En 2015, Montasser Alde'emeh, coauteur du livre sur le djihad, apprécié du ministre de l'Intérieur, Jan Jambon. © Artur Eranosian/Imagedesk

Quand l’antiradicalisme devient business

Prévention, formations, informations… En Belgique francophone, les propositions pour contrer le radicalisme se multiplient. Enquête au coeur d’un véritable marché. Très convoité.

Les pouvoirs régionaux et communautaires entrent en lice »

« Le terrorisme fait vivre plus de gens qu’il n’en tue.  » La formule est cynique mais elle contient une part de vérité. Une nouvelle économie de l’antiradicalisme et de la déradicalisation fait son apparition. La rentrée 2016 sera ponctuée d’annonces médiatiques : les pouvoirs régionaux et communautaires entrent en lice. Les politiques francophones ne veulent pas donner l’impression de rester les bras ballants après les dramatiques événements de 2015 et de 2016. Ils n’ont que l’embarras du choix. Tout comme, il y a vingt ans, les crimes sexuels étaient un  » créneau porteur « , aujourd’hui, chacun y va de son analyse et de ses propositions. Le vaste domaine de la prévention, formation et information (ou contre-discours) est à prendre. Avis aux amateurs ! Attention : ne pas confondre avec le terrorisme, qui est de la compétence du fédéral : justice, police, renseignement. Ni oublier que le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA), a déjà débloqué des fonds pour les dix communes du pays les plus concernées par les départs et les retours de Syrie. Et que beaucoup de communes ont retroussé leurs manches…

Corinne Torrekens, une consultante incontournable.
Corinne Torrekens, une consultante incontournable.© DR

Mais l’antiradicalisme,  » c’est le train dans lequel il faut monter « , observe, goguenard, un expert. Et on y monte. Ainsi, un centre bruxellois spécialisé en thérapies de couple et emprise sectaire a flairé le bon filon : il propose un cycle de 30 dates émaillé de conférences convoquant de hautes figures de la mythologie et de la tragédie grecques. Le prix est modeste : 50 euros pour cinq soirées. Plus ambitieuse, une formation du personnel des Maisons de justice (Fédération Wallonie-Bruxelles) est facturée 23 000 euros (TVA comprise) par Hadelin Feront et Corinne Torrekens : vingt journées pour conscientiser les intervenants de première ligne à la  » radicalisation violente « .

Le premier est médiateur social à Bravvo (Ville de Bruxelles) ; la seconde qui, en 2005, présentait Molenbeek comme  » un modèle à suivre « ,  » l’avant-garde bruxelloise de la gestion de la diversité religieuse  » (Les Cahiers de la Fonderie, n°33, pages 62-66), est omniprésente dans le dossier. A la rentrée, Corinne Torrekens donnera trente heures de cours à L’ULB sur l’islam et l’Europe en sciences sociales et du travail. Au cabinet du ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), Rudy Demotte (PS), elle n’est pas conseillère, précise-t-elle, mais  » exerce une mission de consultance à mi-temps en tant qu’expert indépendant au sein du « Réseau antiradicalisme » de la FWB « . A travers DiverCity Advisory, elle dispense aussi des formations payantes qui font l’objet d’appels à projet et de marchés publics. Une spin off bénie des dieux.

Avec un capital de 20 000 euros, elle a bénéficié d’une bourse d’incubation du programme Spin off in Brussels d’Innoviris (Région de Bruxelles-Capitale), du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014,  » ce qui a donné naissance, explique sa gérante, à la première spin off en sciences politiques et sociales de l’ULB dont l’objectif est de promouvoir et de stimuler la diversité dans tous ses aspects, mais en privilégiant une approche scientifique, unique en son genre « . Ses fondateurs, outre elle-même (à travers Epona Consulting), sont les Pr Andrea Rea et Dirk Jacobs, ainsi que Younous Lamghari, qui n’en fait plus partie depuis le 1er janvier dernier, ayant décroché un job de  » manager de la diversité  » au service public régional de Bruxelles. L’ambassade américaine a même donné à Divercity un coup de pouce (sous la forme de billets d’avion) pour coorganiser un colloque sur l’ancrage de l’islam en Europe et aux Etats-Unis, à Bruxelles, avec la participation d’universitaires américains.

