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Quand l’espace public est privatisé pour de petites sauteries privées

Le Vif

La privatisation pour seulement 1.500 euros pour dix jours de l’un des endroits les plus photogéniques de Gand, a rendu les Gantois furieux. Au point qu’ils ont décidé de s’incruster dans la fête. Ce n’est pourtant là qu’un des derniers exemples d’une privatisation de plus en plus importante des espaces publics. En voici la preuve par d’autres exemples.

Dans la tente flottante arrimée sur un des pontons de la Graslei, MG Real Estate (De Paepe Group) souhaitait organiser un walking diner pour célébrer la réouverture d’un centre commercial fraîchement rénové. Selon le journal De Gentenaar, le promoteur immobilier n’aurait payé que 1,415.33 euros pour pouvoir louer l’endroit pour 10 jours et organiser cette fête dans l’un des endroits les plus prisés de la ville.

Il n’en fallait pas plus pour qu’un mouvement de grogne se propage sur les réseaux sociaux. Sous le slogan de « Partycrash : Gand est à nous« , ils étaient des centaines à rejoindre la Graslei pour s’incruster à la sauterie au public trié sur le volet et à manifester à leur façon contre la commercialisation du centre-ville. Pour adoucir les esprits, on leur a offert des bières et des frites. Pas certain que ça suffise.

Pourtant, selon la ville, toutes les procédures ont été respectées. Tout le monde est en droit d’introduire ce genre de demande. Même le tarif, très compétitif, est selon eux dans les normes. Cela n’a pas empêché que l’évènement prenne une tournure politique, car la fête privée a été considérée comme un évènement culturel. « La ville va devenir un catalogue promotionnel. Une sorte de Plopsaland où la propriété publique est loué pour des évènements commerciaux » a notamment dit Tom De Meester du PTB.

Qu’est-ce que l’espace public ?

Selon Christian Dessouroux, chercheur au FNRS, « l’espace public est habituellement considéré comme un espace matériel aménagé à des fins d’utilisation par la collectivité. Il est reconnu comme étant praticable et librement accessible à tout un chacun et ne pouvant dès lors être approprié de façon exclusive, durable ou de manière excessivement personnelle par un individu ou un groupe particulier. »

À Bruxelles aussi

À l’été 2015, l’espace devant la Bourse a été privatisé pour une fête annonçant Tommorowland. Tout le quartier a pu largement profiter de la musique, mais seuls quelque 400 happy few, ceux qui avaient déjà leur ticket pour le festival, ont pu rejoindre l’espace cloisonné.

Un autre exemple est la Grand-Place qui a été privatisée pour un concert de Lady Gaga et Tony Bennett pour les gagnants d’un concours organisé exclusivement pour les clients d’une entreprise. D’autres lieux emblématiques de la ville, comme la place des palais, ont eux aussi été privatisés pour une fête ou des évènements privés. L’exemple le plus notable fut l’exposition de sculptures de glace Ice Magic qui squatta la place en 2013 durant pas moins de deux mois.

La France n’est pas non plus en reste puisque certaines privatisations outrancières de lieux publics, comme celle d’une plage publique des Alpes-Maritimes par un roi d’Arabie saoudite, font régulièrement la une des médias. Notre voisin et son riche patrimoine attirent ceux pour qui les questions de budget ne sont que peccadilles. Il n’est en effet pas rare de que de riches étrangers privatisent des lieux d’exception. Étant prêt à payer rubis sur ongle pour une expérience sur mesure et intime. Un exemple bling-bling à l’extrême est celui de Kim Kardashian et Kanye West qui ont privatisé le château de Versailles en 2014 pendant 1h30 et pour 20.000 euros. Ce domaine historique qui attire près de 8 millions de touristes chaque année est privatisé une cinquantaine de fois dans l’année. Mais Versailles est loin d’être le seul à plonger dans cette manne puisque pour les musées et monuments du patrimoine c’est même l’un de leurs principaux revenus. Selon le Figaro, en « 2014, la location d’espaces a rapporté 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires au groupe Paris Musées, qui gère les 14 musées de la ville de Paris parmi lesquels le musée d’Art moderne, le Petit Palais, la maison de Victor Hugo, les catacombes… « .

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