Paul Magnette, Ministre-président wallon. © BELGA/John Thys

Publifin: PS et cdH ne ferment plus la porte à une commission d’enquête

Après le président du cdH Benoît Lutgen jeudi soir sur la RTBF, le ministre-président wallon Paul Magnette (PS) n’a lui non plus pas fermé la porte, vendredi matin, à la demande de l’opposition d’organiser une commission d’enquête parlementaire sur le scandale Publifin. MR et Ecolo ont déposé en fin de journée leur proposition commune.

« C’est au parlement d’en débattre, de voir si cela a une vraie utilité », a affirmé M. Magnette sur les ondes de La Première (RTBF). Les administrateurs de Publifin auraient pu faire remonter les abus dévoilés par le scandale Publifin vers les partis, et ces derniers auraient pu les interroger. M. Magnette voit donc dans la demande de l’opposition une diversion tentée par le MR pour « faire du bruit » et dissimuler le Kazakhgate qui le touche au niveau fédéral. « Si c’est juste pour cela, on ne nous aura pas comme ça, mais je ne ferme pas la porte non plus ».

La veille sur le plateau de la RTBF, Benoît Lutgen n’avait lui non plus pas fermé la porte à l’idée d’une commission d’enquête.

Vendredi, L’Echo chiffrait à 300 millions d’euros le montant des dividendes qui ont échappé aux communes liégeoises et à la province pour permettre à Nethys (Publifin) d’éponger de 2009 à 2015 la plupart des pertes de Voo, son activité de télécom et télévision.

La structure du système Nethys-Publifin permet en effet de compenser certains secteurs déficitaires par d’autres bénéficiaires, en l’occurrence ici les activités de gestionnaire des réseaux de distribution de gaz et d’électricité assurées par Resa. Au final, Resa n’a versé que 42% de ses profits nets à son actionnaire direct Nethys, le reste alimentant les activités déficitaires.

Réagissant à ces chiffres, Ecolo a répété sa demande: « nous ne comprendrions pas que, suite aux nouvelles informations diffusées ce matin, le PS et le cdH continuent à refuser l’installation d’une commission d’enquête. »

Jeudi au parlement wallon, le chef de groupe MR Pierre-Yves Jeholet avait demandé s’il était normal que les activités de distribution de gaz et d’électricité financent d’autres activités concurrentielles, au risque que le gaz et l’électricité soient plus coûteux pour le citoyen liégeois.

Commission d’enquête

Vendredi, le président du MR Olivier Chastel a fait de la mise en place d’une commission d’enquête « un préalable » à toute discussion sur des réformes en matière de bonne gouvernance, un sujet sur lequel la coalition PS-cdH voudrait associer l’opposition, mais qu’elle est prête à mener seule en cas de refus.

« Il s’agira aussi d’identifier les responsabilités, notamment politiques », ajoute M. Chastel, dans un communiqué. « Le MR est prêt à balayer devant sa porte », assure-t-il.

Absent du pouvoir à la Région depuis 2004, le MR aurait moins à perdre que le PS et le cdH à un grand déballage. Il a par ailleurs accepté la commission Kazakhgate au fédéral.

Pour une commission Publifin, « tant Benoît Lutgen que Paul Magnette ont fait preuve d’une relative ouverture à ce sujet », note Olivier Chastel. « A moins que certains n’aient des choses à cacher, elle devrait donc recevoir l’assentiment du Parlement wallon. »

C’est Ecolo qui avait avancé le premier la demande d’une commission d’enquête. Pour Stéphane Hazée (Ecolo), les lignes bougent, bien qu’insuffisamment encore, tant sur les plan de la responsabilité politique que des réformes. La mise à plat des pratiques et la question du remboursement restent des demandes importantes à ses yeux.

Demande commune

Les Verts et le MR ont déposé en fin de journée leur demande commune. Deux textes distincts existaient, mais ils ont été fondus en un seul. Les deux principaux partis d’opposition au parlement wallon continuent donc d’avancer ensemble, après leur motion de méfiance contre le ministre Furlan déposée trois jours avant la démission de celui-ci.

Le texte MR-Ecolo réclame « la mise à plat de l’organisation » de Publifin, ses filiales et sous-filiales et leurs prises de participation, la composition précise de l’ensemble de ses structures, et des flux financiers avec ses actionnaires et leur évolution. Il s’agirait d’évaluer les risques au regard des principes de libre concurrence et en termes de conséquences sur le prix payé par l’usager des réseaux de gaz et d’électricité, et sur les dividendes versés aux associés communaux et provinciaux.

La commission dresserait aussi l’évolution des rémunérations, « y compris les pratiques d’évitement fiscal ». Les décisions et le mode de fonctionnement des organes de Publifin (comités de secteur compris) seraient screenés. La commission décrirait les éventuels « irrégularités et manquements par rapport à la législation et par rapport à l’intérêt général ». Elle constaterait « les éventuels dysfonctionnements, interférences ou conflits d’intérêt entre les différents acteurs publics (cabinets ministériels, administrations, etc.) mais aussi, le cas échéant, avec d’éventuels acteurs privés ».

Au-delà de Publifin, la commission instruirait, si cela s’avère utile au fil de l’analyse, les mécanismes du même ordre dans d’autres structures intercommunales ou régionales de Wallonie.

La tutelle régionale n’échapperait pas à une analyse de ses « éventuels dysfonctionnements », pas plus que la Direction du Contrôle des mandats locaux. La commission dresserait pour ce faire un inventaire complet des rapports des représentants du Gouvernement auprès de Publifin. Les responsabilités politiques et administratives ou autres seraient recherchées.

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