César Botero González

PS: union sacrée, révolte interne ou dissidence régénératrice

César Botero González Militant du PS - Licencié en sciences politiques et science des religions

À la suite des scandales à répétition, nous socialistes voulons améliorer le code éthique du parti et, surtout, qu’il soit respecté. C’est bien, urgent et nécessaire.

Mais l’éthique à elle seule est insuffisante. Il y a un facteur encore plus important : des hommes et des femmes socialistes susceptibles d’incarner et de se battre pour une éthique, une stratégie politique et un projet de société mobilisateur, approuvés démocratiquement par les militants.

Elio Di Rupo nous dit : « la toute grande majorité des élus socialistes […] sont des gens honnêtes qui font leur travail de manière remarquable ». D’autres Grands Propriétaires du parti nous répètent inlassablement la même cantilène.

C’est bien probable, mais si une minorité est coupable par commission une autre l’est par omission. Omission complice tout aussi grave. De cette minorité on parle très peu à l’intérieur du parti.

Ce n’est pas moi qui le dis suivant une interprétation à ma convenance, mais Elio Di Rupo. Voici son aveu :

Dans l’émission « A votre avis » de la RTBF du 30 avril, un journaliste demande à EDR en lui montrant une coupure de presse : en 2013 les médias parlaient du traitement indécent de Stéphane Moreau … pourquoi n’avez pas vous réagit ? Voici la réponse de notre président à répétition : « Nous avons à peu près 4000 personnes qui remettent des cadastres. C’est clair que chaque cadastre est envoyé dans chacune des fédérations. Ce n’est pas le parti national qui regarde le contenu des 4000 cadastres. Nous les recevons, nous les encodons et c’est parti dans les fédérations. […] Ce n’est que quand le scandale a éclaté que nous nous sommes intéressés avec attention. »

Machiavel, qui était très machiavélique comme vous vous en doutez, disait : « Les hommes sont si simples et si faibles que celui qui veut tromper trouve toujours des dupes. »

Le journaliste aurait pu lui dire : mais il n’était pas nécessaire de regarder le contenu de 4000 cadastres. Pourquoi ne pas regarder le cadastre de Stéphane Moreau, André Gilles et Alain Mathot puisque la presse en parle depuis 4 ans ? Pourquoi ne pas demander à Willy De Meyer, vice-président du parti et président de la fédération de Liège jusqu’il y a peu ? L’article 75 des statuts est très clair sur ce point. Mais le journaliste a laissé passer une réponse pareille. Avait-il peur de démonter la faible argumentation dirupienne ?

Ces cinq lignes, à elles seules, nous parlent clairement des problèmes qui affectent le PS depuis longtemps :

  1. Les médias connaissent mieux que le PS ce qui se passe à l’intérieur ? Si oui, est-ce normal ?
  2. Le président, les vice-présidents, le Bureau, la Commission de Vigilance, le Conseil de Déontologie et le Secrétariat ne font pas leur travail.
  3. Les fédérations et leurs Comités de Vigilance ne font pas leur travail non plus.
  4. Il faut attendre que les scandales éclatent pour que le parti réagisse. C’est EDR qui le dit. Et puis, les affaires, sont loin d’être des « accidents ».
  5. Personne n’a rien vu, rien entendu, rien dit. Rien de rien. Elio ne regrette rien. Tout ça lui est bien égal. Et cela, malgré les alertes lancées par les médias depuis des années.
  6. Les déclarations à la sauce Di Rupo signifient que la caste dirigeante du PS nous prend pour des imbéciles. Le serions-nous vraiment ?
  7. Une minorité est coupable par omission complice, par non-assistance à parti en danger.
  8. Absence d’une direction qui dirige.

Aux manquements contre l’éthique s’ajoutent d’autres tout aussi graves: l’absence de stratégie et d’un projet de gauche. Il ne reste plus que les calculs électoraux pour la lutte des places.

