Thierry Denoël

Qui le ministre Smet a-t-il insulté ? Bruxelles ou les prostituées ?

Thierry Denoël Journaliste au Vif

En comparant Bruxelles à une putain, à la fois  » belle et laide « , le ministre SP.A s’est attiré une volée de bois vert pour avoir sali Bruxelles. Il s’est excusé envers les Bruxellois, mais pas envers les prostituées. Et c’est ce qui choque le plus.

Reprenons. Pascal Smet a donc dit, en anglais, lors d’un entretien pour Politico EU’s Confidential : « Je compare assez souvent Bruxelles à une putain (whore) ou une prostituée (prostitute). Parce que c’est beau (beautiful) et très excitant (horny), mais, en même temps, ça peut être laid (very ugly). C’est attrayant et en même temps, ça ne l’est pas. Et c’est beau dans sa laideur, et laid dans sa beauté. C’est une sorte de ville à deux visages, et Bruxelles est une ville qui ne se donne pas si facilement, mais dès que vous tombez amoureux d’elle, vous restez amoureux« . Ces propos ont suscité une flambée de réactions scandalisées par la manière dont le ministre bruxellois considère Bruxelles.

Ah, le politiquement correct… Parce qu’il est ministre bruxellois, Pascal Smet n’aurait pas le droit de dire ce qu’il pense de la capitale belge ? Un peu comme un employé d’une boîte privée qui se montrerait déloyal ou injurieux vis-à-vis de son patron ? On ne crache pas dans la soupe, semblent penser nombre de ses collègues politiques, y compris les femmes. « Tu viens de salir Bruxelles devant l’Europe entière », a tweeté Laurette Onkelinx (PS). « Bruxelles et les Bruxellois méritent du respect », a tweeté Charles Michel (MR). Sous cette pression, Pascal Smet s’est aussitôt excusé. Quelle drôle d’époque on vit ! En réalité, ce qui choque dans les propos de Smet ce n’est pas sa critique de Bruxelles qui serait, selon lui, à la fois attirante et repoussante. Il dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas ou même tout haut.

Ce qui choque, ce sont plutôt les termes qu’il utilise pour justifier sa métaphore. Une putain serait, selon lui, « horny » (excitante, lascive). OK, on peut considérer qu’une attitude racoleuse fait partie du métier de prostituée. Mais surtout, selon Smet, une putain serait « very ugly » (très laide). Pourquoi laide ? N’est-ce pas cela et uniquement cela le véritable propos injurieux ? Une prostituée est avant tout une femme qui, le plus souvent sous la contrainte d’un proxénète ou par obligation financière, fait commerce de son corps. Dans la plupart des cas, elle a beaucoup souffert au cours de son existence et de son enfance. Est-elle « laide » pour autant ?

Est-ce la femme qui est laide ou bien la situation dans laquelle elle se trouve, bien souvent sous la menace d’un homme et, en tout cas, pour assouvir le besoin sexuel des hommes ? Quand bien même, elle a choisi librement cette activité qu’elle assume, serait-elle laide pour autant ? Et ses clients, eux, sont-ils beaux ou laids ? Beaux et laids ? Que vous jugiez sévèrement Bruxelles, Monsieur Smet, on peut le comprendre. La critique peut amener le changement. Que vous salissiez les prostituées, et les femmes qui sont derrière celles-ci, on ne peut vraiment ni le comprendre ni l’accepter. C’est envers les prostituées qu’il faut d’abord s’excuser. Elles méritent le respect.

Ah, oui : Monsieur Smet, même en dehors de l’affaire Weinstein, nous aurions écrit exactement la même chose. Ce n’est donc pas l’air du temps… Notons que le Conseil des Femmes francophones de Belgique a tout de même condamné : « La violence de ce regard social à travers des propos humiliants et des insultes est d’une violence inouïe envers les personnes prostituées et les femmes. » Ouf !

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