Christine Laurent

Quelle mascarade !

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

« LA TERREUR DE LA POLITIQUE BELGE est de retour ! Tout sauf Leterme ! » Les médias, en particulier francophones, n’avaient pas de mots assez durs, fin 2009, pour fustiger le « M. Catastrophe aux deux mains gauches » qui allait succéder à Herman Van Rompuy, parti à l’Europe.

On prédisait le pire, un pays aux plaques tectoniques déjà fissurées, balayé par les invraisemblables maladresses d’un Premier ministre miraculeusement remis en selle. Au secours ! Moins de deux ans plus tard, la même presse roucoule devant les pâles indignations de Leterme accusant mollement ses (vrais) amis de la N-VA de bloquer les négociations. Quelle mâle attitude, quel courage, il ose ébranler le sacro-saint front CD&V – N-VA ! Et certains, déjà, de fantasmer : Bart De Wever enfin écarté ! L’affaire prêterait vraiment à rire si elle ne s’inscrivait pas dans un contexte politiquement inquiétant. Neuf mois sans gouvernement, pas l’ombre d’un accord, et Leterme, l’ex-carbonisé « aux cinq minutes de courage politique pour régler BHV », aujourd’hui « notablisé », pavoise un peu partout devant des micros complaisamment tendus.

Un véritable prestidigitateur, cet homme ! Capable d’enfumer ceux qui veulent bien se laisser berner par ses tours de passe-passe pendant qu’en stoemelings il manoeuvre… pour les seuls intérêts de la Flandre, bien sûr. Pour preuve, la célébration prochaine du centenaire de la Grande Guerre. Le dada de la N-VA, mais aussi d’un certain Leterme, né à deux pas des anciennes tranchées du Westhoek et qui s’agite beaucoup, avec les fidèles de De Wever, pour faire des quatre années de commémorations qui se profilent à l’horizon une caisse de résonance exceptionnelle pour la Flandre. La Grande Guerre doit projeter le Nord sur la carte du monde, avec à la clé deux millions de touristes, plus de 200 millions de recettes. Et les Wallons, et les Bruxellois dans tout ça ? Malgré quelques timides initiatives, ils sont bel et bien ensablés au milieu de nulle part, une fois de plus. Reste le fédéral. Et la balle de retomber à nouveau chez Leterme. Qui, dans l’indifférence générale, a fait nommer il y a un an un coordinateur fédéral du centenaire 14-18, Jan Breyne, qui n’est autre que le secrétaire honoraire d’… Ypres, la bonne ville du Premier, comme nous le révélons cette semaine dans nos colonnes. Un coordinateur qui ne travaille, bien sûr, qu’avec les Flamands. Il paraît que le pauvre n’a toujours pas trouvé d’interlocuteurs côté francophone ! Et hop, le tour est joué ! On voudrait supplanter, voire écarter le fédéral du dossier, que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Pas si main gauche que ça, Leterme !

Et voilà une fois encore une opération rondement et discrètement menée, et qui est tout bénéfice pour la N-VA avec laquelle, rappelons-le, Leterme a déjà signé un accord pour les élections communales de 2012. C’est donc bien en tandem avec De Wever que roule Leterme. De fait, les politologues du Nord sont formels : les partis flamands ne pourront pas écarter la N-VA du prochain gouvernement, au risque de se voir présenter une addition salée aux communales. Il suffit de gratter le fin vernis qui couvre les derniers propos « musclés » à l’égard de la N-VA du Premier ministre pour que son portrait devenu étrangement lisse ces derniers temps s’écaille. Le CD&V, Yves Leterme en tête, est bien scotché à la N-VA et tout le reste n’est que mascarade.

CHRISTINE LAURENT

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