L’un des modules de la formation proposée dans les Maisons de justice se donne pour objectif de  » déconstruire la réalité complexe de la présence de l’islam en Belgique et en Europe en favorisant l’échange respectueux et de comprendre en quoi et comment les groupes djihadistes radicaux sont en rupture avec l’islam tel qu’il est pratiqué de manière majoritaire « . Pas de vagues… A la Fédération Wallonie-Bruxelles, la définition de la  » radicalisation violente « , disponible sur son site ( » Démocratie ou barbarie « ) est en équilibre entre la dénonciation du terrorisme et la peur de stigmatiser une religion ou de censurer des  » volontés de rupture avec l’ordre existant  » qui n’incitent pas à la violence. Les Frères musulmans et les salafistes quiétistes, pourtant très actifs à Bruxelles et rangés dans les groupes  » à suivre  » par le ministre de l’Intérieur, sont hors champ. Mais, avec sa majorité PS-CDH, le gouvernement Demotte veut tout de même  » apporter des réponses durables aux causes de fond de la radicalisation tout en veillant à ne créer aucun amalgame et ce, dans le respect des valeurs fondamentales du vivre ensemble « .

Episode  » Djihad  » et suivants

Cette difficulté à dire le radicalisme se retrouve partout, que ce soit dans les sciences humaines et sociales, les universités, les associations et, bien sûr, le monde politique.  » Tout le monde tâtonne. Personne n’a la recette magique « , avouent de nombreux professionnels. D’où le caractère houleux, souvent désordonné, de beaucoup d’initiatives. On se souvient du pataquès de la pièce Djihad, soutenue par la Région de Bruxelles-Capitale, laquelle voulait donner 275 000 euros à Ismaël Saidi, son auteur, et aux islamologues Michaël Privot et Rachid Benzine pour réaliser un programme éducatif dépassant le sens littéral de l’islam et montrant sa compatibilité avec la démocratie et les droits de l’homme. Un camouflet pour les associatifs sans le sou et un crime de lèse-charia pour des coréligionnaires, qui proférèrent des menaces de mort. Le projet fut abandonné, mais pas Ismaël Saidi ni son asbl AviScène.

Rachid Madrane, Jean-Claude Marcourt, Rudy Demotte (PS): tous, ils veulent s'occuper d'islam.
Rachid Madrane, Jean-Claude Marcourt, Rudy Demotte (PS): tous, ils veulent s’occuper d’islam.© Bert Van Den Broucke/Photo News

Comme l’a révélé Le Vif/L’Express du 29 juillet dernier, Ismaël Saidi a entraîné en Andalousie une trentaine de jeunes musulmans et juifs pour les aider à  » déconstruire les stéréotypes « . Coup de pouce des autorités bruxelloises : 47 200 euros. Aide de l’ambassade des Etats-Unis : 33 000 euros.  » Le Département d’Etat offre des bourses à des organisations de la société civile à travers le monde, explique le porte-parole de l’ambassade au Vif/L’Express, afin de contribuer à promouvoir la compréhension mutuelle dans des domaines tels que l’éducation, les arts, le journalisme, les sciences, les droits de l’homme, la gouvernance, et d’autres encore. Nos liens étroits avec le gouvernement belge et la société civile à tous niveaux nous permettent de supporter de nombreuses initiatives avec ces partenaires.  »

Sacro-sainte autonomie communale

Au chapitre des essais et erreurs, il faut sans doute aussi ranger l’odyssée du chercheur palestino-flamand, Montasser Alde’emeh, et de Géraldine Henneghien. Après avoir passé quelques semaines en Syrie, en 2014, auprès d’Anversois du Front Al-Nosra (Al-Qaeda), Montasser s’est pris les pieds dans le tapis en voulant créer – sans subsides – un centre de déradicalisation à Molenbeek-Saint-Jean. Il est en délicatesse avec la justice pour une fausse attestation de fréquentation de son centre par un  » repenti « . Et il vient d’avouer qu’il avait bossé pour la Sûreté de l’Etat, ce qui le grille aux yeux de son public cible. Fondatrice, fin 2013, de l’association  » Les Parents concernés « , Géraldine Henneghien, elle, a été inculpée pour  » financement du terrorisme et recrutement  » après avoir donné de l’argent à une jeune femme se présentant comme la fiancée de son fils, mort, depuis, en Syrie. Elle était invitée dans les écoles pour dégoûter les jeunes du djihadisme en dénonçant l’inaction de la police.

