Charles Michel © AFP

Rapport de la Banque Nationale: 10 points qui ne plairont pas au gouvernement Michel

Le rapport annuel de la Banque Nationale comporte des éléments que le gouvernement Michel et les gouvernements régionaux n’aimeront pas entendre.

Le rapport annuel de la Banque Nationale esquisse une image assez positive de la situation en Belgique. « Nous sommes sur la bonne voie » déclare Jan Smets, le gouverneur de la Banque Nationale. « Les obstacles à la croissance économique ont été écartés, mais il est d’urgent de s’attaquer aux finances publiques ». Quand on lit attentivement le Rapport 2015, on voit qu’il contient d’autres éléments que le gouvernement Michel et les gouvernements régionaux n’aimeront pas entendre.

1. La croissance économique se fait attendre

En 2015, la Belgique a affiché une croissance économique de 1,4% du PIB (le produit intérieur brut). C’est moins que les Pays-Bas (2%) et l’Allemagne (1,7%), mais plus que la France (1,1%). Cependant, on ne peut prendre la France pour modèle, parce que la croissance y est catastrophique. À titre d’illustration, les pays de la zone euro enregistrent une croissance moyenne de 1,6%. Nous sommes donc nettement en dessous de la moyenne. Pour le gouverneur de la Banque Nationale, Jan Smets, c’est probablement parce qu’on a économisé sur les dépenses publiques et la consommation qui a également été légèrement freinée par la modération salariale. Nous devons rattraper la croissance économique moyenne de la zone euro.

2. Le handicap salarial se réduit, mais…

Pendant des années, la Belgique a souffert d’un handicap salarial : comparé aux pays voisins, le travail coûtait trop cher. D’après le Conseil Central de l’Économie, en 2013 le salaire horaire en Belgique était de 4% plus élevé que la moyenne de nos pays voisins. Le gouverneur Smets affirme « qu’en 2016, le handicap salarial disparaîtra tout à fait. » Ici, il y a lieu de formuler une remarque importante : nos coûts salariaux sont moins élevés qu’aux Pays-Bas et en France, mais par rapport à l’Allemagne, on a toujours un gros handicap salarial. Si l’écart avec nos voisins de l’est se réduit, il est toujours de 5%. Il faudra veiller à ce que nos salaires n’augmentent pas plus rapidement que dans les pays voisins.

3. Le tax shift c’est bien, mais comment le payer?

Le gouvernement Michel a instauré le tax shift, un glissement des impôts sur le travail vers la consommation, la pollution et la fortune. Selon la Banque Nationale, cette opération contribuera à la croissance économique à partir de cette année et en 2019, elle devrait garantir une hausse de 1% du PIB. Et les conséquences sont positives pour le marché du travail aussi : cette année, le tax shift devrait rapporter 6100 emplois supplémentaires, en 2019, ce nombre devrait atteindre 38 600. Cependant, la Banque Nationale dénonce que le tax shift n’est « pas neutre au niveau budgétaire ». En d’autres termes, il faut de l’argent pour payer ce glissement de taxes. Il faut que le gouvernement y travaille, sinon le tax shift risque de peser sur les finances publiques, ce que nous ne pouvons pas nous permettre.

4. La réforme des pensions non terminée

Le gouvernement Michel avait fortement misé sur la réforme des pensions. À partir de 2025, l’âge de la pension légale s’élèvera à 66 ans et à partir de 2030, il sera de 67 ans. Les conditions de la retraite ont été durcies. Au niveau budgétaire, ce sont là les réformes principales, mais la Banque Nationale relève un manquement important : la réforme des retraites des fonctionnaires n’est pas encore en vue. Le gouvernement Michel avait pourtant annoncé une harmonisation des retraites des fonctionnaires sur le système privé. Sur ce point-là, le gouvernement est clairement en défaut.

5. La hausse du taux d’emploi se fait attendre

L’année passée, il y a eu 37 500 postes supplémentaires et c’est positif. Cependant, il ne faut pas oublier que le nombre de personnes actives en âge de travailler a baissé de 67,7% en 2007 à 67,2% en 2015. À titre de comparaison, la moyenne des 27 états membres de l’Union européenne s’élève à 69,9%. Nous sommes donc en dessous de la moyenne et nous sommes encore loin de l’objectif de 73,2% à atteindre en 2020. Ici, il y a encore beaucoup de pain sur la planche.

6. L’attention accordée aux personnes peu qualifiées et aux réfugiés

Il y a un certain nombre de groupes qui ont du mal sur le marché de l’emploi. Les femmes, les jeunes et les personnes de plus de 55 ans ne trouvent pas facilement du travail. Parmi les travailleurs non qualifiés et les non-Européens, la situation est même carrément dramatique. Dans notre pays, le taux d’emploi de personnes qualifiées ne s’élève qu’à 45,6 % alors que la moyenne de l’UE est de 52,5%. En Belgique, le taux d’emploi parmi les non-Européens se chiffre à 45,5% contre une moyenne de 56,5% dans l’UE. Le gouverneur Jan Smets souligne que les réfugiés qui viennent en Belgique peuvent se révéler très utiles et qu’ils peuvent contribuer à la croissance économique, si on les accompagne bien et si on les intègre sur le marché de l’emploi.

7.Différences importantes en matière de taux de chômage

Le problème se pose depuis longtemps et la situation ne change pratiquement pas: il y a de grandes différences en taux d’emploi entre les régions limitrophes. En Flandre, le taux d’emploi s’élève à 72%, en Wallonie à 61,4% et à Bruxelles à 58,5%. Les différences entre les provinces limitrophes restent également considérables. Au Limbourg par exemple, le taux de chômage est de 6% alors que dans la province de Liège, il est de 13,2%. En Flandre-Occidentale, c’est 4,2%, en Flandre-Orientale 4,3% et dans le Hainaut 13,2%. Il reste difficile d’activer les habitants du sud du pays.

8. Trop peu d’investissements en infrastructure

Pour la Banque Nationale, les gouvernements doivent investir dans des projets suffisamment productifs tels que les infrastructures, tant les nouvelles constructions que les travaux d’entretien. En Belgique, ces investissements sont très faibles, en témoignent les histoires récentes de débris dans les tunnels, de nombreux trous dans les routes et de toits percés dans les musées.

9. Les objectifs budgétaires n’ont pas été atteints

Les objectifs budgétaires n’ont pas été atteints « après avoir été postposés plusieurs fois ces dernières années ». Pour 2014 et 2015 réunis, la Belgique s’écarte d’un point du PIB de la diminution prévue du déficit budgétaire structurel. En 2015, « très peu de progrès ont été réalisés en matière d’assainissement budgétaire » dénonce le rapport. Établir des budgets sérieux et s’y tenir, cela reste un problème pour nos gouvernements.

10. La dette publique et le vieillissement.

La dette publique, qui s’élève à 106,5% du PIB, demeure très élevée et très éloignée des 60% préconisés par le Traité de Maastricht. Si les réformes des pensions ont un peu fait baisser les coûts liés au vieillissement, la Banque Nationale souligne que « la soutenabilité des finances publiques belges est inquiétante » quand on voit l’association entre les coûts de vieillissement élevés et les dettes publiques colossales. Aussi le gouvernement actuel doit-il s’occuper d’abord et avant tout l’assainissement des finances publiques.

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