Bart Maddens

« Pourquoi la crise politique en Catalogne tombe très mal pour la N-VA »

Bart Maddens Politologue à la KULeuven et proche du mouvement flamand

« La question catalane peut raviver les oppositions au sein de la N-VA entre les nationalistes flamands et les Realpolitiques » écrit le politologue Bart Maddens. « Le parti n’a absolument pas besoin de ça pour l’instant. »

Univers parallèle

Oseraient-ils vraiment? Certainement, les deux partis avaient promis qu’ils le feraient s’ils obtenaient une majorité de sièges. Mais quand la N-VA et le Vlaams Belang ont soumis leur proposition de résolution au parlement flamand, ils ont tout de même provoqué un choc. Car cette résolution pose incontestablement une bombe sous la Belgique :

« Le parlement flamand déclare solennellement qu’il entamera un processus qui débouchera sur la fondation d’un état flamand indépendant sous la forme d’une république. Le parlement demande au gouvernement flamand de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre cette déclaration en pratique. Concrètement il faut déposer les projets de décret à cet effet dans les trente jours. Le parlement flamand souligne qu’il est souverain et donc insoumis aux institutions de l’état belge. Plus précisément, le parlement flamand considère la Cour constitutionnelle comme illégitime et non compétente, et le parlement ne se tiendra plus aux arrêts de cette Cour. Finalement, le parlement exprime le souhait d’entamer des négociations qui doivent conduire à la proclamation d’une république flamande indépendante. Le parlement flamand en informe l’état belge, l’Union européenne et la communauté internationale. »

Peut-être qu’il existe un univers parallèle où les nationalistes flamands ont obtenu une majorité de sièges absolue au parlement flamand le 25 mai avant d’unir leurs forces pour faire sauter la Belgique. Les fans de science-fiction savent tout sur les univers parallèles et la façon de s’y rendre. Mais si vous préférez rester réaliste, allez en Catalogne.

Car le texte ci-dessous est évidemment une traduction (libre) de la proposition de résolution que les partis du camp du oui (Junts pel Sí et CUP) ont déposée cette semaine au parlement catalan.

L’effet de choc a été énorme. Pour la première fois, les Espagnols commencent à réaliser que l’indépendance de la Catalogne pourrait bien avoir lieu. Jusqu’à présent, la plupart considéraient cette possibilité comme très virtuelle. Beaucoup d’observateurs voyaient le flirt catalan avec l’indépendance comme un jeu politique. Pour eux, l’élection « plébiscitaire » du 27 septembre n’était qu’une astuce transparente du ministre-président Artur Mas pour détourner l’attention des scandales de corruption dans son parti. Et ces Catalans roublards font les fiers pour obtenir un meilleur dispositif de financement.

Lorsque le 27 septembre il s’est avéré que Junts pel Sí n’avait pas obtenu une majorité de sièges à lui seul, on a soupiré de soulagement. Les braves citoyens de Convergència ne s’uniront jamais aux anarchistes du CUP, c’est certain.

Retour à la réalité douloureux

Mais les événements de cette semaine ont confronté les Espagnols à un dur retour à la réalité. D’abord, il y a eu la nouvelle présidente du parlement catalan, Carme Forcadell, qui a triomphalement conclu son discours inaugural par un « Viva la República Catalana! ». Et puis il y a eu la proposition de résolution qui a fait l’effet d’une bombe. D’un seul coup, on a senti la panique. Que doit faire l’état espagnol si la résolution est effectivement approuvée, peut-être déjà le 9 novembre ? À Madrid, on spécule depuis longtemps sur l’application de l’article 155 de la Constitution qui permet à l’état espagnol de suspendre l’autonomie des régions . Et puis il y a la compétence répressive de la Cour constitutionnelle approuvée par une procédure d’urgence. Mais jusqu’à présent, la discussion à ce sujet ressemblait davantage à un divertissement de politiques et de commentateurs. À présent, tout risque de se transformer en dure réalité, avec des conséquences dont personne ne peut se rendre compte. L’Espagne est confrontée à la plus grande crise politique depuis la transition.

Ce sentiment de crise national a encore été aggravé quand le premier ministre Mariano Rajoy, du PP, a réagi aux événements à Barcelone par le biais d’une déclaration « présidentielle » émise en direct à la télévision. Cependant, cette intervention a immédiatement fait l’objet de critiques. Rajoy semblait tirer un bénéfice électoral d’événements en Catalogne. « Tant que je suis premier ministre, les séparatistes n’auront pas ce qu’ils veulent » a-t-il dit. Après, Rajoy s’est vu obligé de changer de discours. Il a concerté l’opposition, ce qui a conduit à la déclaration commune du premier ministre et du président du PSOE Pedro Sánchez. Ils s’engagent à défendre l’unité de l’Espagne et le respect de la Constitution. Ils veulent garder la question catalane le plus possible en dehors de la campagne électorale. Mais c’est évidemment illusoire. Il est déjà certain que les élections nationales du 20 décembre seront entièrement dominées par l’indépendance catalane. Et je ne serais pas étonné que ces élections débouchent sur un gouvernement PP-PSOE d’unité nationale, pour qui tous les moyens sont bons pour contrecarrer les séparatistes catalans.

Tout ça, c’est une mauvaise nouvelle pour les autres pays de l’UE, qui avaient espéré secrètement que le conflit catalan s’apaiserait de lui-même. Si la résolution catalane explosive est approuvée, les autres pays de l’UE ne pourront plus faire comme si de rien n’était. On s’adresse d’ailleurs directement à l’UE dans la résolution. Comment va-t-elle réagir à ça ? Quelle sera la position de la Commission européenne ? Le Conseil européen pourra-t-il encore échapper à cette question maintenant que pour la première fois de l’histoire de l’UE une région se révolte ouvertement contre le pouvoir central ?

L’onde de choc catalane risque de provoquer pas mal d’agitation dans le gouvernement belge. Si la question catalane est soulevée au Conseil européen, quelle sera la position adoptée par le premier ministre Michel ? On peut difficilement s’imaginer qu’un gouvernement dominé par la N-VA condamne la lutte pour l’indépendance catalane et défend l’unité de l’Espagne. Plusieurs députés de la N-VA se sont déjà prononcés en faveur de l’indépendance catalane.

Réaction indécise de Bart De Wever

Cependant, jusqu’à présent, le parti en tant que tel ne s’est pas vraiment prononcé. La réaction de Bart De Wever à la victoire du oui était indécise. Il n’a pas dit : « J’espère que la Catalogne accédera à l’indépendance le plus rapidement possible » mais : « Je ne peux qu’espérer que le gouvernement catalan et espagnol collaborent sans tabous mutuels pour aboutir à une solution politique. »

La vérité c’est que la crise catalane tombe très mal pour la N-VA

La vérité c’est que la crise catalane tombe très mal pour la N-VA. La question peut aviver les oppositions au sein du parti entre les nationalistes flamands radicaux et les politiques réels. La N-VA n’a absolument pas besoin de ça pour l’instant. Dans l’univers parallèle susmentionné, Bart De Wever peut travailler avec le Vlaams Belang pour l’indépendance flamande. Dans l’univers réel, il aura bien juré en apprenant l’histoire de la résolution catalane.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire