Carte blanche

Publifin-Nethys : une révolte démocrate pour sortir de l’indécence

Tant qu’il n’y aura pas de commission d’enquête au parlement wallon, tant que les responsables du système resteront en place, tant que les communes actionnaires ne se retourneront pas contre Publifin et Nethys en exigeant des démissions, rien ne bougera.

Depuis les révélations de l’affaire Publifin, beaucoup à Liège tentent de temporiser : Nethys représenterait 3.000 emplois dans le bassin liégeois, parler de système de type mafieux abîme l’image de Liège, il faut se garder d’être excessif, car il n’y a pas mort d’homme, et on risque d’abîmer l’outil – comme si nous sabotions des conduites de gaz. Et ceux qui lancent l’alerte seraient inconscients des réalités économiques, ou les complices d’un complot dirigé contre Liège – passons sur le fait que nous sommes tous deux Liégeois.

Et c’est précisément parce que nous sommes mus par l’intérêt des Liégeoises et des Liégeois que nous pointons les pratiques de type mafieuses de Publifin et Nethys. Et c’est précisément parce que nous avons à coeur le développement économique de la ville et de sa région que nous souhaitons contribuer à la réforme de ce système de fond en comble. Plus d’un mois après les premières révélations, malgré le concours de bonnes intentions auquel se livrent les uns et les autres, ni Stéphane Moreau (PS), ni André Gilles (PS), ni Georges Pire (MR) n’envisagent de démissionner des différentes sociétés à capitaux publics qu’ils pilotent. Seule la position du ministre Furlan paraît aujourd’hui difficilement tenable.

Des motions communales exigeant des têtes

Nous le disons avec force : tant qu’il n’y aura pas de commission d’enquête au parlement wallon, tant que les responsables du système resteront en place, tant que les communes actionnaires ne se retourneront pas contre Publifin et Nethys en exigeant des démissions, rien ne bougera : aucune réforme profonde du rôle des intercommunales, ni du mode de rémunération des mandataires publics, ne pourra avoir lieu. Et cela nous est insupportable. Une motion dans ce sens sera déposée par le second signataire de la présente au prochain conseil communal d’Herstal. Puissent beaucoup d’autres communes faire de même.

On nous a reproché de ne pas penser aux quelque 3.000 travailleurs de Nethys. C’est indécent. C’est indécent, parce que cela sous-entend que ces emplois sont le fait de malversations, et que ces malversations sont nécessaires au maintien de l’emploi. C’est une insulte pour tous les travailleurs de Nethys et ses filiales. Et leurs emplois existent non pas grâce à Nethys, mais parce qu’ils remplissent une mission de service public : en premier lieu, la distribution de gaz et d’électricité. Faire croire que Nethys est une réussite « exceptionnelle » est indigne : Nethys assure avant tout une série de services publics (distribution de gaz, d’électricité, de services de télécommunication, etc.), et les bénéfices engrangés le sont avec les redevances payées par les contribuables.

Nethys étouffe l’initiative privée

On nous a reproché de vouloir mettre à mal tout projet industriel public en région liégeoise. Nous disons simplement que les intercommunales n’ont pas pour mission d’investir l’argent des contribuables dans des investissements à risque. Les intercommunales n’ont pas pour vocation de concurrencer le secteur privé. Et Nethys se comporte comme une entreprise 100% privée : c’est un détournement de son objet social, et une privatisation de l’argent public. Et le développement de Nethys s’est souvent fait au détriment de l’initiative privée : depuis une semaine, nous recevons des dizaines de témoignages d’entrepreneurs ou d’acteurs du monde associatif ou économique qui ont été victimes de menaces, de pressions ou d’extorsions parce que leur projet contrariait les intérêts de Nethys.

On nous a reproché de faire le lit du populisme, en accréditant la thèse du « tous pourris ». C’est le monde à l’envers. Et c’est une insulte envers tous les militants socialistes, libéraux, et chrétiens-humanistes qui partagent notre indignation. Ce qui fait le lit du populisme, ce sont précisément les agissements des mandataires de Publifin, et le déni de réalité dans lequel beaucoup – mais de moins en moins, espérons-le – s’enferment aujourd’hui. Ce sont eux qui cassent la démocratie, pas nous.

Pouvoir d’intimidation

Enfin, on nous a reproché d’exagérer en qualifiant le système Publifin de type « mafieux », de tenir des propos non scientifiques, non étayés par des preuves. L’article 416 bis §3 du code pénal italien définit une association de type mafieux comme « une association dont les membres utilisent le pouvoir d’intimidation tiré des liens d’appartenance et l’atmosphère de coercition et de conspiration du silence qui en résultent pour commettre des infractions, pour acquérir le contrôle direct ou indirect d’activités économiques, (…) ou recueillir des bénéfices ou des avantages injustifiés pour eux-mêmes ou pour autrui. » C’est exactement de cela qu’il s’agit. Et c’est cela qui doit cesser. Pour la démocratie, et pour le développement économique du bassin liégeois.

François Gemenne, chercheur en sciences politiques à l’université de Liège et à Sciences Po Paris

Eric Jadot, conseiller communal indépendant à Herstal et ex-parlementaire fédéral Ecolo

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