Michel Delwiche

Psychodrame chez Ecolo

Michel Delwiche Journaliste

Mais comment l’appareil du parti Ecolo n’a-t-il pas vu venir ce qui s’est passé, et qui laissera des traces? Il était évident que les militants n’allaient pas admettre cet incompréhensible chantage, même si l’intéressée, Isabelle Durant, réfute le mot. Cet épisode terminé, la campagne pour les élections européennes s’annonce bien morne.

Jamais les instances du parti Ecolo n’auraient dû laisser Isabelle Durant aller aussi loin. Son « la première place sinon rien » ne pouvait qu’indisposer les militants qui, sans cela, lui auraient peut-être encore confié la tête de liste pour les prochaines élections européennes, comme il y a cinq ans. Mais sa position extrême a clairement indisposé la base, qui s’est mobilisée pour participer au vote de samedi à Mons et donner sa confiance au challenger Philippe Lamberts.

Aux élections de 2009, Durant avait été élue avec plus de 150.000 voix, et Lamberts élu également -c’était tout de même une surprise- avec 26.430 voix. Il faut se rappeler que c’était l’année du retour en force d’Ecolo qui, avec 22,9% aux européennes, progressait de 13% quand CDH, MR et surtout PS (-7%) reculaient. Retour en force d’ailleurs parallèle à celui effectué aux élections régionales (+10% en Wallonie et +10,5 à Bruxelles).

Le collectif, ou la tête d’affiche

Cette victoire européenne était donc sans doute plus portée par une lame de fond que par les performances des surfeurs individuels, ce qui correspond en fait aux valeurs fondamentales d’Ecolo de privilégier le collectif plutôt que les têtes d’affiche. Même si ce fondamental n’est plus vraiment une règle absolue.
Il y a cinq ans, l’écart entre les deux mêmes n’était que d’une voix à l’avantage d’Isabelle Durant. Cette fois, il est de 55 voix, mais à l’avantage de Philippe Lamberts. En 2009, Isabelle Durant avait pourtant un solide CV à faire valoir: l’infirmière, licenciée en politique économique et sociale, était devenue secrétaire fédérale d’Ecolo de 94 à 99, puis vice-première et ministre de la Mobilité jusqu’en 2003 (et sa retentissante démission suite à son opposition aux routes aériennes au-dessus de Bruxelles), ensuite sénatrice et de nouveau secrétaire fédérale et, depuis 2007, coprésidente avec Jean-Michel Javaux jusqu’à son élection à l’Europe. Face à elle, Philippe Lamberts ne jouissait pas d’une exposition aussi importante, même si son engagement politique était tout aussi ancien. Ingénieur, il a travaillé au sein d’IBM pendant 22 ans (« dans l’économie réelle », précise-t-il) et est devenu conseiller communal à Anderlecht en 94. De 99 à 2003, il a été conseiller pour l’international de… la vice-première Isabelle Durant.

Professionnelle de la politique

Depuis leur élection, tous deux ont accompli un parcours sans faute à l’Europe. Elle comme vice-présidente du Parlement, et lui comme porte-voix d’une aile gauche affirmée, adoptant, dans la crise bancaire, des positions que ne renierait pas Paul Magnette, le président du PS. Philippe Lamberts restera donc sans doute député européen, tandis qu’Isabelle Durant, la personne qui, chez Ecolo, a le plus incarné la professionnalisation de la vie politique, quitte la scène.

Ce sera sans doute le seul élément d’intérêt de la campagne européenne chez nous, qui sera reléguée aux arrière-plans par les élections régionales et fédérales. Les partis auront bien besoin, pour confectionner ces listes-là, de tous leurs ténors, qui ne pourront pas, comme ils en avaient pris l’habitude, se présenter aux deux niveaux, à la Région et à la Chambre. Et pourtant, puisque le Sénat ne sera plus composé d’élus directs, la circonscription européenne (le collège électoral français) est désormais le seul champ commun des francophones, celui sur lequel devraient en découdre les champions pour faire triompher la flamme de leur parti en suscitant l’intérêt de tous. Alors que certains, dont récemment Elio Di Rupo, plaident pour l’établissement d’une circonscription fédérale, au niveau de tout le pays, l’intérêt se cantonnera, en 2014, à une addition de scrutins locaux, au mieux provinciaux.

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