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Quand Milquet sème sciemment la zizanie

Au lendemain de la contestation enseignante, Joëlle Milquet, la présidente du CDH propose un « cachet d’aspirine » : enterrer le décret Robin des bois.

Je n’ai jamais dit que l’on renoncerait à la piste « Robin des bois ». Ce sont les journalistes qui l’ont écrit. » Vous ne reculerez pas ? « Non. D’ailleurs, par rapport à nos voisins européens, notre enseignement figure parmi les mieux financés. Je n’invente rien : c’est un constat. » Cette déclaration de Marie-Dominique Simonet date du 23 novembre 2010. Six mois plus tard, à la télévision, sa présidente de parti fustige le décret Robin des bois. « Il est trop perturbant pour les écoles. Nous trouverons ailleurs les 8 millions » Où ? Grâce à des moyens nouveaux venant du fédéral.

Petit rappel. Adopté cet hiver par la majorité PS-CDH-Ecolo, ce texte organise un transfert de 8 millions d’euros (sur 40 millions, en faveur de l’encadrement différencié) entre écoles mieux nanties et celles qui accueillent des publics scolaires en difficulté. Un texte que Marie-Dominique Simonet a défendu, jugeant que le dispositif « sera quasi indolore ».

Aujourd’hui, Joëlle Milquet désavoue-t-elle sa ministre ? Pour ses partenaires, Simonet s’est « fait déshabiller ». « On assiste à un strip-tease », compatit un collègue de la majorité. L’opposition fait la même analyse. Le mécanisme Robin des bois a pourtant germé en juillet 2009, quand PS, CDH et Ecolo ont négocié les exécutifs régionaux. Ce texte a donc fait l’objet d’un accord entre présidents de parti, la ministre en dessinant les modalités pratiques. « Ce n’est pas Simonet qu’on déshabille, mais plutôt Milquet qui se déshabille elle-même », rétorque un proche de la ministre.

Un beau retournement de veste ? Le CDH affirme n’avoir jamais été très favorable au décret. Le cabinet Simonet rappelle que la ministre a déclaré le 26 avril dernier devant le parlement que « Robin des bois » n’était pas immuable. En fait, elle aurait tenté d’obtenir en coulisses l’abandon du texte. En vain, semble-t-il. La volte-face publique et inopinée de Joëlle Milquet (celle-ci n’a consulté ni Rudy Demotte, ni Jean-Marc Nollet, ni même averti les ministres CDH) n’est évidemment pas sans arrière-pensée et sert même Marie-Dominique Simonet, tout en nuisant ainsi au PS et à Ecolo : ils apparaissent comme les instigateurs du texte, comme si le CDH lui était totalement étranger. De fait comment les partenaires justifieront-ils désormais le maintien du décret ?

Précipitation

Pour compenser financièrement l’abandon du décret, Joëlle Milquet promet des moyens supplémentaires en provenance du fédéral. Etonnement au PS et chez Ecolo. André Antoine, qui officie au Budget, doit s’expliquer au prochain kern. « Tout cela est précipité : le montant de l’embellie budgétaire n’est pas encore très précis », confie un CDH.

Joëlle Milquet tente-t-elle de rassurer les enseignants qui manifestaient nombreux le 5 mai ? En moins de deux ans, Simonet a affronté une grève et plusieurs arrêts de travail. Joëlle Milquet ne veut pas voir le CDH échouer sur le dossier enseignement. A ce jour, pourtant, le décret Robin des bois n’est toujours pas enterré. Il faut l’aval du PS et d’Ecolo. Si de l’argent frais se dégage, tous deux voudront leur part de butin. D’autant que l’incertitude institutionnelle suggère la prudence (que va-t-on transférer aux entités fédérées et à quels coûts ?). Pour abroger un décret de plus, il faut revoter et recueillir une majorité. Pour les syndicats enfin, supprimer « Robin des bois » « n’est pas une priorité ». « A qui parle « Robin des bois » ? Aux pouvoirs organisateurs et aux chefs d’écoles, pas aux enseignants. Ce n’est pas en supprimant ce décret que l’on va leur rendre la « niaque » », lâche un collègue de la majorité.

SORAYA GHALI

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