Sécurité maximum lors du transfert de trois personnes inculpées dans le cadre de l'opération antidjihadiste menée la semaine dernière. © Belga

Premier couac dans la coordination de la lutte contre le terrorisme ?

Le Vif

Ce mardi 20 en matinée, le Parquet fédéral regrettait une fuite dans la presse évoquant deux suspects, dont Abdelmounaim H., suspecté d’être impliqué dans les actes terroristes déjoués à Verviers. A en croire la presse flamande, ce Molenbeekois de 21 ans avait été identifié en France par les services secrets et entendait rejoindre Madrid pour voler vers le Yemen ou l’Arabie saoudite. Le Parquet fédéral avait lancé un avis de recherche en Espagne le concernant.

Le soir même, découvrant l’avis de recherche, Abdelmounaim H. s’est rendu au poste de police de…Molenbeek-Saint-Jean. Il a été placé sous mandat d’arrêt ce mercredi 21 janvier. En détention préventive, il est toujours présumé innocent.

Abdelmounaim H. serait sous surveillance électronique. Cette information est diffusée largement dans les médias mais n’a pas encore été confirmée par le Parquet.

Si Abdelmounaim H. a bel et bien été en France (et aurait donc fait demi-tour), la surveillance électronique aurait failli ou l’information n’aurait pas été partagée avec le Parquet fédéral. Cette compétence vient d’être communautarisée (depuis le premier janvier 2015). Le transfert de compétences se serait-il déroulé dans un certain cafouillis expliquant un relâchement dans la surveillance ? Tant du côté des Maisons de Justice que du Ministre Rachid Madrane (compétent pour la Communauté Wallonie-Bruxelles), on assure le contraire. Le Centre National de Surveillance Electronique (CNSE) n’a plus rien de national mais le personnel a été maintenu. Seul le pouvoir de tutelle a changé. Par ailleurs, le 10 décembre 2014, les ministres Madrane, Vandeurzen (Communauté flamande) et Antoniadis (Communauté germanophone) ont signé un accord de coopération pour gérer la surveillance électronique. Sur le cas précis d’Abdelmounaim H., Rachid Madrane renvoie vers le Parquet.

Si Abdelmounaim H. était bel et bien sous surveillance électronique et que sa trace n’a jamais été perdue, la « chasse à l’homme » manquée vient apporter une pierre dans le jardin de nos dispositifs de surveillance et de renseignement belge. Comment les enquêteurs fédéraux n’ont-ils pas remarqué que la personne qu’il recherchait activement avait déjà été condamnée ou était en détention préventive ? S’ils l’ont constaté, comment ou pourquoi n’ont-ils pas consulté SISET (une base de données interne aux Maisons de justice, communautarisées, pour la gestion quotidienne de la surveillance électronique) ? Le peuvent-ils ? En vain, nous avons tenté de joindre les magistrats de presse pour poser ces questions.

A l’heure où l’Europe scande tel un mantra la nécessaire coopération européenne en matière de lutte contre le terrorisme (entre pays européens, avec les pays arabes, avec les USA, etc.), il serait navrant de constater que l’éclatement des pouvoirs en matière d’informations judiciaires empêche la centralisation et le partage rapide d’informations sensibles au sein même de l’Etat belge. Avec cette situation absurde : pendant que le Parquet fédéral recherche un homme en Espagne, la Communauté Wallonie-Bruxelles le surveillerait en Belgique…

Olivier Bailly

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