Bart De Wever © Belga

Quand Bart De Wever « envoie publiquement un journaliste au bûcher »

Le président de la N-VA Bart De Wever a attaqué mardi le quotidien De Standaard dans une carte blanche publiée sur le site internet de son parti à la suite d’une analyse portant sur un différend relatif à la sécurisation du palais de Justice d’Anvers.

Pour le secrétaire national de l’association flamande des journalistes Pol Deltour, une telle attaque est scandaleuse. Elle revient à « précipiter un journal dans le précipice et flinguer personnellement un journaliste », a-t-il réagi.

A l’origine de l’ire du président de la N-VA, le journaliste du Standaard Bart Brinckman a proposé une analyse du différend opposant le bourgmestre d’Anvers Bart De Wever au ministre de la Justice Koen Geens après l’évasion il y a quelques jours de deux détenus lors de leur comparution devant la chambre des mises en accusation. Les deux protagonistes se sont renvoyés la balle des responsabilités de la sécurisation du palais de Justice d’Anvers.

Dans cette analyse, le journaliste estimait que les deux éminences avaient partiellement raison. En guise de conclusion, il glissait que « certains observateurs pensent que le bourgmestre a voulu semer le trouble au niveau local » mais que « par hasard, l’affaire a rebondi dans l’actualité nationale ». Dans la foulée, il relatait aussi certaines spéculations sur « le rôle du commissaire en chef de police Serge Muyters, désireux de voir ses équipes déchargées des tâches non policières ». Enfin, le journaliste constatait qu' »en dépit de sa sortie, Bart De Wever n’avait pas trouvé le temps cette semaine pour un entretien avec Koen Geens ».

L’analyse n’a pas plu au président de la N-VA qui a réagi dans une missive au picrate. « Celui qui lit l’ancien journal de qualité De Standaard – ce que malheureusement je ne peux plus recommander à quiconque – aura constaté que le sieur Bart Brinckman de ce journal dispose d’un sauf-conduit lui octroyant le droit de mener une vendetta personnelle contre moi », a-t-il écrit. « J’ai cru longtemps que, mû par la volonté de sauvegarder sa réputation de journal de qualité, la rédaction aurait, à un certain moment, rappelé à l’ordre M. Brinckman. Et cela, d’autant plus que, de façon répétée, la rédaction en chef a dû admettre, en réponse à mes mails, que l’intéressé avait dépassé les bornes. Mais rien ne change, au contraire. Je n’envoie d’ailleurs plus de mails depuis longtemps », a-t-il poursuivi, estimant de pure folie l’analyse selon laquelle il aurait voulu jeter de l’huile sur le feu dans sa réaction à l’affaire du palais de Justice d’Anvers.

Après ce qu’il qualifie de « provocation », le Standaard n’a pas souhaité réagir, préférant « garder la tête froide ». Une telle attitude « a toujours été la nôtre après les attaques de Bart De Wever », a indiqué le rédacteur en chef adjoint Lieven Sioen. Le journal estime cependant « inapproprié » le coup porté à un journaliste de l’équipe, qui continue à bénéficier du soutien de la rédaction.

L’association flamande des journalistes estime pour sa part que Bart De Wever a franchement dépassé les bornes. « Bart Brinckman a écrit un papier équilibré », a réagi Pol Deltour. « Il a par ailleurs une raison de s’en prendre particulièrement à l’analyse du rôle qu’a joué Bart De Wever dans cette affaire. Le président de la N-VA s’en était lui-même pris de façon virulente au ministre de la Justice Koen Geens, tentant de la sorte de s’en sortir avec une image flatteuse. Il s’est donné beaucoup de mal au départ de cet incident. Ce que Brinckman a fait ensuite, c’était repositionner la balance à l’équilibre ».

Pol Deltour estime normal que des responsables politiques réagissent à des articles de journaux. « C’est plutôt sain en démocratie, mais ce que De Wever fait maintenant va plus loin. Il lance une chasse aux sorcières et envoie publiquement un journaliste au bûcher », analyse-t-il.

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