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Pourquoi l’avocat Victor Hissel a été condamné

Il faut sciemment détenir des images pédopornographiques pour être condamné. Pour la défense de l’avocat liégeois, cela n’a jamais été le cas. Mais pour le tribunal, si. Explications.

Le 14 février 2008, comme la RTBF Radio le révélait peu après, l’avocat liégeois Victor Hissel, bien connu pour avoir défendu plusieurs parents de victimes dans l’affaire Dutroux, avait été inculpé de faits graves. A la suite d’une opération judiciaire internationale, baptisée « Koala » car menée au départ de l’Australie, il était en effet apparu qu’il avait consulté sur son ordinateur, au moins entre 2005 et 2008, des milliers de photographies à caractère pédopornographique. Elles mettaient parfois en scène de très jeunes enfants subissant de révoltants actes sexuels.

Sa défense, organisée par Mes Adrien Masset et Sandra Berbuto, allait affirmer que Victor Hissel ne tombait pas pour autant sous le coup de la loi. En effet, disaient-ils en se fondant sur l’article 383 bis du code pénal, leur client n’avait pas possédé, au sens propre du mot, les images apparaissant sur l’écran de son ordinateur. Il ne les avait ni téléchargées, ni payées – ce qui semble exact. Or cet article 383 bis prévoit qu’il faut « sciemment détenir » de tels documents pour être l’objet de poursuites, détaillait Me Masset. Qui expliquait également que les Cours de cassation suisse et française avaient abondé en ce sens en 2004 et 2005.

Cependant, il négligeait ce faisant une jurisprudence contraire et plus récente établie par la cour d’appel de Liège. Le 27 février 2007, elle avait condamné le pédophile G. pour des faits exactement semblables, malgré la thèse identique de sa propre défense. L’arrêt d’appel stipulait par ailleurs que « pour étayer sa thèse, le prévenu s’en réfère à la jurisprudence française que la cour n’a pas à prendre en considération ».

La jurisprudence comporte donc, depuis, le message que « pour que l’infraction soit établie, il n’est pas nécessaire que le prévenu ait réalisé des copies des images litigieuses ou les ait téléchargées. Le simple fait d’accéder à un site et de visionner les images, en connaissance de cause, suffit ». Et que, « en effet, cette consultation implique que le prévenu a bien été, pendant la période infractionnelle, en possession d’un écran d’ordinateur montrant de la pornographie enfantine ».

Il se trouve que, lors du procès de Victor Hissel, ses défenseurs ont continué de soutenir leur thèse de base en demandant l’acquittement pur et simple et que, ce jeudi 14 octobre, le tribunal, en rendant son ordonnance, ne les a pas suivis.

C’est ainsi que Victor Hissel, qui n’avait donc pas demandé le sursis même de manière subsidiaire, a été condamné à 10 mois de prison ferme. Il ne serait toutefois pas surprenant qu’il interjette appel : « Il y a de fortes chances que ce soit le cas », indiquait jeudi après-midi au Vif/L’Express Me Adrien Masset, « car si je tribunal a forgé son interprétation du droit, il reste place pour une autre analyse ». D’autant que, pour l’avocat, le choix de la peine, dans une fourchette de 1 à 12 mois de prison, est plutôt dur. A suivre, donc.

Roland Planchar

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