Gérald Papy

Quelques leçons du 11 Septembre

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

UNE DÉCENNIE S’EST ÉCOULÉE ENTRE LES ATTENTATS du 11 septembre 2001 et la mort de leur concepteur, Oussama ben Laden. Au moment où les Américains commémorent avec une gravité jamais perdue la pire agression qu’ils aient vécue depuis la Seconde Guerre mondiale, il est tentant de voir dans la fin de ce cycle et cette disparition emblématique le crépuscule d’Al-Qaeda.

« La riposte internationale au terrorisme a porté ses fruits », assure au Vif/L’Express l’ancien ministre belge des Affaires étrangères, Louis Michel. La chronologie des attentats attribués au réseau djihadiste l’atteste. A la déferlante terroriste de la première moitié de la décennie – Djerba, Bali, Mombasa (2002), Casablanca, Istanbul (2003), Madrid (2004), Londres, Bali (2005), Bombay (2006) – a succédé un reflux qui, malgré les conflits afghan et irakien et des attaques de moindre ampleur (Marrakech 2011, la dernière en date), consacre indubitablement un essoufflement du djihadisme. La prise de conscience de la menace de l’islamisme radical, la traque des affidés d’Al-Qaeda en Afghanistan et ailleurs, le renforcement de la coopération antiterroriste entre pays occidentaux et avec le monde musulman, tous ces facteurs ont permis que le monde soit plus sûr aujourd’hui qu’il y a dix ans.

Parallèlement, la « guerre contre la terreur » de George W. Bush a engendré des dérives qui ne se sont pas résumées à des « dommages collatéraux », malheureux mais excusables : arrestations sans jugement, prisons secrètes, tortures, guerre engagée en Irak sur la base d’une justification fabriquée et fallacieuse… Cette perversion néoconservatrice a fini par desservir la lutte contre le terrorisme. Or, quand une puissance comme les Etats-Unis en vient à bafouer ses propres lois, c’est un modèle de démocratie qui est mis en péril.

Si la réplique sécuritaire au défi d’Al-Qaeda a été judicieuse, la réponse politique a été un échec, complète Louis Michel. George W. Bush a voulu instaurer un Grand Moyen-Orient démocratique au départ de l’Irak. Son successeur, Barack Obama, s’est gardé de chercher à imposer quoi que ce soit et a tendu la main aux démocrates musulmans. Lassés du monolithisme du pouvoir et de la corruption des dirigeants, les peuples arabes ont balayé les plus ancrées des certitudes et ont offert la vraie réponse politique au 11-Septembre. Le pari n’est pas encore gagné, notamment face à la volonté de récupération islamiste radicale. Mais les jeunes manifestants de Tunis et du Caire ont, d’un seul coup, « ringardisé » le discours d’Oussama ben Laden et fait triompher une parole politique là où Al-Qaeda n’offrait que le bain de sang comme perspective.

Premier ministre en 2001, Guy Verhofstadt voit dans les attentats du 11-Septembre et dans la faillite de la banque Lehman Brothers en 2008 « la fin du monde unipolaire ». Ce nouveau paradigme soulève légitimement des inquiétudes en ce qu’il bouscule les repères traditionnels. Mais il ouvre aussi la voie à une redéfinition des équilibres qui, de l’Asie à l’Afrique, peut être annonciatrice d’un monde moins inégalitaire et, donc, moins violent.

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