Olivier Mouton

Quand Di Rupo et sa majorité déchirée font le jeu de la N-VA

Olivier Mouton Journaliste

Fini la belle harmonie. La majorité fédérale se divise au grand jour en cette fin de législature. Enjeu? La conquête de la classe moyenne en vue du scrutin de mai 2014. Tout profit pour les nationalistes flamands.

« Rien ne va plus. » Le titre, aujourd’hui, de l’éditorial du quotidien flamand De Standaard illustre à quel point la majorité fédérale emmenée par Elio Di Rupo s’enlise désormais dans les postures préélectorales. A près de cinq mois de la « mère de toutes les élections » du 25 mai 2014, les six partis au pouvoir se déchirent à tout-va, au risque de donner de la substance au discours nationaliste selon lequel la Belgique n’a décidément pas de cap clair sur le plan socio-économique.

La preuve par A + B? Les négociations au sujet de la réforme bancaire du ministre des Finances, Koen Geens (CD&V), s’éternisent, les positions de chaque famille politique empêchant l’accouchement d’un texte ambitieux limitant leurs activités spéculatives. Du côté flamand, CD&V et Open VLD sont à couteaux tirés sur la question de la transparence de l’épargne. Le plan alcool voulu par la ministre de la Santé, Laurette Onkelinx (PS,) n’a pu être adopté en raison des réticences libérales, MR et Open VLD défendant l’Horeca et l’industrie brassicole. Le plan climat, pour répondre aux exigences européenne de réduction de C02, n’a pu voir le jour par défaut d’entente entre le fédéral et les Régions, en raison de leurs majorités politiquement asymétriques.

Comme si cela ne suffisait pas, PS et MR s’affrontent désormais ouvertement à coups de slogans préélectoraux au sujet d’une future réforme fiscale. Ce week-end, les réformateurs francophones ont détaillé leur projet : taux zéro d’imposition jusqu’à 13 000 euros, réduction du nombre de tranches d’impôts et de l’impôt sur les société… Coût, selon eux: 5 milliards d’euros, partiellement composés par « l’effet retour ». Le PS, appuyé par le CDH, Ecolo (l’Olivier wallon et bruxellois, en somme) et la FGTB, a clamé son indignation. Il s’est même fendu d’une affiche de campagne sur les réseaux sociaux: « 3 X NON au projet de réforme fiscale du MR » qui « menace nos écoles, nos hôpitaux et nos soins de santé ». Parce que selon les socialistes, son coût s’élèverait non à 5, mais à 20 milliards d’euros. Réponse immédiate du berger MR à la bergère socialiste: « Le PS lâche les classes moyennes ».

La campagne électorale a commencé tambour battant avec pour enjeu symbolique cette fameuse « classe moyenne » malmenée par la crise économique. En début de semaine, à l’occasion des discussions budgétaires, la N-VA avait scandé: « La classe moyenne flamande paie la facture. » Selon le député nationaliste Steven Vandeput: « Pour chaque euro de réduction du déficit structurel, le gouvernement Di Rupo a besoin de 3 euros d’impôts nouveaux. C’est le bilan de la politique de Di Rupo I. »

En se déchirant, la majorité fédérale donne du grain à moudre aux nationalistes flamands, qui ne cessent de dénoncer son manque de ligne claire sur le plan socio-économique. Elle rompt avec la ligne de conduite du Premier ministre: travailler jusqu’au dernier souffle de la législature et défendre coûte que coûte le bilan gouvernemental, cette « recette belge » qui a remis le pays sur les rails.

Pour les six partis au pouvoir, c’est la quadrature du cercle. Soit ils s’accrochent à l’action gouvernementale et donnent l’impression d’un bloc monolithique, sans couleurs, qui porte sur son dos toute la gestion de la crise. Soit ils tentent de reprendre leur liberté pour marquer leur différence et donnent l’impression d’une fin de législature chaotique.

Du pain bénit pour la N-VA, qui en sortira gagnante à tous les coups.
Ce n’est sans doute pas pour rien que certains, en Flandre, tentent de la démasquer. L’éditorialiste Paul Goossens a provoqué un vrai débat en affirmant qu’elle n’était plus « un parti populaire mais le parti des CEO ». Ico Maly, auteur d’un livre consacré à l’idéologie politique de la N-VA, parle lui de « nationalisme néolibéral ».

Dans cinq mois, la classe moyenne aura la lourde tâche de se prononcer, au Nord et au Sud. Pour la continuité, avec un Di Rupo II en ligne de mire. Ou pour une majorité idéologiquement plus cohérente, à droite toute, qui devrait composer avec le risque d’une aventure nationaliste.

C’est peu dire que la Belgique se trouvera à nouveau à un tournant de son histoire tourmentée.

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