Par conséquent nous, militants de base du PS, sommes en droit d’accuser la presque totalité de la caste dirigeante d’être coupable, les uns par commission les autres par omission, de la crise qui affecte notre parti. Si elle n’est responsable de rien, serait-ce donc le hasard, la malchance et la méchanceté de ces salauds du MR, du CDH et du PTB ?

Ces dirigeants ne supportent pas la critique et osent même accuser les militants en colère de frustrés, de partisans de la politique de la terre brulée, de militants bornés un brin paranoïaques et autres arguments ad hominem : les arguments de ceux qui n’ont pas d’arguments.

Devant cette situation quelles sont les alternatives pour sortir le PS de l’ornière ?

Union sacrée, révolte interne, dissidence régénératrice.

L’union sacrée. Elio di Rupo et Laurette Onkelinx insistent sur l’impératif de rester unis. Unis autour de quoi et de qui ? Unis autour de rien ou de très peu ? Unis autour de Elio Di Rupo et consorts, des individus qui n’ont rien vu, rien entendu, rien dit ? Marcher unis jusqu’au précipice pourvu que l’on soit unis ? L’union à n’importe quel prix ?

La révolte interne. Celle-ci ne peut venir que des militants de base et de quelques dirigeants sans peur décidés à transformer le parti de fond en comble. Et cela dans le cadre d’une vraie démocratie interne.

Un groupe, #grouponsnousetdemain !, récemment créé, veut incarner cette volonté de changement en agissant à l’intérieur du parti : « Nous sommes socialistes, militants ou mandataires, et nous sommes en colère. » […] « Nous avons décidé de nous regrouper, à la suite de générations de militantes et de militants pour transformer radicalement le monde. Et pour ce faire, commencer par transformer radicalement notre Parti Socialiste. »

Mais sans se révolter.

Un de ses membres déclarait (RTBF le 15.06.17) : il ne s’agit pas d’une fronde ni de mettre en cause un ténor du parti pour en plébisciter un autre ; l’objectif n’est pas de couper des têtes ; l’initiative est indépendante et bienveillante par rapport au parti avec une volonté de canaliser la colère et de renforcer le PS. Bref, ils veulent surtout être très gentils. Ils sont allés chez Di Rupo pour le rassurer. C’est gentil.

Et voilà le problème ! Nous sommes en colère, nous voulons transformer radicalement le monde et notre Parti Socialiste, mais nous voulons le faire avec Di Rupo, Onkelinx, De Meyer, Flahaut, Vervoort, Demotte, Marcourt, Mathot… tristes figures de la vieille politique. La liste n’est pas exhaustive.

J’ai assisté au rassemblement le 9 juillet à Bruxelles de « #grouponsnousetdemain ! » (J’en suis membre. Eh oui !). J’ai constaté que parler d’un renouvèlement de la direction du parti est un sujet tabou. Serait-ce dû à la composition du groupe ? Bon nombre de ses membres sont des parlementaires, des mandataires, personnel des cabinets ministériels. Des gens qui ont un boulot à défendre. Je les comprends.

u003cstrongu003e u003c/strongu003eElio Di Rupo s’accroche à la présidence du PS contre le vouloir de nombreux militants.

Cette composition du groupe pourrait « canaliser » la colère des militants jusqu’à l’étouffer et tenter de sauver le parti pour sauver les places de ses Grands Propriétaires au lieu de les pousser à laisser leurs places pour sauver le parti.

#grouponsnousetdemain ! – j’aurais préféré #revoltonsnousaujourd’hui ! – serait plutôt un groupe chargé d’éviter la fuite massive des militants. Mais ne soyons pas pessimistes. Le groupe est à ses débuts. Des changements sont possibles, mais le temps presse.

En attendant, Elio Di Rupo s’accroche à la présidence du PS contre le vouloir de nombreux militants. Lorsque des journalistes lui demandent (à partir de la minute 7) si son mandat est encore légitime sa réponse est toujours la même : « Ma légitimité je pense qu’elle est acquise, j’ai été voté […] ma légitimité n’a jamais été mise en cause […] je vous remercie de me rappeler tout ça, mais ça me laisse d’une indifférence totale… »

Non monsieur le président. Une élection, si démocratique soit-elle, n’octroie jamais une légitimité à vie. La légitimité d’un mandat s’entretien au jour le jour. Elle se perd ou se gagne en cours de mandat. Poutine, Erdogan, Maduro, et tant d’autres ont été élus, mais après ils ont perdu leur légitimité. Je ne compare pas EDR avec ces gens, je compare les aléas de la légitimité.

