César Botero González

Quand Marcourt fait le comique

César Botero González Militant du PS - Licencié en sciences politiques et science des religions

Les comiques se divisent en deux catégories : ceux qui font rire en le voulant et ceux qui font rire sans le vouloir. Jean-Claude Marcourt appartient à la deuxième catégorie, mais il l’ignore. C’est bon pour lui mais pas pour la Wallonie, Liège et le PS.

Un matin froid, gris et pluvieux de décembre 2016, Jean-Claude Marcourt, un des propriétaires du PS du côté de la Cité Ardente, apprend l’existence de Publifin et Nethys, en écoutant la radio entre la tartine au sirop de Liège et le café. Publifin ? Ça doit être une agence de publicité. Nethys ? Ce mot lui dit quelque chose. Serait-ce une déesse marine de la mythologie grecque ? Il était question des gens rémunérés pour ne rien faire. N’étant pas sûr, l’homme se précipite sur Google et, les yeux écarquillés, découvre que Publifin est une intercommunale belge, liégeoise de surcroit. Plus surprenante encore, Nethys n’était pas Téthys, la déesse grecque, mais une société privée faisant partie de Publifin. Et comme une découverte conduit à une autre, il apprend que cette nébuleuse, comme on l’appelle aujourd’hui, fait l’objet de critiques depuis dix ans. Mais il a failli s’étrangler lorsqu’il voit que Stephan Moreau, André Gilles et Alain Mathot, ses copains, font partie de tout ça. Mille millions de mille sabords !

La consternation s’empare du président provincial et avec une frénésie, inhabituel chez un homme si calme et placide, il se met à surfer partout à la recherche d’un monde qui lui échappe. Plus il cherche plus il trouve. Plus il trouve plus il éprouve un sentiment d’insécurité et de culpabilité. Voilà que lui, Jean-Claude, membre de la bande des cinq joyeux compères qui tirent les ficelles de tout ce qui bouge à Liège, n’était pas au courant de Publifin, Nethys, Finanpart…

Après la surprise viennent la déception et la colère. Ainsi donc, ses copains, Stephan, André et Alain ne lui ont rien dit. Pas un mot de leurs mandats, pas un mot de leurs revenus, pas un mot de leurs activités dans la nébuleuse. Même Willy ne lui a rien dit. Eh bien ça alors ! Il était assommé. Et il plongea pendant plusieurs jours dans une réflexion silencieuse sur tout ce qu’il venait d’apprendre en même temps que le citoyen lambda.

Après la surprise, la déception et la stupéfaction, la peur s’installe. Et si maintenant on lui demandait des comptes. Comment expliquer qu’il n’était au courant de rien, qu’il n’avait rien entendu dans son entourage ni dans les médias ? S’il n’est ni responsable ni coupable par commission, le serait-il par omission ? Ne va-t-on pas l’accuser d’un silence complice ?

Maintenant que la commission d’enquête Publifin est mise en place, Marcourt craint d’être convoqué pour s’expliquer. Comment se fait-il qu’il ne savait rien et s’il le savait, pourquoi a-t-il laissé faire ? D’ailleurs, la commission d’enquête devrait poser les mêmes questions à Willy Demeyer et à Laurette Onkelinx, vice-présidents du PS et à Elio Di Rupo. Pourquoi pas ? Mais également à Benoit Lutgen et à Olivier Chastel. Pourquoi pas ?

Après une analyse en profondeur, comme toutes les analyses, il se décide à nous montrer de quel bois il se chauffe. Il faut donc réagir, montrer sa colère et son indignation. Ça marche parfois. Au Soir, il déclare donc :

« Ce que je reproche le plus aux dirigeants de Nethys, c’est le manque de communication, sous le mode « vivons heureux, vivons cachés »… « Il faut que les dirigeants s’expliquent et fassent preuve de transparence. » Bref, Marcourt ne sait pas encore ce qui s’est passé.

« Les affaires de famille doivent se régler en famille ». Le problème est que pour régler ce genre d’affaires, la famille se réduit à une poignée de personnes qui délibèrent à bureau fermé dans le plus grand secret. Voilà pourquoi Marcourt sous-estime les fédérations cantonales de Fléron et d’Aywaille. Elles ont moins d’affiliés que d’autres.

« Bon, je reprends : avec mes amis politiques, j’ai toujours dit que nous mesurons la gravité de la situation. » Bof ! Ça ne veut rien dire. Phrase galvaudée.

« Il faut changer les choses. Il n’y aura plus d’accommodements avec l’éthique. » Avant il y en avait. Premier aveu.

« Ça fait toujours plaisir quand le PS liégeois est en ébullition. » Deuxième aveu.

« Guy Spitaels disait qu’il y avait deux grands mystères : la Trinité et la fédération liégeoise du PS. » Troisième aveu.

Mais il a déclaré aussi, en début d’entretien : « C’est une chance qu’il y ait une commission d’enquête qui va permettre d’expliquer les raisons de ce qui a été fait. » C’est encore une façon de dire qu’il ne sait rien encore. Les autres non plus d’ailleurs.

La chance, pour Marcourt et ses amis, serait que le PS, le MR et le CDH, juges et parties, se mettent d’accord pour accoucher d’une souris. Tous innocents, une dizaine de recommandations et quelques déclarations lyriques sur la transparence, l’éthique, la bonne gouvernance, etc. C’est bon pour les présumés coupables, mais pas pour les élections de 2018 et 2019. En revanche ce serait bon pour le PTB, les écolos et les listes citoyens.

Si les responsabilités sont clairement établies, ce serait mieux, mais c’est trop tard. Les partis traditionnels ont trop abusé de la patience des citoyens. Mais si les mêmes de toujours s’en vont…

Quel que soit le résultat, les partis traditionnels cesseront de s’accuser de corruption, d’opacité, de cumuls de mandats… Chacun pourra dire à l’autre « Quiconque taquine un nid de guêpes doit savoir courir ».

Et tous nous dirons dans un repentir aux résonances bibliques: cessez de nous condamner. Dieu ne veut pas que le pécheur meure, mais qu’il se convertisse et vive.

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