Ettore Rizza

Quoi Google, qu’est-ce qu’il a Google ?

Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

Les éditeurs de presse français ont engagé un bras de fer avec le géant des moteurs de recherche. Objectif : lui faire payer une « taxe » en cas d’utilisation de leurs articles. Google réplique en menaçant de ne plus référencer les médias français. Querelle stérile ?

Chers lecteurs,

Si vous lisez cet article sur le Vif.be, il y a de fortes chances que vous soyez arrivé ici au détour d’une recherche Google sur le mot… « Google », qui fait l’actualité en France. C’est ainsi : par le biais de son agrégateur de nouvelles Google News, le géant quasi- monopolistique de la recherche sur le Web redirige chaque jour des millions d’internautes vers des sites de médias en ligne. Qui s’en plaindrait ? Les éditeurs.

Après son bras de fer de fer avec ceux des journaux francophones belges, la firme californienne de Mountain View en entame un autre avec leurs homologues français. Soutenus par leur gouvernement, ceux-ci réclament que les moteurs de recherche (lisez : Google) « rétribuent via le versement de droits voisins, une sorte de prolongation des droits d’auteur, en cas d’utilisation indirecte de leurs travaux ». Bref, récupérer une partie de la manne publicitaire dont Google, à leurs yeux, les priverait. Le même débat, baptisé « Lex Google », a également eu lieu en Allemagne.

En représailles, Google menace de ne plus référencer les journaux français, vers lesquels il redirige « quatre milliards de clics par mois », selon un communiqué de la société. Cette réaction étonne la ministre française de la Culture, Aurélie Filippeti, qui réplique dans le quotidien Le Monde : « Agiter des menaces, ce n’est pas une manière correcte de discuter avec un gouvernement démocratique. »

Que faut-il en penser ?

À notre humble avis, les éditeurs français ont tort de réagir de cette manière. Eux qui dépendent déjà étroitement de Google en matière de trafic sur leurs sites souhaitent s’enchaîner d’avantage, et ajouter un asservissement économique lié aux recettes que leur fournirait le moteur de recherche. Ce serait renforcer le monopole dont bénéficie le géant et se livrer pieds et poings liés à son algorithme de mise en valeur des informations – sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Et pour le gouvernement français, cela dit en passant, une manière commode de renégocier en position de force le montant de ses aides à la presse…

A notre connaissance, Google a tort de réagir ainsi. Cette société qui ne produit pratiquement aucun contenu, et qui tire l’essentiel de ses revenus de celui produit par d’autres, est malvenue de pratiquer un chantage qui pourrait faire le jeu d’un concurrent plus conciliant. Inexistant il y a encore un an en matière de génération de trafic vers les sites d’actualité, un acteur comme Facebook change progressivement (mais sûrement) la donne. Pour certains sites de presse, le réseau de Zuckerberg serait déjà à l’origine de 6 % des visites. Une belle progression renforcée par la qualité des visiteurs : ceux-ci arrivent sur les sites des éditeurs par la recommandation de leurs amis et non plus par la volonté d’un algorithme. Et puis, qui se souvient encore d’Altavista, le moteur de recherche incontournable avant l’arrivée de Google? Sur le web, les acteurs que l’on imagine incontournables peuvent disparaitre très rapidement.

Mais quels revenus la firme tire-t-elle exactement de Google News, qui n’affiche pour l’heure aucune publicité tant en Belgique qu’en France ? Nous n’avons pas réussi ces données dans ses comptes annuels.

À défaut de chiffres précis, le débat ne peut que s’enferrer dans un affrontement stérile. La réunion qui se tiendra ce jour entre Google France et la ministre concernée devrait aboutir à un compromis inéluctable. Il en va de l’intérêt des uns comme des autres.

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