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Quand deux barons belges sont victimes de truands

La même année 1978, deux hommes d’affaires belges sont enlevés, l’un à Paris, l’autre à Anvers. Seul un des deux en réchappera.

Symbole du capitalisme triomphant des années 1970, le baron belge Edouard-Jean Empain quitte son domicile parisien de l’avenue Foch le 23 janvier 1978 à 11 heures. A 100 mètres, un vélomoteur bloque le passage de sa Peugeot 604. Des hommes armés neutralisent le chauffeur, enlèvent le baron et l’emmènent vers une destination inconnue.

Dès le premier jour, ils l’amputent d’une phalange, qu’ils envoient à la famille avec une demande de rançon. Humilié, affamé, Empain croupit, chaîne au cou, dans une maison abandonnée. Qui sont ses ravisseurs ? Différentes hypothèses sont évoquées : groupe d’extrême gauche, dettes de poker, sa vie sentimentale…

La remise de la rançon s’apparente à un interminable jeu de pistes qui mène de gares en cafés, en passant par Megève et Bruxelles. L’histoire finit le long d’une voie rapide au sud de Paris : un des ravisseurs est abattu, l’autre interpellé. Le baron est finalement libéré le 24 mars 1978. Après plusieurs mois d’enquête, huit ravisseurs sont arrêtés. Ils seront condamnés à des peines allant jusqu’à vingt ans de réclusion.

Quelques semaines après Edouard-Jean Empain, le 7 mars 1978, un autre baron est enlevé : l’homme d’affaires Charles-Victor Bracht. Après avoir quitté en Jaguar son château de Schoten, il se gare vers 9 h 30 dans un parking privé près du Meir à Anvers. C’est alors qu’on perd sa trace. La police découvre quelques gouttes de sang et des cheveux à côté de la voiture. Une demande de rançon parvient à la famille, qui demande des preuves que le baron est encore en vie. Elle ne recevra en retour que sa montre et les clés de voiture. Mauvais présage encore lorsque, le 2 avril, la Gazet van Antwerpen reçoit un coup de fil anonyme : « Le baron Bracht est mort et il faut avertir la police », transmet l’interlocuteur dans un mauvais anglais. Le 8 avril, Théo Bracht, le fils, demande via la RTB et la BRT à un certain « D » de reprendre contact. Le lendemain, il reçoit un appel l’invitant à se rendre à Oelegem, sous un pont d’autoroute. Un message caché sous une pierre conduit jusqu’au corps du baron, caché sous un tas d’immondices. L’autopsie révélera que sa mort remonte à la date de son enlèvement…

Grâce à un appel à témoins, la police met la main sur Marcel Van Tongelen, un électricien d’Aarschot qui se faisait appeler « Dexter » dans sa jeunesse. Il reconnaît le meurtre quatre jours plus tard. Il sera condamné à mort en 1980.

Par François Janne d’othée

Cet article est paru dans sa version papier le 4 février 2011.

En 2008,le baron Empain raconte une vie coupée en deux

Comment s’est passée votre libération ?

Edouard-Jean Empain : Ils m’avaient emmené, comme d’habitude, dans un coffre de voiture, on a roulé une petite demi-heure, puis ils m’ont dit : « Tu peux descendre. » J’étais à Paris, porte d’Ivry, un endroit que je ne connaissais pas. J’avais, en plus, des troubles de la vision. Ils m’avaient laissé un billet de 10 francs français. J’ai pris le premier métro. Je suis descendu à la station Opéra : là, je savais où j’étais. J’ai téléphoné à la maison. Je suis tombé sur un policier et on est venu me chercher.

Quel souvenir gardez-vous de votre séquestration ?

Le souvenir le plus difficile n’est pas lié à la faim, ni au froid, ni même à la peur, qui furent mon quotidien durant deux mois. Non, c’est plutôt de m’apercevoir que la nature humaine n’est pas si belle que ça. Ma disparition avait réjoui certains et rendu indifférents beaucoup d’autres, y compris des proches. En moins de deux mois, sans qu’on retrouve mon corps, on m’avait déjà enterré. On a même vendu ma voiture personnelle pendant ma captivité !

Comment l’expliquer ?

Disons que mon retour n’était pas programmé. J’occupais un poste au sein de l’industrie française qui pouvait gêner certains. J’étais le principal décideur du nucléaire français : on construisait des centrales, on était en situation de monopole… J’étais atypique, je ne sortais pas de l’ENA ni de Polytechnique et, en outre, j’étais belge. Je gênais les pouvoirs publics, en même temps que la plupart de mes collaborateurs. Quant à ma famille, elle était davantage intéressée par mon héritage.

Faut-il y voir un lien avec votre enlèvement ? Ce rapt garde sa part d’ombre…

Que tout n’ait pas été fait pour me faire revenir, j’en suis certain. Mais, au départ, les raisons étaient purement crapuleuses. Même s’ils n’étaient pas responsables de l’enlèvement, certains ont sauté sur l’aubaine…

Que sont devenus les ravisseurs ?

Ils ont été libérés après dix ans. J’en ai revu deux. Les rapports étaient inversés. Quand j’étais sous leur emprise, ils me bousculaient, me tutoyaient. Quand je les ai revus, c’était « Monsieur le baron » et c’était moi qui les tutoyais. Un autre est même venu me demander du travail. Là, il poussait le bouchon un peu loin ( rires).

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