Pas étonnant que, face à l’ampleur du radicalisme, les autorités tentent de reprendre la main. En 2015, la Région de Bruxelles-Capitale a créé Bruxelles-Prévention&Sécurité, un organisme d’intérêt public dont la mise en route est laborieuse. Certaines grosses communes (Bruxelles-Ville, Molenbeek, Anderlecht, Schaerbeek, Saint-Gilles) ont déjà leur propre programme  » radicalisme  » et s’y tiennent. Ce n’est pas une spécificité bruxelloise. A Liège, avec les fonds Jambon, on a fait appel à une spécialiste de la délinquance juvénile de l’ULg. La Région bruxelloise a choisi l’asbl Dakira, formée principalement de jeunes femmes d’origine maghrébine atterrées par les attentats du 11-Septembre, pour un triptyque  » formation des intervenants sociaux et éducatifs, public des 12-25 ans et rencontres-débats tout public « . Seule la présidente de l’asbl, Myriem Amrani, conseillère communale PS à Saint-Gilles et coordinatrice des programmes de cohésion sociale dans cette commune depuis dix ans, est détachée à mi-temps pour ce faire, avec bientôt le renfort de deux ACS (agents contractuels subventionnés). Sa partenaire à l’ULB est le Pr Firouzeh Nahavandi, spécialiste de l’islamisme et de l’Iran.  » Nous avions été alarmées par la montée des discours rétrogrades et nous voulons parvenir à un vivre ensemble, expose Myriem Amrani, en mettant en évidence l’histoire de la Belgique, comment elle a acquis ses libertés, sa laïcité, en abordant beaucoup la question des identités métissées et en replaçant ces enjeux dans un contexte international.  » Réfléchir collectivement pour agir ensemble,  » non en tant que musulmans mais comme des citoyens belges « .

Myriem Amrani, de Saint-Gilles,
Myriem Amrani, de Saint-Gilles, « alarmée par la montée des discours rétrogrades ».© Maghreb TV

Avec ses compétences  » personnalisables  » (enseignement, culture, sport, aide à la jeunesse, Maisons de justice), la Fédération Wallonie-Bruxelles est très sollicitée. Deux ministres sont aux manettes : les socialistes Rachid Madrane (Maisons de justice) et Rudy Demotte (ministre-président). L’enseignement dispose d' » équipes mobiles  » intervenant dans les écoles et qui peuvent faire appel à un référent  » radicalisme « . Le reste est en chantier.  » Après l’attaque contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes à Paris, la Fédération a mis en place un réseau antiradicalisme comprenant des membres des cabinets ministériels, de l’administration, de la société civile et des universités « , rappelle un directeur général-adjoint au secrétariat général de la FWB, volontairement discret sur son nom.  » En janvier dernier, le gouvernement a renforcé les moyens de ce réseau. Il a ainsi décidé de créer deux bras opérationnels.  »

Le plus important (17 équivalents temps plein), rattaché aux Maisons de justice dont Rachid Madrane a la tutelle, est un service d’aide aux personnes confrontées à un problème de radicalisation violente. Dépendant de Rudy Demotte, le centre d’appui aux institutions de la Fédération Wallonie-Bruxelles permettra l’engagement de trois personnes.  » Il y aura aussi une formation pour nos intervenants de première ligne et des travaux de recherche sur les parcours de radicalisation violente « , complète le directeur général-adjoint. Le tout, éclairé par un comité scientifique présidé par l’inévitable Corinne Torrekens. Le centre d’aide et de prise en charge des personnes (le mot radicalisme n’apparaît pas dans l’intitulé) revendique beaucoup d' » humilité « , notamment pour la partie la plus délicate de son travail : les  » parcours de désengagement  » des personnes sous contrainte judiciaire pour des raisons en lien avec le terrorisme.  » On manque cruellement d’études sur les trajectoires de personnes désengagées « , reconnaît la responsable de ce nouveau service. C’est à la Maison de justice de Bruxelles que Fatima Aberkan, condamnée à quinze ans de prison pour recrutement terroriste et libérée conditionnellement, doit être  » prise en charge « . Le procureur fédéral, Frédéric Van Leeuw, a demandé, à la VRT, un meilleur suivi des suspects de terrorisme.  » C’est une tâche pour les Communautés qui sont en charge des matières « personnalisables », mais c’est aussi une tâche pour tout un chacun « , a-t-il déclaré.