EDR prétend que sa légitimité n’a jamais été mise en cause ! Vraiment ?

Et puis, cerise sur le gâteau : « je vous remercie de me rappeler tout ça, mais ça me laisse d’une indifférence totale… ». Non monsieur le président. Quand on a été plusieurs fois ministre, Premier ministre et qu’on est aujourd’hui député fédéral, président de parti et bourgmestre de Mons, grâce à vos électeurs, on ne parle pas comme ça. Ce que vous faites ou ne faites pas, ce que vous dites ou ne dites pas, a des répercussions sur les citoyens et sur les militants. Je vous demande donc un peu plus de respect pour nous. Vos mandats, c’est à nous les militants et aux électeurs que vous le devez. Moins d’arrogance et plus de politesse !

En juin 2016, EDR déclarait qu’il n’excluait pas être candidat à sa propre succession à la tête du parti en 2019. Il n’avait rien compris. Aujourd’hui non plus puisqu’il ne démissionne pas. Pour quoi ne pas l’élire « démocratiquement » à durée indéterminée en tant que candidat unique?

Ahurissant à quel point la soif de pouvoir peut aveugler un homme et ceux qui l’abreuvent de leur soutien, quitte à sacrifier le parti devant l’autel des ambitions.

La présidence de Di Rupo crée un autre problème : l’obligation de loyauté de ceux qui sont là où ils sont grâce à lui ou dont leur carrière politique en dépend. Ils sont nombreux à être victimes de cette loyauté toxique. Ils sont ligotés et bâillonnés.

C’est le cas, de Paul Magnette, parmi d’autres. Il n’hésite à déclarer très souvent : « Elio Di Rupo a été élu par les militants jusqu’au lendemain des élections en 2019. Il restera donc évidemment jusqu’au lendemain de 2019. Il a pris des mesures. Il a montré qu’il pouvait prendre des mesures ». Ou encore : « Je suis à 100% derrière Elio Di Rupo, c’est de lui que nous avons besoin pour rénover le parti ». Trop c’est trop.

Ceux qui soutiennent le président avec le faux argument de la légitimité doivent changer de discours. Le devoir de loyauté en politique a des priorités. Il faut choisir entre la loyauté à un mentor et la loyauté à la cause socialiste, au PS, aux citoyens de Wallonie et de Bruxelles. Entraver le renouveau du PS et le projet socialiste par fidélité à Elio Di Rupo, président du PS depuis 18 ans avec les résultats que l’on connait, ne peut pas être l’attitude des dirigeants voués à la cause du peuple.

Que faut-il attendre ? Le lendemain des élections en 2019 et sa réélection ? Soyons sérieux !

Laurette Onkelinx déclarait le 3 juillet que le capitaine Di Rupo ne doit pas quitter le navire dans la tempête parce qu’il doit mener à bien le congrès d’automne.

C’est bien s’il démissionne juste après le congrès d’automne. On peut attendre jusque-là. Néanmoins, les nouveaux dirigeants seront les héritiers d’un cadeau empoisonné.

La dissidence régénératrice

Faute d’une révolte interne ou d’une démission du Président il ne reste qu’une possibilité à ceux qui ne veulent et ne peuvent pas militer dans un autre parti : la création d’un nouveau parti, le parti du renouveau socialiste.

Ceux qui ratent l’occasion de faire ce qu’il faut, quand il le faut, la ratent pour toujours. Si j’étais Paul Magnette ou un autre dirigeant du parti, je traverserais le Rubicon sans hésiter ni trembler avec des militants décidés à rallumer la flamme du socialisme et l’espoir des citoyens.

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