique continue à exister ? Une question simple, qui appelle une réponse simple (oui/non), comme les aime Jean-Marie Dedecker. Le député populiste propose de consulter l’ensemble de la population par référendum. Histoire de recueillir le sentiment des citoyens quant à l’avenir du pays. « Qu’on demande enfin son avis au peuple ! Comme ça, on saurait clairement ce que veulent les Wallons, les Bruxellois et les Flamands. Divorcer ou continuer à vivre ensemble ? Ce serait la fin de tout ce bordel », affirme Dedecker.

Une question alambiquée

L’idée lancée par le trublion ostendais tranche avec les habitudes du camp nationaliste flamand. « Le Vlaams Belang, par exemple, n’a jamais insisté pour consulter directement la population quant à une éventuelle indépendance de la Flandre, relève Dave Sinardet, politologue à l’université d’Anvers. Paradoxalement, ce sont plutôt des organisations pro-belges qui défendent l’option du référendum, alors qu’en Catalogne et au Québec ce sont les forces autonomistes qui ont voulu à tout prix consulter la population. Au fond, ce n’est pas si étonnant… Au Québec et en Catalogne, le sentiment pro-indépendantiste recueille beaucoup plus d’adhésion dans l’opinion publique qu’en Flandre. »

Première difficulté, dans le contexte belge : la Constitution ne prévoit pas la possibilité d’organiser un référendum. Au-delà de cet obstacle légal, rien n’indique qu’un référendum résoudrait quoi que ce soit. A fortiori si la question posée aux citoyens est formulée de façon ultra-simple, comme le veut Jean-Marie Dedecker. « La vaste majorité des citoyens, dans toutes les régions, répondra qu’ils veulent garder la Belgique, prédit Jean-Benoît Pilet, politologue à l’ULB. Mais rien ne sera résolu pour autant. Car ce qui génère le blocage, ce n’est pas l’avenir de la Belgique, mais son contenu. »

Pour s’approcher de l’enjeu, il faudrait poser aux citoyens une question nettement plus alambiquée. Du style : êtes-vous favorable à une réforme de l’Etat prévoyant une révision de la loi de financement conditionnée à un refinancement progressif de la Région de Bruxelles-Capitale, et sous condition d’une scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde, pour autant que les litiges sur la nomination des bourgmestres dans les communes à facilités soient gérés par une chambre bilingue du Conseil d’Etat ? Le risque serait grand, alors, que la complexité du débat échappe à la plus grande partie des Belges.

On peut néanmoins se demander si l’élaboration d’une réforme de l’Etat cruciale pour l’avenir du pays doit être laissée aux seuls partis politiques – même quand ils représentent deux tiers des élus au Parlement. « De nombreuses démocraties partagent cette idée qu’au moment où on change fondamentalement la nature d’un Etat, la population doit être consultée », pointe Jean-Benoît Pilet. En 1789, des plébiscites ont été organisés à travers la France pour évaluer le soutien de la population au passage à la République. En 1955, les habitants de la Sarre ont exprimé par référendum leur souhait d’être rattachés à l’Allemagne, plutôt que de rester dans le giron français.

En 2004, les majorités des pays d’Europe centrale et orientale ont fait approuver par référendum leur entrée dans l’Union européenne. Bientôt le tour de la Belgique ? « Je ne l’exclus pas, répond le député wallon Christophe Collignon (PS). Toutes les voies pour sortir de l’impasse actuelle méritent d’être examinées. Je ne rejette aucune solution d’un revers de la main. Mais ce serait une mesure extrême. Et, jusqu’à preuve du contraire, on vit dans un système de démocratie représentative. Le processus normal pour prendre l’avis des gens, ce sont les élections. »

François Brabant

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