La rédaction du Vif

Quand la scission du Royaume apparaît de plus en plus inéluctable

Alors que la mouvance nationaliste ne cesse de progresser au Nord du pays, sapant, chaque jour un peu plus, les fondations du Royaume, les responsables politiques francophones continuent à faire l’autruche. Tout semble se passer pour eux comme si la Belgique était vouée à connaître l’éternité.

Par Jules Gheude, essayiste politique (1)

Que fait un séparatiste, s’il bénéficie de la légitimité démocratique ? Ben, il sépare. Ca t’étonne, Yvonne ?, écrivait, le 23 mars dernier, Pierre Bouillon dans « Le Soir ».

Or, cette légitimité démocratique pourrait bien être atteinte au soir des élections législatives et régionales du 25 mai 2014. Aujourd’hui, la N-VA, le Vlaams Belang et la Lijst Dedecker flirtent déjà avec les 45% d’intentions de vote (sondage Ipsos, Le Soir, RTL-TVI de mars).

Avec Bart De Wever, au moins, on sait à quoi s’attendre : il veut que la Flandre devienne autonome en 2014. C’est l’option confédéraliste, d’ailleurs largement partagée aussi par les démocrates-chrétiens et les libéraux flamands. D’un point de vue strictement stratégique, le ministre-président flamand Kris Peeters est bien forcé de se distancer du leader nationaliste (son parti, le CD&V, se situe actuellement à 16,7%,), mais, pour ce qui est du devenir de la Flandre, il y a, entre les deux hommes, l’épaisseur d’un papier à cigarette… Qui oserait nier que Kris Peeters se comporte déjà à l’étranger comme le chef d’un véritable Etat souverain ? N’a-t-il pas quitté la mission économique princière au Vietnam pour se rendre au Myanmar, afin d’y rencontrer Aun San Suu Kyi ?

A propos du prince héritier Philippe, il est d’ailleurs intéressant de lire les lettres que cinq présidents de partis flamands (N-VA, CD&V, Open VLD, Groen ! et LDD) viennent de lui adresser, à l’invitation de l’hebdomadaire « Knack ».

Si l’on n’est pas surpris par l’argumentation « républicaine » de Bart De Wever et Jean-Marie Dedecker, il convient, en revanche, de constater le ton critique et sans complaisance adopté par les autres.

Face à cette position qui amène Bart De Wever à constater que presque aucun parti ne veut de Philippe sur le trône, les élites francophones, Louis Michel en tête, proclament leur indéfectible attachement à Laeken.

J’en viens à présent à cette sixième réforme de l’Etat, que les responsables francophones conçoivent toujours comme « fédérale » et dont ils restent persuadés qu’elle apportera la pacification communautaire (les trois bourgmestres FDF de la périphérie ne sont toujours pas nommés…).

A en juger par les propos tenus par Michel Delbaere, le patron des patrons flamands, dans « Le Soir » du 8 mai, on ne peut qu’être sceptique quant aux chances d’aboutissement de ce vaste chantier : Elle est dans l’accord de gouvernement, mais elle n’est toujours pas mise en oeuvre. On avait parlé de Pâques pour un vote cet été. Mais on n’y est toujours pas. Et il faut encore parler de questions aussi complexes que la loi de financement. Nous craignons que ces réformes n’arrivent pas.

Constatant que le dialogue social est bloqué, M. Delbaere estime aussi qu’il serait plus simple de gérer tout cela entre patrons et syndicats flamands, entre lesquels il y a une plus grande convergence de vue…

Entre une Flandre qui se situe clairement à droite et une Wallonie qui reste dominée par un PS en lutte contre le PTB, le fossé, on le voit, est d’une profondeur abyssale.

Une Flandre qui, pour la troisième fois consécutive, parvient à l’équilibre budgétaire, alors que le Wallonie peine toujours à racler les fonds de tiroir (la prévision de solde de la Région et de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour 2013 s’établit à – 338 millions d’euros et on espère retrouver l’équilibre budgétaire en 2015). Une Flandre qui, pour les trois premiers trimestres 2012, réalise 141,64 milliards d’exportations (+ 0,7%), contre 30, 02 milliards seulement (-3,1%) pour la Wallonie. Et il convient de souligner que ces statistiques sont établies au départ des entreprises et non à partir de l’aéroport national ou du port d’Anvers.

Dans une carte blanche publiée par « La Libre Belgique » le 26 octobre 2012, je posais carrément la question : Et si Albert II devait être le dernier monarque belge ?

Les événements de ces derniers mois viennent clairement conforter mon analyse. Une analyse que je développe depuis 2007 et qui m’a amené, via les Etats généraux de Wallonie en 2009 et les travaux du Gewif (2), à préparer l’après-Belgique.

On connaît mon point de vue : seule une union-intégration à la France, avec, dans premier temps, un statut particulier, sera susceptible de garantir l’avenir de la Wallonie.

Force m’est aussi de constater que la récente enquête de la VUB, selon laquelle 73,9 des Bruxellois souhaitent l’autonomie (4,6% seulement optent pour l’association avec la Wallonie et 4% avec la Flandre, rejoint ce que j’ai toujours pensé : Bruxelles ne voudra aller ni avec les uns ni avec les autres. De quoi refroidir, en tout cas, sérieusement ceux qui, dans l’unique but de sauvegarder leur rente de situation, s’accrochent à cette irréaliste « Fédération Wallonie-Bruxelles », censée se transformer un jour en « Belgique continuée », avec, à sa tête, les Saxe-Cobourg !

(1) A paraître prochainement : « Lettre à un ami français – De la disparition de la Belgique ». (2) Groupe d’Etudes pour la Wallonie intégrée à la France – www.gewif.net.

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