Koen Geens © BELGA

Que peut faire Koen Geens pour cette Justice exsangue ?

Ce vendredi 20 mars, la Justice demande un répit budgétaire au gouvernement. Le CD&V Koen Geens va-t-il réussir à la moderniser tout en lui imposant des économies ? La stratégie d’un ministre pris entre deux feux.

Ce vendredi, au palais de justice de Bruxelles, tous les acteurs judiciaires (avocats, magistrats, greffiers et membres des personnels des greffes et des parquets, experts judiciaires) feront grand bruit pour protester contre le régime d’austérité imposé par le gouvernement Michel qui entend imposer à la Justice une diminution de budget de 10% en l’espace de quatre exercices budgétaires : 4% en 2015, puis 2% en 2016, en 2017 et en 2018. Or le SPF Justice, qui comprend aussi les prisons, les cultes et la Sûreté de l’Etat, est déjà à l’os.

Foin de calculs de boutiquiers, les acteurs judiciaires placent, cette fois, le débat sur le terrain de la philosophie politique. « La Justice, ce n’est pas qu’un SPF (NDLR : service public fédéral). C’est, avant tout, l’un des trois pouvoirs constitutionnels sur lequel se fonde notre Etat démocratique », édicte Me Patrick Henry, président d’Avocats.be, l’Ordre des barreaux francophones et germanophone. Manuela Cadelli, présidente de l’Association syndicale des magistrats (ASM) et du tribunal correctionnel de Namur, va un pont plus loin, au risque de réveiller la « guerre des pouvoirs ». Latente depuis l’affaire Dutroux, quand l’Intérieur et la Justice se rejetaient la responsabilité des dysfonctionnements, et l’affaire Fortis, lorsqu’une déclaration intempestive du président de la Cour de cassation, Ghislain Londers, a fait chuter le gouvernement Leterme.

La présidente de l’ASM met au défi le monde politique de diminuer son train de vie – en supprimant les provinces ? – pour rétablir l’équilibre entre les trois pouvoirs. Les divers parlements et gouvernements de la Belgique fédérale ont droit à des bureaux très convenables voire luxueux, du personnel en nombre, une informatique performante, des voitures de fonction, de coquets budgets de fonctionnement et de voyage… Le pouvoir judiciaire, lui, vit quasiment au XIXe siècle, dans des locaux délabrés (du moins en Wallonie), avec des bouts de ficelle et un cadre incomplet. En toute illégalité, d’ailleurs. « Le ministre de la Justice tarde délibérément à publier les places vacantes pour faire des économies sur le salaire des magistrats, détaille la magistrate. Il faut que l’opinion publique le sache bien : l’austérité va nous empêcher de relever le défi terroriste et celui de la délinquance économique et financière. »

Message de mécontentement bien reçu au cabinet de la Justice ? Professeur de droit fiscal et de droit des sociétés, adoré de ses étudiants de la KUL, avocat du cabinet d’affaires Eubelius (Louvain), Koen Geens a débarqué dans le précédent gouvernement, dirigé par Elio Di Rupo (PS), avec l’aisance d’un habitué du pouvoir. Aux Finances, il a lancé une réforme bancaire aux résultats mitigés mais il ne s’est fait aucun ennemi. A la Justice, un concert de louanges l’a immédiatement accueilli. Mais cette heureuse entrée en matière ne suffit pas. Le prochain contrôle budgétaire, à la fin mars, sera décisif. Lutte anti-terroriste oblige, les ministres de la Justice, de l’Intérieur et de la Défense auraient introduit des demandes de nouvelles dépenses pour un montant de 800 millions d’euros, dont une grande partie, dit-on, destinés à la Justice. De fait, le projet du cabinet Geens se traduirait, non par les économies attendues (4 %) mais par une augmentation des dépenses (+ 9,6 %), « sans aucune perspective de diminution structurelle des frais », a cafté l’Inspecteur des Finances. A la fin de l’année 2014, le déficit cumulé de la Justice atteignait déjà les 100 millions d’euros…

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– Que pouvait donc Koen Geens face à cette Justice réputée rigide ?

– La Lituanie et le Rwanda plus avancés que la Belgique

– « Le ministre de la Justice n’est plus un interlocuteur »

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