Thierry Denoël

Prison, avocat, justice… Turtelboom, une femme de défis ?

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Son heure politique est venue. Anemie Turtelboom est cernée de toute part. Les dossiers brûlants s’accumulent sur son bureau. La bouilloire siffle à en faire péter le couvercle dans les prisons, après plusieurs évasions parfois très violentes. Les gardiens n’ont qu’un mot à la bouche : grève et préavis. Privés de visite, les détenus souffrent en silence, pour l’instant.

Les trois ministres communautaires chargés de l’aide aux prisonniers (parmi eux, deux CD&V, Jo Vandeurzen et Brigitte Grouwels) ont envoyé à Anemie Turtelboom (VLD) une lettre commune. En cause : l’insalubrité de la prison de Forest, que des magistrats viennent de dénoncer après une inspection inédite des lieux. A la demande des directeurs de prison, le Conseil de l’Europe a commencé, à son tour, à examiner l’établissement. Risque : si la fermeture de Forest venait à être décrétée, alors que la surpopulation atteint un niveau record, la poudrière carcérale pourrait bien exploser. D’autant qu’on sait désormais que le Masterplan, qui prévoit la construction de nouvelles prisons d’ici à 2016, ne respectera pas les délais.

Ce n’est pas tout. Les avocats francophones du pays ont lancé un ultimatum à la ministre. Le conflit sur le budget accordé à l’aide juridique s’est durci d’un ton. Les bureaux pro deo pourraient faire grève dès le 9 mai. Or, dans le contexte de la crise, les conflits sociaux et autres se judiciarisent de plus en plus et les demandes d’aide juridique ne cessent d’augmenter. Un autre dossier attend la ministre libérale : celui de l’informatisation de la Justice. Un boulet infernal que l’Etat traîne depuis plus de dix ans et qui menace de paralyser l’appareil judiciaire.

Seule éclaircie dans ce tableau sombre : Turtelboom a réussi à faire passer la réforme des arrondissements judiciaires, au niveau du gouvernement. Elle a soigné le travail en prenant son bâton de pèlerin pour démarcher tous les chefs de parti de la majorité. Un succès indéniable, engrangé plus vite que prévu. Sous la précédente législature, cette jeune ministre a également fait ses preuves à l’Intérieur, jamais occupé auparavant par une femme. Mais c’était une sinécure par rapport au fauteuil qu’elle occupe aujourd’hui.

La Justice est une vraie gageure, même si ce département a été épargné par les coupes sombres lors des négociations budgétaires. Anemie Turtelboom, femme de poigne souriante, va devoir développer des qualités insoupçonnées et apprendre la concertation sociale, sans devoir se déshabiller pour autant. Ce sera d’autant plus rude qu’elle ne semble pas jouir d’un soutien massif au sein de l’équipe papillon et qu’elle ne siège plus automatiquement au kern, n’étant plus vice-première… Les vrais défis commencent aujourd’hui.

Thierry Denoël

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