Nicolas Baygert

PS : de la colère à l’opposition assumée

Nicolas Baygert Chargé de cours à l'IHECS et maître de conférences à l'ULB

La résilience, cette capacité à pouvoir surmonter les traumatismes psychiques et les blessures émotionnelles les plus graves constitue un concept-clé dans les recherches de Boris Cyrulnik (1), neuropsychiatre français, auteur de nombreux ouvrages à succès. La résilience revient à rendre admissible ce qui a priori ne l’est pas, à rendre la « catastrophe acceptable ».

Cette propension à la résilience se décèle depuis peu dans le comportement de quelques mandataires socialistes. Au programme : un retour du « business as usual », c’est-à-dire d’un certain pragmatisme institutionnel. Après la crise d’hystérie de l’automne, on assisterait à l’éclatement de la bulle émotionnelle accompagnant la prise de pouvoir du gouvernement « MR-N-VA », tel qu’il fut baptisé par l’opposition (CD&V et Open VLD s’y voyant condamnés à l’oubli).

La déchirure traumatique que constitua le départ du PS du fédéral donna en effet lieu à moult excès. Le ministre fédéral de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA), fut ainsi persona non grata lors de l’inauguration de l’hôtel de police de Charleroi par Paul Magnette (PS) en novembre dernier. Le même ministre s’est ensuite vu privé de réveillon de Noël avec les services de police de Bruxelles par le bourgmestre Yvan Mayeur (PS). Des affronts grotesques, impensables hors contexte belge, mais que le ministre s’est contenté d’acter. Un flegme étonnant et in fine payant.

Les porte-flingues prompts à tirer à bout portant sur les néo-ministres N-VA et autres judas libéraux semblent aujourd’hui avoir dévissés leurs silencieux, rangés leurs fourches, fléaux d’armes et lance-pierres. Débarbouillés de leurs peintures de guerre, les mandataires de l’opposition semblent peu à peu retrouver leurs esprits allant jusqu’à applaudir Jan Jambon suite au recadrage musclé de Filip Dewinter (Vlaams Belang) à la Chambre. Fini le bruit des bottes, retour des pas feutrés des escarpins et derbies cirés dans les couloirs tapissés de l’assemblée.

PS : débarbouillés de leurs peintures de guerre, les mandataires de l’opposition semblent peu à peu retrouver leurs esprits.

A l’image des parois extérieures de l’édifice carolo du starchitecte Jean Nouvel, qui déjà se fissurent, l’opposition frontale du PS semble également se lézarder. L’heure est au rabibochage comme l’illustre le récent rapprochement entre Yvan Mayeur et Jan Jambon dans une rencontre qualifiée de « constructive ».

Cette atmosphère de pacification traduit également un essoufflement du guérilla-marketing socialiste (une mise en scène « orchestrale » de l’indignation). De même, les coups de com’, à l’instar de l’initiative (c’est trop) injuste.be, se sont avérés infructueux, voire contre-productifs, le parti s’étant vu taxé de « calimérotage » surfait. Ajoutons qu’en baisse dans les sondages, l’opposition socialiste reste à ce jour hiérarchiquement désincarnée. Repropulsé à la tête du PS et affublé des atours du sage, Elio Di Rupo s’accroche à son aura de « shadow Prime » (Premier ministre de l’ombre) sans réellement insuffler de renouveau partisan (la « relance » si l’on se réfère aux différents stades de la résilience).

C’est oublier que l’électeur témoigne d’une préférence de plus en plus marquée pour un leadership dynamique de type « gestionnaire pragmatique », rejetant celui de « cacique moralisant » ou d' »indigné vitupérant ».

Aussi, rien n’est perdu. Il existe des « ruptures fécondes », comme l’exprime l’écrivain Gabriel Matzneff (2) : « La rupture c’est l’éveil, la tension, le renouvellement. » A condition que l’on fasse de celle-ci un « un instrument de la connaissance de soi ».

(1) Psychanalyse et résilience, sous la direction de BorisCyrulnik et Philippe Duval, Odile Jacob, 2006.

(2) De la rupture, par Gabriel Matzneff, Rivages, 2000.

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