Gérald Papy

Pourquoi le rêve révolutionnaire d’Hugo Chavez a échoué

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le président vénézuélien a incontestablement amélioré le sort des classes les plus défavorisées. Mais son autoritarisme a nui à la démocratie et son antiaméricanisme a entravé l’expansion de sa révolution.

La tristesse d’une grande partie du peuple vénézuélien à l’annonce de la mort du président Hugo Chavez témoigne de la popularité qu’il avait conservée après quatorze années au sommet de l’Etat. Il avait d’ailleurs été réélu avec 55,07 % des suffrages en octobre 2012 sans jamais pouvoir prêter serment en raison de l’évolution du cancer qui le minait depuis quelques mois. A la tristesse se mêle sans doute le sentiment d’injustice de voir s’éteindre un dirigeant charismatique relativement jeune. Mais l’émotion ne doit pas faire oublier le fait que Hugo Chavez a personnifié la tradition latino-américaine du « caudillo » pour lequel la démocratie est plus un instrument de prise de pouvoir qu’une fin en soi.

Si les classes les plus défavorisées du Venezuela ont conservé jusqu’au bout leur confiance en Hugo Chavez, c’est à coup sûr parce que cet ancien officier putschiste, arrivé au pouvoir à la faveur des élections présidentielles de 1998, a mis en pratique sa politique socialiste de répartition plus équitable des richesses naturelles du pays. Aidé par la précieuse manne pétrolière (le Venezuela était le 11e producteur mondial selon les chiffres de 2011), il a contribué au développement social du pays. Ce succès est incontestablement à porter au crédit d’Hugo Chavez parce qu’il a su éviter au Venezuela cette « malédiction de l’or noir », là où d’autres dirigeants de pays pétroliers n’ont pas résisté aux fléaux de la corruption et de la prévarication.

Pour autant, Hugo Chavez a-t-il réussi sa « révolution bolivarienne », du nom du héraut vénézuélien de l’émancipation des colonies espagnoles d’Amérique du Sud Simon Bolivar ? Le bilan est pour le moins mitigé. Au plan intérieur, la « démocratie participative » qu’il a progressivement mise en place et qui trouvait une illustration dans l’émission télévisée Alo, Presidente où il répondait aux interpellations des citoyens, a fait fi de la démocratie représentative au détriment de l’opposition et du respect de ses droits.

Au plan régional, force est de reconnaître que le radicalisme d’Hugo Chavez a entravé le rayonnement de sa politique. Pour preuve, ses héritiers, aujourd’hui, sont peu nombreux et dirigent des Etats qui ne sont pas des poids lourds du continent : Rafael Correa, en Equateur, Evo Moralès, en Bolivie, Daniel Ortega, au Nicaragua. Qu’une personnalité de gauche comme le président Lula du Brésil, élu en 2002, ait gardé ses distances avec la politique du bouillant président vénézuélien est sans doute la plus grande marque de désaveu de sa stratégie pour l’Amérique latine.

Sur la scène internationale enfin, le soutien d’Hugo Chavez à des régimes comme ceux d’Iran ou de Libye… au nom d’un antiaméricanisme aveugle et irréfléchi a fini de le discréditer. D’autant que dans le même temps, le maître de Caracas n’a jamais rompu ses livraisons de pétrole aux Etats-Unis au nom d’un évident pragmatisme économique.

Dans l’ouvrage Chavez-Uribe (du nom de l’ancien président colombien de droite), Deux voies pour l’Amérique latine ?, le professeur de Science politique à l’Université de Paris-Est Stephen Launay constatait : « Le populisme chaviste est issu de la démocratie représentative en crise. De la démocratie, il retient la délégation, mais tellement concentrée autour du chef qu’elle se retourne contre la démocratie et qu’elle abolit le politique dans une négation prépolitique de l’autre ». Est ainsi résumé l’échec d’un projet politique dont on peut se demander s’il survivra à son créateur.

G.P.

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