Patrick Dupriez

Quel Pacte, pour quel enseignement, pour quelle société ?

Patrick Dupriez Président d'Etopia, Centre d’animation et de recherche en écologie politique

D’ici fin septembre, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ‘tranchera’ sur les mesures proposées dans le Pacte pour un enseignement d’excellence. Après près de deux ans de travaux, le processus qui vise ‘une grande réforme de l’école’ devrait atterrir… ou s’écraser en laissant un goût amer d’occasion ratée.

Rien n’est en effet joué, tant le Pacte est un catalogue de mesures allant dans toutes les directions et oscillant entre deux visions très différentes des finalités de l’enseignement. Parle-t-on du pilotage par les résultats imaginé par le cabinet de consultance McKinsey, basé sur des objectifs de performance à atteindre par les écoles via notamment de (trop) nombreuses épreuves externes, sur des ‘référentiels de compétences’ dès la maternelle, sur des recettes du privé appliquées aux écoles ? Ou s’agit-il du projet porté par les dizaines d’acteurs de l’enseignement, de citoyens et d’enseignants, cherchant à lutter contre les inégalités sociales, visant l’équité et l’émancipation, défendant des propositions innovantes et nécessaires, comme le tronc commun polytechnique et la gratuité scolaire ? A ce stade, rien ne permet de savoir dans quelle direction penchera le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Nous, écologistes, estimons que l’école doit se transformer en profondeur. Elle a besoin d’un vrai changement de culture. Notre système scolaire laisse en effet encore trop de jeunes sur le côté. Nombre d’entre eux sont orientés vers des options qui ne leur conviennent pas ou sont poussés vers des ‘voies de garage’. Le lien entre l’origine socio-économique des enfants et leur parcours scolaire reste insupportable. Dans certaines écoles, le modèle reste celui de la compétition, des classes homogènes dont les plus ‘faibles’ sont éjectés. Celui où on pense qu’une bonne école est une école où le taux d’échec est élevé plutôt qu’une école dont les enseignants ont bien mené leurs élèves vers le succès…

Nous refusons un système éducatif qui reproduise une société divisée entre ceux qui s’en sortent et les autres

Nous voulons, au contraire, une école qui participe à la création d’une société solidaire, coopérative et créative, où chaque jeune reçoit les outils pour pouvoir évoluer et s’adapter dans la vie et construire sa carrière professionnelle. Ce modèle est loin d’être une utopie. Il vit déjà grâce à de nombreux enseignants et est porté dans des projets comme « Toute autre école » et « École de Tous ».Il pourrait se déployer à partir de certaines des mesures proposées dans le Pacte.

Il est prioritaire pour Ecolo de réinvestir dans l’enseignement fondamental au moment où se joue l’accrochage à l’école. La qualité et l’encadrement dans l’enseignement maternel doivent être renforcés avec plus d’enseignant(e)s et plus de puériculteurs/puéricultrices dans les classes d’accueil et de première maternelle. Les maternelles sont en effet le niveau le plus efficace pour lutter contre la relégation scolaire et les inégalités en permettant à tous les enfants d’acquérir des bases de langage, cognitives ou sociales indispensable à la poursuite de leur parcours. Pour garantir à chacun les même chance, l’enseignement obligatoire devra devenir progressivement totalement gratuit.

Nous défendons également la mise en place d’un véritable tronc commun polytechnique, garantissant une place tant aux savoirs scientifiques et technologiques, qu’aux apprentissages manuels et techniques, ou encore à la culture. Ce tronc commun permettra à chaque élève de tester ses talents, d’expérimenter de nouvelles matières, d’explorer sa créativité et, au final, de faire les meilleurs choix par rapport à lui-même.

Les finalités du Pacte, envisagées par Ecolo, nécessitent enfin d’outiller les enseignants à l’accompagnement individualisé des élèves, aux pédagogies actives et différenciées, à l’interculturalité, par une formation initiale et continue de haut niveau. Aucune réforme sérieuse de notre enseignement ne sera crédible si elle fait l’impasse sur le renforcement de la formation initiale des professionnels de l’éducation.

C’est le moment de choisir. Pour Ecolo, les éléments qui précèdent pourraient constituer un socle minimum autour duquel il devrait être possible de construire un consensus social et politique dépassant la majorité politique actuelle. A charge, ensuite, au Gouvernement, de convaincre les enseignants et les citoyens. Parce qu’on ne changera pas l’école sans eux et que demain commence aujourd’hui pour tous les enfants qui rentreront à l’école le 1er septembre prochain…

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