Le  » dispositif  » de l’ex-Communauté française n’échappe pas au risque de chevauchement mais, nous assure-t-on, il y aura un seul accueil téléphonique ! Le coût total est estimé à 1 662 000 euros par an.

Les universités en compétition

Mère d'un jeune djihadiste mort en Syrie, Géraldine Henneghien soupçonnée de lui avoir donné de l'argent.
Mère d’un jeune djihadiste mort en Syrie, Géraldine Henneghien soupçonnée de lui avoir donné de l’argent.© Sander De Wilde/Imagedesk

Les universités francophones sont, elles aussi, dans les starting-blocks. L’UCL se détache avec le Centre interdisciplinaire d’études de l’islam dans le monde (Cismoc) fondé par le Pr Felice Dassetto et Brigitte Maréchal. L’ULB dispose du Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité (Cierl) du Pr Jean-Philippe Schreiber, dont le site Orela publie chaque année un état des lieux belge. L’ULg s’ébroue avec les projets du Pr Marco Martiniello et du criminologue Michaël Dantinne, par ailleurs, expert  » radicalisation  » de la commission d’enquête parlementaire. En octobre, ce dernier inaugurera son centre d’étude du terrorisme et de la radicalisation, plus sécuritaire que les entités précédentes, avec un colloque sur la psychologie du kamikaze, établissant un parallèle entre les terroristes et les tueurs de masse.

Deux ministres sont aux manettes : les socialistes Rachid Madrane et Rudy Demotte »

Et comme il n’y a pas de repos pour les braves, le Cismoc organisait cet été sa Summer School à Louvain-la-Neuve,  » Islams et mondes contemporains : une approche interdisciplinaire d’enjeux complexes « . La cible : les profs, le secteur associatif, les institutions publiques, les médias. Minerval : 180 euros. Quant à l’ULB et l’ULg, elles dégainent, en octobre, leur certificat interuniversitaire en  » Islam et musulmans d’Europe : perspectives historiques et défis contemporains « . Minerval via l’employeur (1 395 euros), à titre personnel (1 095 euros) et pour les demandeurs d’emploi/étudiants (500 euros). Dans ce paysage bouillonnant, l’Observatoire des relations administratives entre les cultes (Oracle) de Jean-François Husson mérite une mention spéciale, son expertise étant reconnue depuis 2003.

En tant que ministre wallon de l’Enseignement supérieur et des médias, Jean-Claude Marcourt (PS) ne pouvait pas rester au balcon. Notons qu’il avait eu le nez creux en lançant, en 2013, une réflexion sur l' » islam de Belgique « . A son cabinet, Edouard Delruelle, ancien directeur-adjoint du Centre pour l’égalité des chances, jette les bases du futur Institut de promotion des études de l’islam.  » A la suite de la commission sur la formation des cadres musulmans et les émissions concédées présidée par Françoise Tulkens et Andre Rea, expose-t-il, on s’est aperçu qu’il manquait quelque chose pour la formation des cadres musulmans, en particulier les conseillers islamiques dont le rôle dans les prisons est extrêmement important. Il y a aussi la question des émissions concédées. L’islam y a droit. C’est un enjeu important. Et, à terme, une faculté de théologie musulmane…  » Pour mener à bien cette politique ambitieuse, sous-tendue par le discours très républicain de Marcourt, au moins 400 000 euros vont être dégagés à partir de 2016, de façon récurrente. Une partie sera redistribuée aux centres universitaires déjà présents sur le marché. Qui pour le diriger ? Le milieu bruit d’une rumeur : Corinne Torrekens…  » Elle a le bon profil, sourit Edouard Delruelle, mais il y a d’autres noms : Radouane Attiya, Michaël Privot…  »

Quant à la déradicalisation dans les prisons, elle est du ressort du fédéral. Un programme a été mis sur pied par la Direction générale des établissements pénitentiaires. Du lourd : Erwan Dieu (criminologue français), Samir Amghar (spécialiste du salafisme), Alain Grignard (islamologue), un membre de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (Ocam), de la Police fédérale…

Face au foisonnement de ces initiatives, le vocabulaire officiel traduit un certain flottement :  » dispositif « ,  » réseau « ,  » plateforme « ,  » approche de chaîne « , etc. Au sommet de l’échafaudage figure le Conseil national de sécurité (CNS), dont le plan d’action radicalisme (salafisme, extrême droite, extrême gauche, Asie Mineure, Caucase du Nord) est coordonné par la taskforce nationale, sous la présidence de l’Ocam.

