Carl Devos

Qu’allons-nous continuer de faire ensemble, en Belgique ?

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

Aucune élection n’a davantage été montée en épingle que le scrutin de juin 2014. Cette année-ci, de réforme de l’Etat, compte pourtant davantage.

La semaine dernière, la N-VA affirmait que l’idée du séparatisme ne fait pas l’unanimité en Flandre, et qu’elle ne figure donc pas dans son programme électoral. Comme elle n’y figurait pas en 2010. C’est une analyse correcte, puisque les études scientifiques révèlent depuis des années qu’en Flandre, seule une petite minorité souhaite l’indépendance. Renoncer au séparatisme en 2014 est une sage décision, car une exigence aussi irréalisable que celle-là risquerait davantage de repousser les électeurs que de les séduire.

La N-VA entrevoit en revanche une base d’adhésion pour le confédéralisme, le drapeau sous lequel elle se présentera aux législatives en 2014. Le terme confédéralisme figurait aussi dans la première phrase du discours de victoire de Bart De Wever aux communales du 14 octobre dernier. Il n’est cependant pas clair où se situe cette base d’adhésion. Car peu d’électeurs savent ce que cette notion signifie. La N-VA y donne en tout cas une signification propre qui ne répond pas à sa signification universelle, académique : le confédéralisme est un accord de coopération entre États indépendants. Sans indépendance, pas de confédéralisme. Le sens politique qu’y donne la N-VA correspond à la définition du fédéralisme, telle qu’on la trouve dans la littérature. La N-VA veut un démembrement poussé de l’État fédéral et transférer bien davantage de moyens et de compétences aux entités fédérées, mais cette approche s’inscrit toujours dans le cadre d’une construction fédérale.

Le fait que la N-VA qualifie son plaidoyer de confédéral s’explique par la manière dont le confédéralisme est ressenti plutôt que par sa signification intellectuelle. Elle relève donc du marketing politique : cette notion est perçue comme moins révolutionnaire que le séparatisme hors de portée, et plus ambitieux que le fédéralisme. C’est d’emblée la raison pour laquelle le CD&V et l’Open VLD plaident aussi officiellement pour le confédéralisme. Et eux non plus n’utilisent pas ce concept dans sa vraie acception.

Bien que le voile – incorrect – dont ils recouvrent leur vision d’État soit le même, il recouvre des réalités différentes pour chacun des trois partis. Pour la N-VA, sa vision du confédéralisme est une phase intermédiaire sur la voie de l’indépendance de la Flandre, tandis que pour la CD&V et l’Open VLD, le confédéralisme constitue un objectif en soi. Mais ce qui importe, c’est la signification que ces trois partis donnent à cette notion. Or, pour l’heure, cette signification n’est pas claire. C’est pourquoi 2013 peut devenir une année très intéressante. Mieux vaut se détourner du débat concernant les termes « séparatisme, confédéralisme, fédéralisme » pour se concentrer sur les réformes que proposent les partis. Qu’allons-nous continuer de faire ensemble en Belgique ? Qu’allons-nous transférer aux entités fédérées, et auxquelles ? Voilà les questions les plus importantes.

Vu l’expérience de 2010 – la plus longue formation gouvernementale de l’histoire -, il serait bon de bien se préparer afin d’éviter de commettre les mêmes erreurs que celles sur lesquelles nous avons butté alors. De part et d’autre de la frontière linguistique.

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