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Quand Mark Eyskens ironise sur les politiques, les journalistes…

Le Vif

INEDIT Le Vif/L’Express publie en exclusivité francophone une nouvelle de l’ancien Premier ministre, Lait noir et politique multicolore. Tout le monde en prend pour son grade sauf… le Roi.

On connaissait le Mark Eyskens Premier ministre (avril-décembre 1981) , le Mark Eyskens moult fois ministres (de 1976 à 1992), le Mark Eyskens chroniqueur politique. Mais peu savent que Mark Eyskens est aussi écrivain de fiction. Le Vif/L’Express publie à partir de cette semaine et jusqu’à son numéro du numéro du 23 août, une nouvelle écrite de sa plume, Lait noir et politique multicolore. Fort de « son expérience et de son expertise », l’homme politique livre dans cette fiction très réaliste un regard ironique et grinçant sur la classe politique et les médias. De son propre aveu, il a voulu en épingler les « aspects excessifs et caricaturaux ». Cela donne un texte savoureux, avec une veine fantasmagorique, où l’auteur nous entraîne dans un voyage en Absurdie… Toute ressemblance avec des événements et des personnages réels n’est évidemment pas fortuite.

Extraits de ce persiflage, comme le nomme Mark Eyskens.

« Le Premier ministre dévala en toute hâte le grand escalier de sa résidence de chef du gouvernement. C’était le jour et l’heure où il se rendait au Palais royal à bord de sa voiture officielle pour son entretien hebdomadaire avec le Souverain. Le pays avait vécu bien des événements au cours de la semaine écoulée. Le coût du vieillissement de la population échappait en effet à tout contrôle et le budget des soins de santé et des pensions de retraite explosait. C’est que l’âge moyen des femmes atteignait les 92 ans alors que celui ces hommes frôlait les 89. Le gouvernement et le Parlement polémiquaient depuis des mois sur la politique à observer, et la Commission européenne avait mis le cabinet en demeure de prendre les mesures nécessaires. Un projet de loi obligeant à pratiquer l’euthanasie à l’âge de 75 ans avait été rejeté de justesse à la Chambre des Représentants, lorsqu’il était apparu que le gouvernement refusait de rembourser aux héritiers les frais entraînés par « l’ultime mesure de clémence », le bel euphémisme par lequel on qualifiait alors l’euthanasie. Une violente querelle communautaire avait éclaté après que de savantes études aient démontré que le Flamand moyen vivait plus vieux que le Wallon et que le contribuable wallon payait donc plus d’impôts au profit du flamand. En conséquence, un afflux de milliards partant du Nord vers le Sud se heurtait à un autre afflux de milliards, du Sud vers le Nord. Selon les experts, ce phénomène offrait, sous l’angle financier, des points de comparaison avec ce qui se produisait dans l’accélérateur de particules du CERN de Genève où des fissions et des réactions en chaîne fatales ne pouvaient être exclues.

Le Premier ministre, que l’on avait rarement surpris en manque d’idées créatives, avait proposé, en vue de garantir le financement des pensions de retraite, de créer un important fonds de réserve grâce à la collecte de dons et à l’organisation de manifestations caritatives de grande envergure. Une première initiative consisterait à organiser une randonnée de charité à vélo qui suivrait le trajet Bruxelles-Hal-Vilvorde et retour, suivant un itinéraire qui avait connu pendant une cinquantaine d’années une popularité considérable auprès de représentants du peuple mordus de cyclisme et de semeurs de clous de toutes confessions. Sous le prétexte bénin d’aller pédaler en boucle, cet événement sportif recelait pour beaucoup une occasion de se rincer la dalle dans les multiples bistrots qui jalonnaient le parcours. D’importants responsables politiques comme des ministres et des parlementaires se targuaient volontiers de participer à cette manifestation BHV qui donnait immanquablement lieu à des chutes plus ou moins spectaculaires. Il était même arrivé qu’un éminent président de parti heurte violemment le sol de la tête après avoir imprudemment enlevé son casque protecteur en vue de se rendre plus aisément reconnaissable du public. Un bruit sourd et creux avait retenti, amplifié par les pavés auxquels s’était heurté le dirigeant politique. Convoqués en toute hâte, les médecins avaient constaté une inquiétante fêlure du crâne par laquelle des millions de neurones tentaient de s’échapper. Mais les découvertes de la médecine avaient une fois encore fait merveille : le crâne présidentiel avait été expertement colmaté dans l’ambulance et le politicien ne tarda pas, malgré sa perte de neurones, si non grâce à celle-ci, à se sentir nettement plus en forme, plus créatif et plus brillant qu’il ne l’avait jamais été. »

Lire l’intégralité du premier épisode de « Lait noir et politique multicolore » dans Le Vif/L’Express du 12 juillet, en vente deux semaines. La publication des autres volets est prévue jusqu’à l’édition du Vif/L’Express du 23 août.

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