En tournée, la pièce Djihad d'Ismaël Saidi : le faux départ de la campagne de déradicalisation bruxelloise.
En tournée, la pièce Djihad d’Ismaël Saidi : le faux départ de la campagne de déradicalisation bruxelloise. © Miguel Medina/Belgaimage

Son directeur, Paul Van Tigchelt, veut cependant y croire :  » Il est évident que le nombre de services associés est important mais ceci ne doit pas nécessairement constituer un obstacle, écrit-il dans une plaquette de présentation. Au contraire, cette large implication peut constituer la richesse de la nouvelle approche si, et voilà la condition sine qua non, tout le monde est sur la même longueur d’onde. En d’autres mots, si tous les acteurs concernés collaborent en bonne intelligence suivant la même vision et chapeautée par la même gestion.  » En deux mot, s’il y a un pilote dans l’avion.

Lexique

Les définitions empiriques de la Sûreté de l’Etat :

Radicalisme : « Recherche d’un ordre différent (par rapport à l’ordre principal) d’inspiration politique, économique et religieuse. Légal puisque, dans une démocratie, la liberté d’expression est inscrite dans la Constitution. Ouverture au compromis. »

Extrémisme :  » Disposition à tolérer l’usage de la violence par autrui sans avoir personnellement recours à la violence. Un extrémiste peut cependant inciter à la violence. »

Terrorisme : « Extrémisme violent. Il recherche un ordre différent, en privilégiant un mode de violence axé sur la dislocation de la société, en répandant la peur et en alimentant la polarisation de la société. »

Les enjeux idéologiques

Le roi Mohammed VI du Maroc est-il le chef de file des « déradicalisateurs » belges ? En s’adressant à la diaspora marocaine (5 millions de personnes), qui a fourni quelques individus tristement célèbres, il n’utilise pas des périphrases. Du haut de sa qualité de Commandeur des Croyants, il parle de l’islam. Il parle de djihad. Il enrage contre ceux qui espèrent être payés de houris – les vierges du paradis – en se faisant exploser parmi les hommes. Et appelle à former un front commun contre le fanatisme. La rudesse de son discours contraste avec les circonvolutions respectueuses qui voudraient maintenir le mythe d’un islam non problématique. En France, on connaît la dispute opposant le philosophe Olivier Roy, qui attribue au nihilisme et à un effet générationnel ce qu’il appelle l’ « islamisation de la radicalité », et l’islamologue Gilles Kepel, qui prend au sérieux le programme suprémaciste des djihadistes. Un autre Français, François Burgat, est d’avis, lui, que le terrorisme est la conséquence de la colonisation et de la géopolitique du Moyen-Orient.

En Belgique, on n’a pas de pareilles têtes d’affiche mais les clivages sont grosso modo les mêmes. Il y a ceux, pas les plus nombreux ni les mieux en cour, qui décrivent l’idéologie islamiste et ses organisations à la manière d’une note de renseignement dénuée de sentiments. Il y a l’école frémissante des « causes profondes » : elle attribue le terrorisme aux injustices sociales, à la question palestinienne, à l' »islamophobie », à un regard de travers. Elle est très bien achalandée car elle coïncide avec la « sociologie bruxelloise » labourée depuis une vingtaine d’années par Tariq Ramadan et ses émules. Une sous-catégorie de cette école soutient la « diversité » et le « droit à la différence » menant aux accommodements raisonnables. Viennent les universalistes, chantres du « socle de valeurs communes », qui, fidèles aux Lumières, veulent renforcer l’arsenal législatif. Enfin, les identitaires opposent leurs propres racines, leur propre culture, aux prétentions du camp d’en face.

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