Christine Laurent

Psychodrame et vaudeville

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

TRÈS SINCÈREMENT, ILS NOUS FATIGUENT. MAUVAISE PIÈCE aux dialogues d’une pauvreté abyssale, acteurs qui surjouent, le tout enrobé d’un climat émotionnel exacerbé avec des « Je suis triste, je suis en colère » qui reviennent en boucle… nos politiques ont fait fort en ce début de semaine pour irriter davantage encore les citoyens.

L’heure est cruciale et les voilà qui nous conduisent à nouveau tout droit dans un cul-de-sac ! Avec Alexander De Croo, c’est vrai, l’Open VLD ose tout. Y compris faire basculer le pays dans l’incertitude une seconde fois. Sans doute a-t-il les yeux fixés sur le raz de marée du libéralisme qui déferle sur l’Europe et qui serait susceptible, croit-il, de lui apporter une nouvelle légitimité. Même pas peur des blocages ! Pour cause, il creuse son seul sillon.

Nos élus devaient-ils pour autant céder à l’escalade verbale, à toutes ces passes d’armes virulentes auxquelles on a pu assister médusés, incrédules, ces derniers jours sur les plateaux de télé ? Elio Di Rupo a- t-il voulu tenter un bras de fer avec les libéraux en claquant la porte et en se réfugiant chez le roi, histoire de faire monter encore la pression ? Ou bien est-il, lui aussi, tout comme le politicien français Jean-Luc Mélenchon, « le gars qui, par définition, marche au bord du toit » ? On n’y comprend goutte.

Certes, on savait le moment délicat. « Les négociations sur le volet socio-économique s’annoncent très périlleuses. Et là, c’est sûr qu’il faudra nous respecter. Il faudra voir la trace des libéraux dans le texte final », avertissait fin septembre déjà (lire notre édition du 29 septembre 2011) dans nos colonnes le député wallon MR Jean-Luc Crucke. Mais qui donc sera capable de concocter la formule magique qui permette d’équilibrer recettes et dépenses, de surmonter les antagonismes Nord/Sud, tout en donnant du sens à l’austérité dans toute cette agitation ? Un gouvernement de technocrates compétents qui maîtrisent leur sujet ? « Des hommes de caractère qui prennent des risques personnels », selon la formule virile de l’économiste prolifique Bruno Colmant que nous avons imaginé en vice-Premier et ministre des Finances dans notre gouvernement-fiction de cette semaine ? Des spécialistes qui, sous la houlette du très expérimenté Philippe Maystadt, mettraient à plat le système en partant d’une feuille blanche ? Des personnalités, subtil mélange de « faucons » et de « colombes », des théoriciens, des hommes de terrain, pour lesquels nous avons taillé des départements ministériels à leur mesure et qui travailleraient au retour obligé à l’orthodoxie budgétaire ?

« Il n’y a pas de problème de qualité du personnel politique en Belgique, mais un problème de groupes de pression. Tout le monde sait qu’il doit faire des efforts mais chaque groupe, dès qu’il est concerné, commence à hurler […] On apprend très jeunes aux gens à se battre pour leurs privilèges ! C’est notre problème. Je ne crois pas qu’un technocrate réussirait mieux », rétorque le Pr Eric De Keuleneer (lire Le Soir du 21 novembre 2011). Hélas, hélas ! Comment rétablir les comptes publics et mettre en musique la rigueur quand on a peur des lobbys et des électeurs ? Et dans le triste spectacle auquel nous avons assisté cette semaine, le plus désagréable fut sans doute ce sentiment confus d’être entraîné dans une campagne électorale qui ne disait pas son nom, avec des responsables qui affichaient clairement leurs animosités réciproques, alors que l’on attendait d’eux davantage de sang-froid et de sens de l’Etat. Ne devront-ils pas bientôt, contraints et forcés, gouverner ensemble ? Affligeant !

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire