Charles Michel © BELGA

Rapport du CGRA: le gouvernement poursuivra sa politique en appliquant les recommandations

Le gouvernement fédéral poursuivra l’exécution de sa politique migratoire tout en appliquant les recommandations du rapport du CGRA sur l’expulsion des Soudanais, a indiqué vendredi le Premier ministre Charles Michel en commission de l’Intérieur de la Chambre.

« Nous constatons, après des débats houleux, parfois assortis de caricatures ou de simplismes, que nous avons veillé à appliquer loyalement, correctement, de bonne foi, les règles de l’Etat de droit, au niveau national, européen et international », a indiqué Charles Michel devant les députés à la lecture du rapport. « J’affirme la détermination du gouvernement à poursuivre sa politique migratoire humaine et ferme, dans l’exigence des responsabilités », a-t-il ajouté, précisant sa volonté d’appliquer les recommandations du CGRA.

Parmi ces recommandations qui seront mises en oeuvre, un certain nombre ont trait à l’organisation des missions d’identification: examen de l’opportunité d’une protection au regard de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), information préalable de la personne qu’elle sera auditionnée par un représentant de son pays d’origine, présence systématique d’un interprète et d’un collaborateur de l’Office des étrangers lors de l’entretien, screening systématique des missions étrangères comme cela a été fait avec le Soudan.

Il y aura aussi un renforcement du rôle d’accompagnateur de l’assistant social de l’Office des Etrangers dans l’approfondissement de l’expertise quant aux craintes de traitements inhumains et dégradants. A cet égard, il sera procédé à un examen supplémentaire au fond, en ce compris à l’égard du respect de l’examen de l’article 3 lorsqu’il n’y a pas eu de demande d’asile et en cas de retour forcé. Le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Theo Francken, est chargé de fournir une proposition au conseil des ministres prévoyant ces modalités.

En ce qui concerne, la situation plus précise du Soudan, des mesures de réintégration renforcée des personnes expulsées dans leur pays d’origine seront prises avec l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM). Entre-temps, un membre de l’Office des Etrangers accompagnera systématiquement les personnes jusqu’au Soudan en collaboration avec l’ambassade de Belgique au Caire qui assurera le suivi.

Le gouvernement fédéral ajoute à cela un volet européen. La Belgique demande une harmonisation de la problématique de la législation en lien avec l’article 3 à l’occasion de la mise à jour des dispositions relatives à la politique de retour.

Enfin, indépendamment de la présentation du rapport du CGRA, et comme il l’avait déjà annoncé, M. Michel a appelé à la création d’une commission d’évaluation de l’exécution des dispositions en matière de politique de retour. Elle aurait un mandat de deux ans et serait chargée de fournir un rapport intermédiaire d’ici un an. Elle serait composée d’un professeur d’université, de la police fédérale, de l’Office des Etrangers, du CGRA, de l’Inspection générale de la police, de Fedasil, de l’association des pilotes ainsi que d’un représentant d’un opérateur public du transport aérien.

Le chef de groupe CD&V, Servais Verherstraeten, a lui évoqué une commission d’évaluation qui irait au-delà de la simple politique de retour.

« Le CGRA n’a pas à se prononcer sur l’article 3 de la CEDH »

« Ce n’est pas au Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA) de dire si l’Etat belge a, ou non, respecté l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme en expulsant des Soudanais. C’est aux juges de le faire, et la cour de cassation a été très claire à ce sujet: l’Etat belge a été imprudent », a commenté Me Guillaume Lys, vendredi après-midi, après la publication du rapport du CGRA sur les Soudanais. Me Lys, qui a défendu un réfugié soudanais, a obtenu gain de cause devant la cour de cassation il y a quelques jours face à l’Etat belge concernant les risques encourus par des Soudanais renvoyés dans leur pays.

La cour de cassation a parlé d’une « situation particulièrement préoccupante en matière de droits de l’homme au Soudan », rappelle l’avocat. Il y a quelques jours, celle-ci a rejeté le pourvoi de l’Etat belge contre une décision de la chambre des mises en accusation de Bruxelles qui décidait de libérer un ressortissant soudanais, détenu en attendant d’être expulsé.

La motivation de cette décision, avalisée par la cour de cassation, résidait dans le fait que les autorités belges avaient négligé le risque de soumission à la torture et à des traitements inhumains pour les ressortissants soudanais renvoyés dans leur pays d’origine.

Ce vendredi, le gouvernement a rendu public le rapport du CGRA sur les expulsions au Soudan. L’instance estime que « l’éloignement ou le retour de personnes au Soudan peut à nouveau être organisé ». Mais le risque réel de torture ou mauvais traitement doit toujours être examiné au cas par cas, même lorsque la personne n’a pas introduit de demande d’asile en Belgique, peut-on également y lire.

« Le CGRA affirme n’avoir pu réunir aucune preuve attestant que les mauvais traitements des personnes rapatriées au Soudan ont eu lieu. Mais il dit en même temps qu’il n’existe aucune preuve qu’ils n’ont pas eu lieu. Ce rapport n’apporte donc aucune réponse. Il ne répond pas aux objectifs de la mission qui lui a été confiée », regrette l’avocat. « Le CGRA n’est pas allé sur place pour vérifier la situation des personnes renvoyées au Soudan. II semble n’avoir même pas eu de contacts avec les ONG internationales présentes sur place. »

« Sur le fond, rien n’a changé. On reste avec les mêmes questions. Et l’Etat belge risque donc toujours de s’exposer à une condamnation au titre de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est à nouveau un manque de prudence flagrant », conclut Me Lys.

Contenu partenaire