Yves Desmet

Quand Di Rupo s’exprime

Lors d’une conférence de presse à Liège, le Premier ministre a exprimé toute sa compassion pour les victimes d’un bain de sang dû à un aliéné mental. Ce qui est curieux, c’est qu’il a d’abord pris la parole en néerlandais. Mais était-ce nécessaire ?

Il est vrai que sa connaissance du néerlandais est un point sensible au Nord. Et pas seulement dans les rangs des extrémistes flamingants. Pratiquement tous les Flamands s’en réjouissent sincèrement si des ministres originaires du sud du royaume savent parler convenablement la langue de la majorité de la population belge. Comme nous trouvons normal que nos politiques flamands appelés à occuper les plus hauts postes au sommet de l’Etat soient aptes à s’adresser en un français décent à leurs compatriotes formant la minorité du pays. Il en fut toujours ainsi : les cinq derniers Premiers ministres flamands étaient capables de se débrouiller plus qu’honorablement en français. Il est donc logique que des efforts semblables soient également consentis en sens inverse.
Une prononciation et une maîtrise parfaites de tout le vocabulaire ne sont même pas exigées. L’anglais de Jean-Luc Dehaene était approximatif, mais il se donnait de la peine pour le parler. Il n’en faut pas davantage. Il s’agit avant toute chose de témoigner du respect vis-à-vis d’autrui. Une large majorité de l’opinion publique en Flandre est toute disposée à s’en satisfaire. Une minorité seulement s’en prend à la connaissance défaillante d’Elio Di Rupo en néerlandais avec des arrière-pensées politiques.
Or Di Rupo semble croire qu’il devra surtout rendre des comptes dans le domaine de la langue. Rien que cette idée le crispe un peu. Or aucun Flamand, même pas le plus enragé des membres du Vlaams Belang, n’en aurait voulu au Premier ministre si, dans un moment de vive émotion, il avait réagi d’abord dans la langue officielle de la Région, dans une ville qui venait de vivre un profond déchirement existentiel. Nulle personne sensée n’aurait eu rien à y redire s’il s’était exprimé exclusivement en français. Les grands chagrins et les manifestations de sympathie se traduisent le mieux dans la langue d’origine d’un locuteur et dans la langue du lieu où une catastrophe vient de surgir, pas dans la langue liée à la fonction qu’on assume.

Yves Desmet Editorialiste au Morgen

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