Carte blanche

Publifin, un mauvais remake de l’affaire des jeux de Spa ?

En 1785, dans la principauté de Liège, un scandale politico-financier éclate dans un contexte déjà très hostile au pouvoir du prince-évêque de l’époque, César-Constantin de Hoensbroeck.

Ce scandale, qui passera à la postérité sous le nom de « l’affaire des jeux de Spa », éclate alors que le pouvoir de l’ancien régime se fissure de toutes parts : des Liégeois contestent l’accaparement des salles de jeux par les partisans du prince-évêque, qui réservait ce privilège à un petit nombre et qui en tirait lui-même des revenus financiers. Quatre ans plus tard, en 1789, presque en même temps que la Révolution française, la Révolution liégeoise renverse l’ancien régime, instaure la démocratie et conduit à l’élaboration d’une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au Congrès de Polleur le 16 septembre 1789.

Pourquoi revenir sur cet événement ? L’affaire des jeux de Spa partage avec le scandale Publifin un élément loin d’être anodin : tous deux sont représentatifs du décalage entre des logiques politiques dépassées et les nouvelles aspirations et exigences démocratiques des populations.

Nous faisons ici appel à la mémoire. Bien sûr, toute situation, processus ou événement est singulier et s’inscrit dans un contexte historique particulier. Mais faire appel à l’histoire et à la mémoire est intéressant pour prendre la mesure des choses, éclairer le présent et rappeler comment, en d’autres temps, des populations ont trouvé une solution à ce qui les révoltait. Comparaison n’est pas raison. Mais ce serait agir en aveugle que de ne pas voir qu’à notre époque, émergent de profondes contestations démocratiques, prêtes à faire vaciller nos institutions. En 1789, ces contestations ont abouti à la chute d’un régime détesté et à la mise en place d’institutions fondées sur la liberté et l’égalité. Depuis décembre 2016, chaque semaine apporte son lot de nouveaux scandales qui tendent à prouver que le système politique en place en province de Liège est en fait, encore plus qu’ailleurs et sous couvert d’un verni électoral et démocratique, une oligarchie clientéliste bien ancrée. Le système est en place depuis plus de 40 ans, et le pouvoir est détenu par un petit groupe de mandataires du PS et du MR, avec la complicité utilitariste de mandataires du PSC-CDH.

Certains qualifieront nos propos de dénonciation purement démagogiques. Ce genre de réactions, qui ne prend pas la mesure de la colère légitime des citoyens, illustre bien l’incapacité qu’ont certains à accepter le changement. Pourtant, l’affaire Publifin donne un message clair : les pratiques politiques d’accaparement du pouvoir, de refus de rendre des comptes sur ses décisions politiques et d’enrichissement personnel trahissent la confiance des citoyen.ne.s envers leurs représentants. Ces pratiques ne sont plus acceptées par la population et il est urgent de rendre les clés du politique aux citoyen.ne.s, véritables détenteurs du pouvoir dans une démocratie qui fonctionne correctement.

Et si, comme l’affaire des jeux de Spa, Publifin devenait une opportunité pour modifier en profondeur notre système politique ? Nous, écologistes, proposons depuis 37 ans de renforcer la participation des citoyens aux décisions politiques pour revitaliser notre démocratie. Nous pensons qu’il faut limiter le cumul des mandats et leur durée dans le temps. Il est également temps de créer un véritable droit d’initiative citoyenne qui permettrait à des citoyens d’obtenir d’une assemblée qu’elle vote sur la proposition qu’ils leur soumettraient, à l’exemple des votations en Suisse. Constituer des assemblées composées de citoyens tirés au sort ou mixtes élus/citoyens en complément des assemblées représentatives composées d’élus nous semble être également une mesure intéressante pour diversifier le profil des responsables politiques et revitaliser la démocratie. Enfin, dans les communes, comme c’est le cas par exemple à Olne, à l’initiative de l’échevin écologiste Dorian Kempeneers, il conviendrait de multiplier la mise en place de budgets citoyens. Sans être exhaustives, ces trois propositions, élaborées en grande partie au cours d’un processus participatif, nous paraissent pouvoir constituer le socle d’un renouveau démocratique fort, permettant une plus grande implication du citoyen dans la vie politique.

À Liège, depuis des siècles, le Perron est le symbole des libertés du peuple et sur la façade de l’hôtel de ville de Verviers est inscrite la devise suivante : « Publicité, sauvegarde du peuple ». Ces deux symboles nous rappellent que la transparence et la publicité des débats politiques sont indispensables au bon exercice des libertés des citoyens. Ces exigences, au coeur même des identités liégeoises, sont des conditions fondamentales pour l’exercice de la démocratie et pour son maintien. Citoyennes et citoyens de notre ardente province, l’heure est venue de rendre à la démocratie liégeoise toute sa puissance. Il nous faut une révolution démocratique en 2018, dans les communes et à la province de Liège.

Matthieu Content, Conseiller provincial Ecolo de Liège

Caroline Saal, conseillère communale Ecolo à Liège

Olivier Bierin, coprésident Ecolo pour l’arrondissement de Liège

Nicolas Parent, conseiller communal Ecolo à Wanze

Julie Chanson, conseillère communale Ecolo à Theux

Jonathan Piron, Etopia Liège

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