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Produits chimiques : la chasse aux poisons tarde à s’ouvrir

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Cachés dans les canettes de bière, les bols en plastique, les nettoyants pour fours, les épluchures de pommes ou les jouets, les perturbateurs endocriniens devraient être pistés et aussitôt bannis. Mais leur identification n’est pas simple, les lobbies sont puissants et la Commission européenne avance à reculons.

Ils sont partout. Dans vos couettes de lit, vos bougies parfumées, vos vêtements, vos produits de nettoyage, vos crèmes hydratantes. Ils sont dans l’eau et dans l’air : on a retrouvé la trace d’une vingtaine d’entre eux, surtout des pesticides, dans les cheveux de Franciliennes en âge de procréer. Parmi les substances détectées, certaines étaient interdites en France… Les perturbateurs endocriniens ont silencieusement pris place dans nos vies sans nous en avertir.

Et sans se présenter. Ces substances au nom savant sont des produits chimiques, d’origine naturelle ou non, qui bousculent le fonctionnement du système endocrinien, avec des conséquences qui peuvent être graves pour la santé de l’humain et pour son environnement. Ces dernières années, les études se sont enchaînées pour attester du lien entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens et l’augmentation de l’obésité, du diabète, de certains types de cancers (du sein ou de la prostate), des troubles de la reproduction (puberté précoce, stérilité des hommes) et de l’hyperactivité. Le tristement célèbre bisphénol A, banni des biberons européens depuis 2011, en est un. Mais il y a tous les autres.

S’attaquer à cet invisible ennemi, c’est ce à quoi s’emploie la Commission européenne depuis… 1999 ! De stratégie en rapports, de groupes de travail en résolution parlementaire, elle s’était engagée à présenter « des propositions de mesures concernant les critères scientifiques spécifiques pour la détermination des propriétés de perturbation endocrinienne » en décembre 2013. Dix-huit mois plus tard, ces critères ne sont toujours pas connus.

Les parlementaires européens ont demandé à la Commission « de réviser sa stratégie sur les perturbateurs endocriniens afin qu’elle assure une protection efficace de la santé humaine en mettant davantage l’accent sur le principe de précaution et de travailler, le cas échéant, à réduire l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens ». En six ans, 10 000 substances chimiques ont été analysées dans le cadre de la directive européenne Reach, le règlement d’autorisation et d’évaluation de ces substances. Il en reste 20 000 à passer au crible, qui ne sont toutefois pas les plus utilisés.

Enfin, la Commission a lancé une consultation publique visant à « faciliter la définition de critères applicables aux perturbateurs endocriniens ». Ce 1er juin, elle rassemblera tous les acteurs concernés par la question : scientifiques, chercheurs, et représentants de l’industrie de la chimie, du plastique, des sciences de la vie, ces derniers s’arc-boutant sur la difficulté à déterminer précisément quelle substance engendre quelle perturbation à quel moment de la vie. Selon l’âge du consommateur et la dose de produit qui l’affecte, l’effet sur son système endocrinien est en effet différent.

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– A quand la liste européenne de critères des perturbateurs endocriniens ?

– Quel est l’effet cocktail des différentes substances chimiques qui se rencontrent ?

– Comment informer sans faire paniquer ?

– L’impact économique des perturbateurs endocriniens

– Les conseils en présence d’objets contenant des substances identifiées comme toxiques

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